Un récit apologétique du stalinisme

Une polémique avec Emilio Albamonte (PTS-FT) sur le bilan du XXe siècle, l'analyse du stalinisme et de la révolution socialiste.

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Article paru sur Izquierda Web le 28/12/2020.

 

Roberto Saenz

 

« (…) Le mouvement ouvrier, soit disant vaincu, sort avec un résultat beaucoup plus contradictoire de la guerre. L’URSS non seulement maintient son territoire mais avance aussi vers les Balkans, l’Europe de l’Est, jusqu’à occuper la moitié de l’Allemagne capitaliste, résultat inattendu pour le monde entier (…) les économies planifiées, bien que bureaucratiques, avaient exproprié les capitalistes, et les États ouvriers bureaucratiquement déformés et dégénérés prennent un tiers de la valorisation du capital de l’humanité (…) Staline est sorti victorieux et a étendu le prestige de cette économie planifiée – bureaucratiquement déformée – l’économie de l’Union soviétique n’a cessé de croître. Alliés à la Chine, leur développement devient un défi pour l’ordre mondial. »

Emilio Albamonte, « La méthode marxiste et le présent des temps de crise, de guerres et de révolutions », izquierdadiario, 20/12/20.

 

Récemment, le dirigeant du PTS (Parti Socialiste des Travailleurs, Argentine), Emilio Albamonte, a fait un discours sur Zoom pour ses militants, abordant certains éléments de la situation internationale. En réalité, plus qu’une intervention sur les circonstances, il a cherché à proposer un aperçu de la situation mondiale pour ainsi dire, en prenant une vision plus globale des dernières décennies.

Son intervention contient quelques définitions générales de la période actuelle avec lesquelles nous sommes en accord, mais elle est imprégnée d’une analyse erronée du dernier siècle accentuée par la suite dans de nouvelles interventions.

Facteurs objectifs et subjectifs

Albamonte commence par souligner que l’analyse de la situation mondiale a besoin de la combinaison de l’étude de l’économie internationale, des relations entre les États et de la lutte des classes, question pris d’une approche classique par Léon Trotsky et qui fait l’ABC de l’analyse internationale . Dans cette approche générale, bien qu’il insiste sur le fait que l’élément déterminant en dernière instance est la lutte des classes, en réalité, plutôt, Albamonte développe une analyse où, surtout dans la seconde moitié du dernier siècle, Il se tourne plutôt vers l’analyse des relations entre États. C’est-à-dire, la centralité de l’analyse se situe dans ces relations et non dans la lutte entre les classes.

Par ailleurs, quand Albamonte réside ses espérances dans des éléments objectifs qui laissent les exploités et opprimés dehors de leur vie quotidienne et les poussent à prendre des actions révolutionnaires, ce qui est une détermination réelle (« des souffrances plus grandes que d’habitude », il dit; nous nous soulignons la même idée dans nos entretiens), Albamonte tend cependant à sous-estimer dans une large mesure les facteurs subjectifs. Cela se produit même si, paradoxalement, il est en même temps un partisan d’une idée de parti comme résumé de toute la subjectivité de la classe ouvrière; il y a le parti et rien d’autre en termes de subjectivité des exploités et des opprimés; une approche de l’organisation révolutionnaire qui reste quelque peu abstraite; sans «sol nutritif» pour se développer et construire.

L’élément des prétendues «pressions objectives» est réel. C’est ainsi que fonctionnent les grandes crises qui donnent lieu aux révolutions sociales. Mais, néanmoins, ce qui manque à toute l’analyse d’Albamonte, nous insistons, c’est l’analyse non seulement structurelle de la situation actuelle de la classe ouvrière en termes généraux, la prolétarisation massive du monde, mais surtout de ses éléments subjectifs: la classe ouvrière en tant que mouvement ouvrier et conscience n’est pas analysée. Ou c’est seulement, comme nous l’avons souligné plus haut, par le biais de leurs directions. Tout semble être un jeu de directions complètement abstrait de ses bases dans les masses; le reste des déterminations de la subjectivité ouvrière ne compte pour rien. Et, surtout, il ne compte pas la crise de l’alternative socialiste qui persiste à ce jour comme un sous-produit des frustrations du XXe siècle et qui est particulièrement importante en termes de bilan de la situation pour relancer la bataille pour le socialisme.

