Déclaration du courant international Socialisme ou Barbarie, 25/01/22
Version en français : Emiliano León Carreras et David Piasecki
Disponible en espagnol et en portugais.
L’Ukraine est de nouveau au centre des nouvelles internationales. Le peuple ukrainien observe plus ou moins stupéfait comment son sol est le terrain de manœuvres et de disputes entre puissances impérialistes.
La presse occidentale crie sur les troupes russes à la frontière avec l’Ukraine pour soutenir leur appartenance à l’OTAN, les médias pro-russes sur la présence militaire croissante des puissances de l’ouest (surtout les Etats-Unis). L’indépendance et l’autodétermination de l’Ukraine, son territoire même, paraissent de nouveau déchirées en temps réel par ce qui pourrait déclencher une guerre.
La lutte pour l’autodétermination du peuple ukrainien face aux puissances étrangères a des siècles d’existence (notamment la Russie).
Après la Révolution russe de 1917, la tendance du début était à un certain vent de liberté et de coopération entre ces peuples de l’est européen. Alors que les bolcheviks ukrainien, avec Rakovski à leur tête, gouvernaient le pays, la perspective d’une Ukraine qui s’auto-déterminerait paraissait être une possibilité bien réelle. C’est ce qui est alors advenu, en effet, durant les années sanglantes de la guerre civile contre la contre-révolution. C’est aussi à ce moment qu’ont agit les forces paysannes anarchistes de Makhno, qui avaient une attitude ambigüe face à la révolution (appuyant des fois les bolcheviks ou des forces contre-révolutionnaires).
Cette histoire fut coupée courte avec la politique peu révolutionnaire staliniste. Commençant par retourner aux politiques de soumission directe à Moscou à partir de la destitution de Rakovski (qu’on appelait le « Lénine Ukrainien”), puis en écrasant l’organisation des communistes ukrainiens; Staline imposa ce désastre que fut la “collectivsation forcée”. Avec cette politique survint ce qui est aujourd’hui connu sous le nom d’”Holomodor”, une terrible famine qui tua des millions de personnes au début des années 1930.
Ainsi, la bureaucratie moscovite remporta la haine des masses paysannes ukrainiennes, qui l’identifièrent dès lors facilement avec la révolution même et le “communisme”.
Avec la Seconde guerre mondiale qui suivit, une importante part de la petite bourgeoisie rurale de l’ouest du pays supporta et collabora avec l’envahisseur nazi. Mais ces sympathies durèrent peu dès lors que la politique raciste d’extermination et de servage nazie se firent claires mettant fin à toute illusion sur leur intervention supposée “libératrice” (L’Ukraine fut le terrain de massacres de la population juive comme avec celui de Babi Yar où, en un jour furent assassinées 30 000 personnes, entre le 29 et le 30 septembre 1941).
Dans la deuxième après-guerre, la région est du pays fut alors massivement industrialisée. Ainsi, la dite région (plus russifiée que celle de l’ouest) devint la plus ouvrière de toute l’Ukraine. Ses liens économiques et culturels avec la Russie, puis plus précisément l’URSS, étaient bien plus importants qu’ailleurs dans le pays, comme en Crimée. Mais il ne s’est pas développé (grâce au stalinisme) une Ukraine avec le droit à l’autodétermination nationale (l’oppression Grand Russe persista).
De longues années ont passées et la restauration capitaliste s’est faite.
En 2014 a eu lieu la révolte « Maidan » : un soulèvement réactionnaire de secteurs principalement occidentaux du pays qui souhaitaient un assujettissement plus direct au capitalisme néolibéral occidental. L’ordre du jour du Maïdan à Kiev était l’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne et à l’OTAN. Même les organisations néo-nazies d’extrême droite ont joué (et jouent toujours) un rôle majeur dans ce mouvement réactionnaire. Aujourd’hui, il n’est pas rare de voir dans les rues ukrainiennes des manifestations avec des portraits de Stepan Bandera, le principal collaborateur ukrainien de l’hitlérisme (une tradition qui remonte à la Seconde Guerre mondiale et aux secteurs collaborant avec les nazis).
Les gouvernements successifs sont issus de ce mouvement, et leur politique a consisté à essayer de faire avancer leur agenda : s’élever dans l’Occident ultra-capitaliste. Cela a conduit à une guerre civile avec l’Est, qui a proclamé des républiques indépendantes dans le Donbass avec leurs revendications culturelles mais surtout économiques (mouvement contre la désindustrialisation de la région, qui est aujourd’hui en déclin).
Ainsi, la sonnette d’alarme retentit lorsque la Russie réagit à l’offensive de l’OTAN ; lorsque le gouvernement ukrainien actuel, sans consulter personne, exprime une fois de plus sa volonté de rejoindre l’alliance militaire atlantique.
Le gouvernement réactionnaire de Poutine se soucie peu des droits et des libertés des Ukrainiens. En fait, elle a abandonné à leur sort les habitants du Donbass et leur rébellion contre Kiev. Sa politique impérialiste a peur de perdre du terrain dans sa sphère d’influence.
Ainsi, l’Ukraine est déchirée territorialement dans une quasi-guerre civile qui comporte parfois des éléments légitimes et qui, à d’autres moments, n’est rien d’autre que l’expression de la lutte des puissances impérialistes pour la domination, comme c’est le cas aujourd’hui. À l’Ouest, une majorité est favorable à l’adhésion à l’OTAN, le centre est presque divisé en deux, tandis que la classe ouvrière et l’Est industriel ont tendance à être davantage pro-russes.
Le Courant International Socialisme ou Barbarie rejette à la fois l’entrée de l’Ukraine dans l’OTAN et toute intervention des troupes russes sur son territoire.
Une Ukraine libre, unie et indépendante, c’est-à-dire autodéterminée, n’est possible que si la classe ouvrière est capable de retrouver ses traditions socialistes révolutionnaires, celles qui ont fait du pays l’un des protagonistes de l’acte révolutionnaire de 1917. La tâche est difficile : le stalinisme a souillé ces bannières avec sa politique d’oppression bureaucratique. Mais dans notre XXIe siècle, alors que les puissances impérialistes menacent de déchirer le pays en deux, la relance d’une alternative ouvrière, populaire et socialiste est le seul moyen pour l’Ukraine de ne pas être soumise à l’impérialisme de l’un ou de l’autre.