Nous ne sommes plus vos pions : Lettre de la Coordination des AED à M. Blanquer

Les assistant.es d'éducation (AED) sont en grève depuis lundi, dans le cadre d'un mouvement qui dure depuis le 1er décembre. Ce jeudi 25 mars est le point haut de cette semaine. La Coordination Nationale des Collectifs d'AED adresse à J.-M. Blanquer cette lettre ouverte, en réponse à son immobilisme aveugle et tenace. Précaires, Vénères, Déter', les Vies S'Colères ne se laissent plus faire.

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Via : Médiapart

 

Monsieur le Ministre,

Lors de la séance de questions au gouvernement du 26 janvier 2021, vous répondiez à Mme la députée Michèle Victory qui vous alertait sur la situation des assistant.es d’éducation. Vous avez reconnu publiquement le rôle crucial des assistant.es d’éducation dans la vie des établissements scolaires et avez par ailleurs ajouté que cette catégorie de personnel est pleinement prise en compte, dans le cadre du Grenelle de l’Éducation. Pour autant, votre cabinet s’obstine à répondre à toute sollicitation, qu’elle émane des établissements ou des élu.e.s locaux, avec un argumentaire hors contexte, rabâché depuis 18 ans via l’article L 916-1 du Code de l’Éducation et appuyé sur l’idée qu’assistant.e d’éducation ne serait qu’une étape de transition pour des étudiant.es, idéalement futur.e.s professeur.es.

Chef.fes d’établissements, CPE, médias, député.es, sénatrices et sénateurs, parents d’élèves savent que ce n’est pas la réalité du terrain. Plus de 80% des 62 812 assistant.es d’éducation ne sont pas des étudiant.es et n’aspirent pas à devenir professeur.es, c’est un fait. La sociologie des vies scolaires a changé et il est dénué de tout sens de maintenir dans cette situation de précarité des professionnel.les indispensables aux EPLE.  Les rares collègues en contrat de préprofessionnalisation ne sont présents sur site que huit heures par semaine, pour une rémunération de 690€ à 980€ , contre 41h voire 42h par semaine pour leurs homologues au SMIC. Si nous comprenons l’intérêt de chercher à attirer de futurs jeunes professeur.es, les faits sont têtus : ils ne pourront participer au fonctionnement effectif d’un établissement tellement les besoins sont importants. Combien seraient nécessaires à l’accueil des bus le matin jusqu’au départ du dernier élève le soir, cinq jours sur sept ? Il faut donc cesser de brandir ces 2% de la catégorie, pour précariser tous les autres. De fait, être assistant.e d’éducation est une profession, un métier à part entière, qui requiert des savoir-faire spécifiques et qui est aujourd’hui central dans le fonctionnement du second degré. L’augmentation constante des missions qui nous sont confiées en témoigne.

Vous affirmez officiellement devant l’Assemblée Nationale « être attentif à ces enjeux de précarité et de bien-être au travail ». Vous balayez pourtant les nombreux appels qui depuis quelques mois s’intensifient, ces rectorats qui vous signalent des vies scolaires closes dans de nombreuses régions de France, ces député.es qui vous interpellent. Est-ce donc une méconnaissance du terrain qui nous fige dans ce statut injuste depuis 2003 ? Ou une volonté d’ignorer notre mal-être et de nous faire subir cette flexibilité bien pratique ? À chaque rentrée scolaire pourtant, de nouvelles missions, de nouvelles responsabilités pèsent sur nos épaules. Les infirmièr.es, les psy-EN sont de moins en moins présent.es et les vies scolaires assument un rôle de plus en plus large et décisif, d’autant plus dans la période de crise sanitaire et sociale actuelle. Nous attendons toujours les progrès promis lors de cette audience, pour le mois de février.

Nos propositions sont concrètes et réalisables. La première d’entre elles, la fin immédiate de la limite de six ans d’exercice, qui n’a aucun sens puisque nous ne sommes pas, c’est établi, des étudiant.es. La moyenne d’âge dans notre métier est de 30 ans et beaucoup sont parents ; la précarité n’est pas une option digne de l’un des pays les plus riches du monde. Partant de là, nous devons avoir accès à des contrats stables respectant le droit de chaque citoyen.ne à des conditions d’existence digne et permettant l’élaboration  et la réalisation de projets de vie. Cette limite est d’autant plus absurde en situation de crise sanitaire et, la moindre des choses, si l’on est « attentif aux enjeux de précarité », serait de la suspendre pour les années concernées par cette pandémie.

Nous proposons également une augmentation immédiate et substantielle de nos salaires, gelés depuis des années. En tant que ministre de l’Éducation Nationale, vous n’êtes pas sans savoir que notre rémunération n’atteint le SMIC que grâce à une « indemnité compensatrice ». Est-ce à dire que le travail des personnes auxquel.les le peuple de notre pays confie chaque jour la sécurité (y compris sanitaire) de ses enfants, l’avenir de notre société donc, vaut moins que n’importe quel autre travail ? Cette situation est non seulement inexplicable mais aussi injuste, au vu de nos responsabilités comme de nos qualifications ; nous remplissons d’innombrables missions et sommes tou.te.s diplômé.e.s, a minima, du baccalauréat. De plus, les primes REP et REP+ sont sans aucune raison refusées aux AED et aux AESH travaillant en zone d’éducation prioritaire, alors que ces personnes travaillent dans les mêmes conditions et avec les mêmes élèves que les autres personnels éligibles à ces primes. Là encore, il ne s’agit ni plus ni moins que du déni de l’existence de notre travail, sans lequel pourtant aucun établissement scolaire ne pourrait fonctionner, comme vous l’avez reconnu devant l’Assemblée.

Enfin, un groupe de travail doit être mis en place avant la fin de cette année scolaire, pour redéfinir nos missions et notre statut d’éducateurs et éducatrices au sein de la vie scolaire. Nos missions, notre niveau d’étude et notre importance dans la vie des établissements scolaires l’imposent, afin que l’Éducation Nationale se projette dans un avenir qui prenne en compte les réalités de notre temps plutôt que d’imposer un schéma hérité d’un passé révolu depuis de nombreuses décennies. Il est nécessaire de construire un cadre adapté aux professionnel.les que nous sommes et non à la vision fantasmée d’un « petit boulot ».

 

Les grèves qui se sont succédé ont vu de nombreux soutiens de la part des autres personnels, de nos supérieur.es, des associations de parents d’élèves, des syndicats et des médias. Le fait de laisser pourrir la situation, alors qu’elle est connue de toutes et de tous, ne fera qu’empirer la sensation de déni et risque de pousser les assistant.es d’éducation dans l’impasse. Les périodes d’examens approchent et les vies scolaires sont encore en première ligne lors de ces évènements, grâce à notre implication. Le bien-être des élèves et des dizaines de milliers d’assistant.es d’éducation est notre priorité et nous espérons qu’il en est de même pour vous ; nous attendons donc une réponse constructive et rapide.

Nous vous prions d’agréer, Monsieur le ministre, à l’expression de nos sociales salutations,

La Coordination Nationale des Collectifs d’AED

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