Albamonte rejette complètement la difficulté qu’un mouvement ouvrier socialiste n’existe pas aujourd’hui comme il y a un siècle, ce qui n’est pas une difficulté absolue, bien sûr, mais un problème en attente de résolution.

D’un autre côté, il est frappant que dans son intervention, la crise écologique que traverse l’humanité capitaliste et dont la pandémie actuelle fait partie, n’a pas de lieu, ce qui est une histoire sans sensibilité aux problèmes réels et quotidiens qui affectent de larges secteurs de la population, séparés des expériences réelles des gens de chair et d’os, question qui n’a pas sa place dans leur longue intervention.  (1)

En tout cas, en réalité, ce n’est pas en cela que nous sommes plus en désaccord avec Albamonte, ni dans son évaluation de la longue étape de revers que le néolibéralisme capitaliste a signifié au cours des dernières décennies, dont nous avons une approche similaire, bien que son angle en particulier des effets «idéologiques» de celle-ci, se détache de l’analyse de la crise de l’alternative socialiste, donnant un air quelque peu abstrait à l’approche (bien que l’idéologie néolibérale, compétitive de tous contre tout, c’est un vrai objet).

La révolution russe comme événement stratégique

Mais là où l’analyse d’Albamonte souffre dramatiquement, c’est dans sa vision du siècle dernier et des conséquences que cette expérience a aujourd’hui.

Fondamentalement, Albamonte divise l’histoire du siècle dernier en trois étapes. La première étape serait (est) entre les années 20 et 40, qui a été marquée par de grandes révolutions, à commencer par la Révolution russe, qu’Albamonte ne nomme pas mais qui s’est soldée par de grandes défaites. Dans ce cas, aucune évaluation n’est faite au sein de ces processus et il n’est pas non plus souligné qu’il s’agissait d’événements historiques marqués par le feu des révolutions socialistes – triomphantes et vaincues – proprement dites classiques, avec une centralité de classe ouvrier et un rôle d’une importance énorme de notre courant marxiste révolutionnaire historique.

La deuxième grande étape est celle de l’immédiat après-guerre, où elle est venue des grandes défaites historiques des années 1930 mais comme sous-produit des conditions objectives, selon Albamonte et en partie vraiment, de grands triomphes auraient été obtenus en expropriant un tiers du monde aux capitalistes.

Le troisième étape est celui du néolibéralisme (des années 80 à la crise de 2008) et enfin le quatrième est l’actuel à partir de 2008, avec une lente tendance à inverser ce cycle de revers, commencé en dans les années 1970, en termes généraux, nous sommes d’accord avec ce dernier appréciation. Albamonte parle du fait que nous sommes «aux limite de la période de la restauration néolibérale», et nous signalons qu’il y a une période de ré-initiation de l’expérience historique des exploités et opprimés; deux définitions qui peuvent être complémentaires.

Cependant, la vision du monde et de la situation politique internationale, historiquement appréciée, est si schématique qu’elle finit par être, paradoxalement, une raconte qui simplifier en fait la lutte des classes: le rôle des sujets sociaux et politiques, de la conscience, des programmes, des directions, etc., dans l’espoir que la réalité objective est celle qui résout finalement nos problèmes …

Pour le reste, dans la deuxième période d’après-guerre, tous les développements auraient été des progrès, toute comme l’étape précédente, celle qui a suivi immédiatement la Révolution Russe, tous ont été des revers et, surtout, ces événements ne sont pas analysés de manière critique.

Mais la réalité du siècle dernier et ses conséquences à ce jour, a été beaucoup plus contradictoire. Contrairement à Albamonte, nous pensons que l’événement stratégique du XXe siècle, celui qui a finalement arrangé tous les développements avec la Première Guerre mondiale et la Grande Dépression des années 1930, ont été les événements qui se sont produits autour de la Révolution russe et des suivantes contre-révolutions, qui ont déclenché l’émergence du fascisme et du stalinisme; une analyse différente de celle d’Albamonte et de la généralité du trotskysme dans la seconde période d’après-guerre. La Révolution Russe a été un bouleversement international d’une telle ampleur qu’elle a continué à «trembler» tout au long du siècle.

L’expérience de la classe ouvrière avec ses organisations à la prise de pouvoir accompagnées de la paysannerie et de tous les exploités et opprimés, a donné lieu à un élan émancipateur sans égal – pas simplement émancipateur mais auto-émancipateur (Roland Lew) -, historique. Une révolution d’en bas, avec la direction consciente de la classe ouvrière et du reste des exploités et des opprimés, qui, en plus, a eu des répercussions sur les quatre côtés du globe et a donné lieu à une remontée socialiste; attention, nous parlons d’une montée proprement socialiste de la lutte des classes.

En plus de la Révolution Russe triomphante, un ensemble de révolutions ouvrières et socialistes (hongrois, allemandes, chinoises, espagnoles, etc.) sont vaincus, elles ont constitué des événements historiques de la centralité de la classe ouvrière consciente dans la révolution et qui ont été répétés, également avec défaites mais très significative, dans les révolutions anti-bureaucratiques d’après-guerre (RDA, Hongrie, Pologne et Tchécoslovaquie, écrasées par les chars staliniens) (2), et dans la Révolution bolivienne de 1952, le Mai français, le Cordobazo, etc., bien que ce dernier ne sont pas devenus des révolutions.

Ainsi, le marxisme révolutionnaire, le bolchevisme et d’autres tendances socialistes révolutionnaires – trotskysme initial, luxembourgisme, gramscisme, etc. elles ont eu un protagoniste que plus tard nous n’avons pas pu récupérer dans les différents courants du trotskysme -même si l’histoire ne se mesure pas que en quelques dizaines d’années et elle est toujours ouverte et dépend, jusqu’à un certain point et à partir d’un certain moment, de nous, de notre action-.

La plus grande révolution historique a donné naissance aux plus grands phénomènes contre-révolutionnaires qui aient existé dans l’histoire de l’humanité: le nazisme et le fascisme (qui n’étaient pas exactement les mêmes; le premier était plus virulent) et le stalinisme; deux «âmes sœurs» comme Trotski les appellerait, qui ont eu des conséquences historiques tout au long du siècle dernier et sans lesquelles les décennies suivantes ne pourraient être comprises. Des phénomènes contre-révolutionnaires «jumeaux» fascisme et stalinisme, mais évidemment de nature sociale différente.

Dans les pays du capitalisme occidental, dans le cas européen aux mains de la social-démocratie, et aux États-Unis par d’autres voies plus directes (le New Deal, etc.), l’impérialisme s’est ancré dans une démocratie impérialiste bourgeoise, d’abord «assiégée» en quelque sorte par la polarisation de la révolution et de la contre-révolution, puis partiellement légitimée par la bureaucratisation croissante de l’URSS et l’émergence du nazisme, ainsi que plus tard par la défaite du nazisme.

Les défaites et les revers de la fin des années 1920 et 1930 («S’il est minuit dans le siècle» comme Victor Serge écrira sur la période), ont eu des conséquences dramatiques dans la suite, même si les crises et les guerres ont effectivement donné naissance à de nouvelles révolutions – des révolutions anticapitalistes mais non socialistes; nous y reviendrons – ainsi que de nouveaux phénomènes tels que l’expropriation des capitalistes sans aucune révolution par l’occupation de pays entiers par l’Armée Rouge stalinisée. Et ceci sans mentionner l’expropriation paysanne en URSS au début des années 30 par la contre-révolution stalinienne. (Albamonte continue a défendre la trilogie d’Isaac Deutscher sur Trotski, qui, contre toutes les recherches historiographiques des dernières décennies, présente la collectivisation forcée et l’industrialisation accélérée comme la « révolution au-dessus de Staline encore plus profonde que la révolution russe de 1917 » …)

Le déclenchement de la Seconde Guerre Mondiale a été une défaite colossale pour les exploités et les opprimés du monde entier, tout comme, de manière déformée, la défaite du nazisme et du fascisme était un triomphe démocratique colossal.

La guerre était inter-impérialiste, en effet, ainsi qu’une guerre contre-révolutionnaire contre l’URSS, qui, même si elle n’était pas déjà un État ouvrier – c’est un débat jusqu’à quand elle l’était; nous sommes enclins à ce que cela ait cessé de l’être dans les années 1930 -, c’était encore un pays où le capitalisme avait été exproprié (3). Cependant, l’héritage des défaites des classes ouvrières les plus fortes et les plus traditionnelles du centre du monde ne cesserait pas d’avoir son importance dans les événements de la deuxième période d’après-guerre.

Comment apprécier les étapes de la lutte des classes?

À ce moment, le récit d’Albamonte se sépare de la lutte de classe et devient un différend entre États; même les États «ouvriers» seraient les porte-étendards de l’histoire et non la lutte de classe elle-même (une vision étatiste en contradiction avec le marxisme révolutionnaire) (4). Les conséquences de ceci sont que l’analyse internationale se simplifie en deux camps, Est-Ouest, sur l’idée de la «confrontation entre deux systèmes sociaux», sur le concept que le stalinisme a propagé la «révolution socialiste» à travers le monde aux sortie de la guerre mondiale …

Cependant, ce n’est rien de plus que le récit vulgaire pabliste (du chef de la Quatrième Internationale, Michel Pablo, qui au début des années 1950 a maintenu une orientation disciple du stalinisme qui s’est terminée par la scission de la IV en 1953) et non marxiste révolutionnaire qui, mis en ces termes, et bien si les nouvelles générations connaissent peu ce débat, a laissé le marxisme révolutionnaire et le trotskysme, sans justification historique; nous pourrions appeler l’histoire d’Albamonte comme un «pablisme tardif et lourde».

À la fin des années 80, le mur de Berlin et le stalinisme sont tombés et le capitalisme a été restauré. Mais ce que Albamonte ne fait pas remarquer, c’est qu’il tombe comme un fruit mûr – plutôt pourri! -. C’est-à-dire: l’explication de cette chute ignominieuse, sans douleur ni gloire, doit être recherchée – il n’y a pas d’autre explication matérialiste possible, qu’Albamonte ne donne pas – dans ce qui s’est passé dans les décennies précédentes, fondamentalement, dans la défaite historique de la classe ouvrière dans l’ex-URSS, dans son propre État, dans les années 1930, ainsi que dans les défaites dans les soulèvements anti-bureaucratiques en Europe de l’Est.

Rien ne peut être expliqué sur la fin du XXe siècle (le «court XXe siècle»), et aussi sur le début du XXIe, sans évoquer les conséquences stratégiques de ces années, de la contre-révolution, même si, en revanche, cela n’est pas non plus empêché d’immenses conquêtes démocratiques, anti-impérialistes et même anticapitalistes mais pas proprement socialistes, dans la mesure où elles n’ont pas apporté le pouvoir à la classe ouvrière, comme Albamonte l’affirme à tort: «(…) les résultats de la lutte de classe donnent que le paysannes et les travailleurs chinois profitent de la situation pour prendre le pouvoir et entrer à Pékin en janvier 1949, alors que l’URSS peut étendre son territoire en occupant toute l’Europe de l’Est ». Ce n’était le cas ni en Chine, ni, encore moins, dans aucun des pays d’Europe de l’Est occupés par l’Armée Rouge bureaucratique (l’extension de l’influence de l’URSS à de nouveaux territoires n’a configuré aucune révolution) ni, par conséquent, ils n’ont vraiment ouvert la transition socialiste au-delà de la conquête progressive de l’expropriation bourgeoise (5).

Le récit simpliste d’Albamonte jette tout cet équilibre par-dessus bord; un équilibre beaucoup plus nuancé et partagé, même en termes généraux, par de nombreux courants du trotskysme «orthodoxe». En revanche, Albamonte nous présente un récit à la manière d’Eric Hobsbawm, un historien stalinien mis à jour qui justifie Staline ou, logiquement, comme Deutscher, un historien de la droite trotskyste, qui dans son travail a critiqué le fondateur de notre mouvement au nom du pragmatisme. Selon lui, Trotski aurait été «le plus grand représentant du marxisme classique», mais ses analyses n’auraient pas été valables dans les années 1930 et après parce que la révolution se serait déroulée différemment, affirmerait Deutscher dans sa biographie du grand révolutionnaire russe.

Et en effet, la révolution s’est déroulée différemment. Mais le problème est que nous ne pouvons pas donner à tous les développements la connotation de «socialiste» et on devrions d’étudier de manière critique ce qui se passe réellement sous nos yeux. (En tout cas, et comme digression, le pragmatisme n’est pas simplement partir des événements tels qu’ils sont, obligation de tous les révolutionnaires pour ne pas être de simples propagandistes, mais il faut aussi refuser de s’y adapter mécaniquement a les événements pour essayer de les transformer.)

Albamonte remarque qu’au cours des dernières décennies, l’accumulation des militantes a été très lente pour tous ces qui ont accumulé des forces (il y a aussi les courants qui ont perdu), ce qui est un fait; mais il ne donne pas une explication matérialiste au phénomène. En fait, il signal le faible niveau de la lutte de classe ainsi que l’empire du néolibéralisme, ce qui c’est correct. Mais Albamonte manque complètement la reconstruction laborieuse de la conscience socialiste de la classe ouvrière; classe ouvrière qui doit «digérer» le bilan des premières expériences socialistes ou anticapitalistes, surtout dans les pays où elles se sont produites et qui continuent à être en quelque sorte un «trou noir» du point de vue stratégique révolutionnaire (en particulier l’ex-URSS et les pays d’Europe de l’Est; avec la Chine c’est plus dynamique).

Albamonte peut éviter cela car le noyau de son courant se trouve en Argentine… Mais son rapport manque de la sensibilité et des nuances d’analyse qui sont nécessaires pour vraiment mettre les pieds en Europe, sans parler des pays d’Europe de l’Est, l’ex-URSS ou même la Chine. (Sur la Chine, nous vous recommandons de lire Au Loong Yu, un marxiste de Hong Kong qui est un point de référence fondamental en tant que passerelle pour comprendre ce qui se passe dans le géant de l’Est.)

C’est-à-dire: un bilan dédié non seulement aux évolutions du capitalisme, mais aussi, et stratégiquement, aux expériences non capitalistes ratées, sans lesquelles la lutte pour le socialisme ne peut pas vraiment être relancée.

Peut-être que un récit apologétique de l’histoire sot plus pratique pour enthousiasmer; aussi il se peut que montrer une Icaria (il est supposé que l’ex URSS de a seconde moitié du siècle dernier l’était) soit un sorte de placebo pour prouver que il se peut faire un révolution; mais ça c’est de pur pragmatisme: c’est inutile a moins qu’il ne soit médiatisé par un vrai bilan d’événements historiques, ce qui Albamonte ne paraître pas vouloir faire.

Le PTS a des élaborations sur la stratégie et d’autres sujets qui ont leur valeur au-delà des différence ou des nuances que nous avons avec eux. Mais ce qui lui a toujours manqué, c’est un élaboration propre et réelle sur le bilan du stalinisme, mise à jour, en plus, avec la plus sérieuse historiographie marxiste des dernières décennies; et ce que nous disons c’est un fait, pas une déclaration fantasque (6).

Albamonte présente un compte rendu mécanique des étapes de la lutte des classes; ils se produisent comme si on se disait «l’un après l’autre»; ils se «superposent» schématiquement, mais jamais dialectiquement: dans le nouveau, l’ancien ne subsiste pas. Il ressemble, on ce point la, au marxiste stalinienne Louise Althusser, qui ne reconnaissait pas l’analyse diachronique, c’est-à-dire l’analyse historique d’événements, mais seulement la surimpression de nouvelles «synchronies» (il était incapable de rendre compte de l’émergence de le nouveau). Mais la histoire ne marche pas de comme ça. Chaque nouvelle étape contient partiellement des développements de la précédente (le concept hégélien bien connu, que Marx a pris de Aufhebung, surmonter en conservant, se réfère à cela: aux héritages du passé dans le présent – auxquels nous pouvons ajouter les potentialités de l’avenir-) (7).

L’étape révolutionnaire socialiste des années 1920 à 1940, grossièrement, a dû faire face à la «résistance des matériaux» de l’étape précédente: le retard des forces productives et l’isolement de la révolution en URSS, un mouvement ouvrier en L’Occident dominé par la social-démocratie, etc. L’étape révolutionnaire mais non socialiste de la deuxième période d’après-guerre, devait être mesurée avec l’héritage des défaites du fascisme et du stalinisme en termes d’atomisation des plus grandes classes ouvrières et de bureaucratisation de la plus grande révolution de l’histoire de l’humanité; La révolution sociale a fini par être déplacée vers l’Est avec des grandes conséquences stratégiques, c’était un sous-produit des accords de Yalta et de Posdam où Staline acceptait perfidement de rester avec la périphérie en échange de laisser le centre du monde à l’impérialisme yankee. Mais cet élément classique de l’analyse du trotskysme d’après-guerre il aussi ne figure pas dans le analyse d’Albamonte.

En effet, la réalité est plus grande, Et c’est pourquoi, malgré tout, il y a eu d’immenses révolutions anticapitalistes sous la pression de grandes guerres et de catastrophes économiques et sociales comme sous-produit de la Seconde Guerre Mondiale. Mais l’héritage de la période précédente a empêché à la classe ouvrière de prendre le pouvoir. C’est un fait matériel qu’aucune sociologie vulgaire peut résoudre: les révolutions d’après-guerre – et notez que tous les instances ne consistaient pas en des révolutions – étaient anticapitalistes mais pas socialistes (9).

Même la période néolibérale a ses contradictions: la bourgeoisie a avancé dans la restauration capitaliste dans un tiers du globe, a imposé des reculs dans les conditions d’exploitation des travailleurs mais, de contradictoirement, même sans radicalisation, il est également vrai qu’elle a réussi à vaincre des droits démocratiques que seule une personne trompée pourrait considérer comme de simples concessions bourgeoises…

Coupe épaisse, la première moitié du XXe siècle fut celle des plus grandes révolutions et contre-révolutions de l’histoire humaine; la seconde moitié exprimait à la fois la consolidation de l’hégémonie américaine et l’émergence de révolutions anticapitalistes sans socialisme (pour être honnête, la deuxième révolution historique du siècle fut la Révolution chinoise de 1949, même si nous ne la considérons pas proprement socialiste) , et la coexistence pacifique entre le stalinisme et l’impérialisme, qui finirai par faire agenouiller a la bureaucratie, perdue dans une concurrence purement économique, et, maintenant, un période où le capitalisme néolibéral semble atteindre ses limites … Mais toute cette analyse Il admet des nuances qui, si elles ne sont pas appréciées, restent vulgaires; au moins du point de vue du marxisme révolutionnaire.

Le stalinisme l’a fait

Le texte d’Albamonte présente plusieurs problèmes factuels, sans parler des erreurs – et des horreurs – théoriques et stratégiques sur lesquelles nous pouvons nous concentrer que sur quelques-unes des plus épaisses (10). Albamonte voit l’URSS stalinienne des années 1940 comme le bélier de la révolution socialiste; la simple extension de ses frontières serait un «vecteur révolutionnaire», oubliant que cela s’est passé sans révolution, mais, plutôt, piétinant les droits nationaux des masses de l’Europe de l’Est et de l’ex-RDA (ce n’est pas simplement notre bilan mais un réflexion fondamental de Ernest Mandel, un dirigeant trotskyste belge, orthodoxe dans son analyse de l’ex-URSS en tant qu’Etat ouvrier) (11). Albamonte semble aussi oublier que la division de l’Allemagne était une défaite historique pour la classe ouvrière de ce pays, l’une des classes ouvrières les plus puissantes de l’époque (un autre orthodoxe en termes d’analyse de l’ex-URSS comme Nahuel Moreno, latino-américain, aurait cependant, plus de sensibilité qu’Albamonte sur ces faits) (12). Albamonte parle d’une sorte « d’unité d’action entre l’URSS et la Chine », qui n’est que dans sa tête. Parce que très vite les désaccords entre les deux bureaucraties ont commencé. Pas en vain c’étaient des bureaucraties nationales défendant du «socialisme dans un seul pays»; seulement s’ils avaient été internationalistes qu’ils auraient fait des efforts ensemble; Mais pour cela, ils ne pouvaient pas être des bureaucraties !

Il est vrai qu’un tiers de l’humanité a été exclu de la valorisation directe du capital; un fait progressif sans aucun doute. Mais c’est faux que l’URSS ait elle grandi « régulièrement » après la seconde guerre … les limites insurmontables de la planification bureaucratique sont bientôt appréciées, et la planification de la bureaucratie serait bientôt également discréditée. En lieu de développer ces événements, Albamonte élude toute analyse matérialiste de l’effondrement de l’URSS et s’efforce avec la l’idée simpliste que les capitalistes « ont acheté la bureaucratie » comme si l’ex-URSS ou la Chine était une bureaucratie semblable au syndicats des pays capitalistes …

Quoi qu’il en soit: il nous faut beaucoup plus de temps pour suivre Albamonte pour tous ses développements, mais on croix que nous avons pris certains de ses principaux problèmes. La question définitive c’est de les difficultés de construire un courant international solide sans l’effort de construire un bilan stratégique; pas un bilan fini, qui serait pédantisme, non seulement à cause de la fragmentation du mouvement trotskyste mais, fondamentalement, parce que nous devons encore parvenir à sortir notre mouvement de la marginalité dans laquelle il se trouve depuis des décennies – principalement pour des raisons objectives, mais aussi subjectives. Et de plus, et plus fondamentalement encore, de nouvelles révolutions socialistes sont nécessaires au XXIe siècle qui nous permettent «d’arrondir» des conclusions plus générales sur leur contraste.

Marx et Engels étaient très prudents avec les anticipations. Ils ont préféré s’en tenir au mouvement réel. Bien sûr, d’un autre côté, ils n’avaient pas derrière eux un siècle d’expériences anticapitalistes comme nous. Mais dans tous les cas, il est évident que les nouvelles révolutions socialistes qui se présentent à l’avenir – et pour lesquelles nous devons travailler dur! – ont besoin de «parler» afin de surmonter le biais actuel en termes de développement programmatique-stratégique, un problème qui aucun courant ne pourra résoudre tant que nous n’aurons pas atteint une large influence organique parmi les masses et de rôles de direction réels.

Cela ne peut se faire qu’en s’en tenant à la lutte de classe et en construisant nos partis révolutionnaires et nos courants internationaux avec la vision la plus large possible; organisation révolutionnaire et courant international que nous concevons profondément liés à notre classe et leurs expériences pour apprendre d’eux et aussi apporter notre bagage stratégique.

Notes

1 L’analyse des interrelations entre l’économie, les États et la lutte des classes, il faudrait peut-être ajouter l’écologie: la relation entre les sociétés humaines et la nature.

2 «Democracias populares y resistencia obrera: una aproximación histórica a los Estados burocráticos del Glacis (1945/1956)», Victor Artavia, izquierdaweb.

3 Notre définition de l’URSS après de la consolidation de la contre-révolution stalinienne est tirée de Cristian Rakovsky, qui la définit comme «un État bureaucratique avec les restes prolétariens et communistes de la révolution de 1917». Il n’y a pas besoin de dire que nous défendons la figure de Rakovsky contre une partie très importante du trotskysme qui l’a annulé. Dans Communistes contre Staline et Rakovsky ou La Révolution dans tous les pays, Pierre Broue revendique juste sa figure.

4 Même sous le régime bolchevique de Lénine et Trotski au début des années 1920, les révolutions menées au bout de fusil par l’Armée Rouge révolutionnaire et non sur la base d’une véritable ascension ouvrière dans le pays, comme ce fut le cas de le mars sur Varsovie en 1920, ils étaient frustrés. La leçon: vous ne pouvez pas remplacer les masses ouvrières et populaires et leur action par leurs partis et organisations au moment de la révolution socialiste.

5 Une conquête qui seulement dans les premières années a abouti à des réalisations pour les ouvriers et les paysans puis s’est rapidement épuisée, donnant lieu à des catastrophes bureaucratiques telles que «Le grand bond en avant» qui a engendré une famine en Chine (début des années 1960) ou «Les 10 millions van »(en raison de l’échec de la récolte au début des années 1970 à Cuba; échec suivi par l’adaptation complète à la monoculture que l’URSS a imposée à l’île).

6 Ils ont publié des notes de divers historiens marxistes trotskystes ou révolutionnaires, mais cela ne semble pas être intégré dans leur récit stratégique.

7 The Principle of Hope , d’Ernest Bloch, est une œuvre brillante qui présente d’une manière beaucoup plus dialectique, comment le nouveau bat toujours dans l’ancien.

8 Ici, un paradoxe se produit: leur tendance l’a passé à déclamer contre le «trotskysme de Yalta» mais non seulement elle a assumé toutes ses hypothèses mais de nombreuses fois, comme dans ce discours, elle est à sa droite …

9 La propriété étatisé doit s’affirmer non seulement négativement contre les capitalistes comme l’ont fait ces révolutions (c’est une expropriation et donc une conquête populaire), mais aussi positivement. C’est-à-dire: pour y réaliser toutes ses potentialités et de ne pas devenir source de nouveaux privilèges et inégalités, elle doit être entre les mains de la classe ouvrière et de sa dictature prolétarienne (voir notre essai « A cien años de la Revolución Rusa », izquierdaweb, en particulier le chapitre consacré aux problèmes de la propriété de étatisé).

10 Nous avons des conceptions si différentes que tout un «traité» devrait être écrit pour en rendre compte. En tout cas, une erreur factuelle dans son discours – une erreur factuelle stalinophile aussi! – est l’émergence de la Résistance en France en 1943/4. Robert Paxton, spécialiste bien connu de la France de Vichy, souligne que, surtout, la jeunesse française s’est tournée vers la Résistance lorsque le gouvernement fasciste du maréchal Pétain a commencé à envoyer des jeunes comme travailleurs forcés en Allemagne; une mesure éminemment anti-populaire. Pour le reste, le PC français n’a jamais réussi à organiser une résistance de masse. C’était plutôt une avant-garde de masse, ce qui n’est pas exactement la même chose.

11 Le pouvoir et l’argent est son œuvre de bilan mature du stalinisme.

12 Moreno a réalisé une synthèse objectiviste de la théorie de la révolution qui a contribué à briser son courant. Cependant, dans les années 80 et en relation avec les désastres de la planification bureaucratique, il ferait preuve d’une énorme sensibilité. Nous l’avons cité à cet égard dans notre essai «Dialéctica de la transición. Plan, mercado y democracia obrera», izquierdaweb.

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