
Médiatisée jusqu’au bout, l’affaire Depardieu donne encore de quoi parler. Elle révèle à quel point la France est à la traîne en termes de traitement et prévention des violences sexistes et sexuelles. Mais elle a aussi mis en lumière l’environnement médiatique et politique complice sur lequel ces violences s’appuient pendant que l’impunité règne.
L’impunité de Gérald Depardieu
Le personnage est un poids très lourd. Il a côtoyé Chirac, Sarkozy mais aussi des figures comme le chef tchéchène Kadyrov, le bielorus Luchenko, ou encore Poutine.
Il opte pour un exil fiscal en Belgique en 2012 et l’année suivante obtient finalement la nationalité russe. Il n’est pas difficile de noter que Depardieu n’a pas seulement côtoyé le milieu de l’industrie du cinéma français.
Il s’est inséré au plus près de la sphère politique tout au long de sa carrière. En 2018, il séjourne en Corée du Nord pour fêter les 70 ans du régime politique. C’est précisément lors de ce voyage que les images diffusées par Complément d’enquête seront enregistrées. Il s’agit des séquences des videos très obscènes où on peut apprécier le comportement prédateur de Depardieu, un comportement sans doute remarquée auparavant par toute personne qui a pu partager un plateau avec lui.
C’est en 2021 que Médiapart commence une enquête suite aux événements de #meetoo et l’énorme courage de la part des différentes actrices, figurantes, maquilleuses, scénaristes à dénoncer les faits. L’enquête décrit avec détail le mode opératoire du prédateur.
Le comédien instaurerait d’abord une ambiance sexualisée et malaisante, en tenant de manière permanente des propos sexuels crus, en posant des questions intimes ou sexuelles aux femmes, en faisant des « bruits de porc en rut », des « grognements » et « reniflements », selon de nombreux récits. Avec certaines femmes, il irait plus loin : il leur toucherait les cuisses ou les fesses ou bien mettrait sa main sur leur entrejambe ou dans leur culotte. Le plus souvent au vu et au su de tous.
Seul le producteur Marc Missonnier reconnaît une responsabilité collective. « Le cinéma français n’ignorait pas le comportement problématique de Gérard Depardieu », déclare celui qui estime que Depardieu a été protégé par son image de star et son statut de meilleur acteur de sa génération.
La complicité politique de la culture du viol
Ce qui est frappant ensuite c’est qu’il a fallu une exposition publique dégoûtante et médiatique pour que la société et notamment celle du spectacle, réagisse. Cependant l’affaire met au jour une fracture évidente dans le milieu. Le 25 décembre dernier une tribune au Figaro est publiée « N’effacez pas Gérard Depardieu » pour critiquer une forme de cancel culture touchant l’acteur.
La tribune est lancée par Yannis Ezziadi, un proche d’Eric Zemmour, ainsi que d’autres milieux identitaires et réactionnaires. La tribune a réunie une cinquantaine des signatures de personnalités du milieu de la culture, parmi lesquelles Nathalie Baye, Nadine Trintignant, Benoît Poelvoorde, Pierre Richard, Charlotte Rampling, Carla Bruni, Gérard Darmon, Victoria Abril, Antoine Duléry et Brigitte Fossey. La tribune affirme notamment que « Gérard Depardieu participe au rayonnement artistique de notre pays » et « contribue à l’histoire de l’art, de la plus haute des manières ». Les signataires soulignent encore qu’ils « ne pouvaient rester muets face au lynchage médiatique […], au mépris de la présomption d’innocence […] et que cela concerne exclusivement la justice ».
Le mercredi 20 décembre, sur le plateau de « C à vous », sur France 5, le Président de la République a fait une sortie suffisamment choquante sur l’affaire Gérard Depardieu pour être certain de créer une polémique qui cache la « victoire idéologique » de Marine Le Pen sur la loi immigration, la démission de son ministre de la santé et la fronde de 32 départements de gauche refusant d’appliquer cette nouvelle loi raciste. Emmanuel Macron se sert de cette affaire pour faire de la fumée pendant qu’il retire les allocations familiales aux femmes isolées et garantit l’exploitation de la population migrante au profit des grands patrons.
Tant que la politique du gouvernement reste toujours celle de la paupérisation généralisée des niveaux de vie de la population et de l’exposition des femmes et diversités à toutes les formes de violences qui en découlent, la France demeure un pays arriéré en termes de protection des droits des femmes. Il n’y a pas longtemps, on a vu la CIIVISE (Commission Indépendante sur l’Inceste et les Violences Sexuelles faites aux Enfants) se faire attaquer dans sa mission de lutte contre l’inceste pendant que d’autres structures d’accompagnement ferment par manque de ressources.
Nous n’oublions pas que le féminicide n’est pas encore caractérisé par la justice française, que les délais pour engager des procès judiciaires à l’encontre des violeurs restent bloqués à 6 ans et qu’une énorme proportion des cas de viols restent encore impunis. Sous couvert de “la présomption d’innocence” ou de “laisser faire la justice”, ce langage n’arrange que les puissants autant que la justice conserve son caractère patriarcal.
Si Macron crache sur les victimes, nous cracheront sur Macron
Le collectif féministe Las Rojas mène un combat féministe internationaliste. Nous regardons avec inquiétude la situation des femmes en France. Le contexte actuel est fort pris par les attaques systématiques du gouvernement contre l’ensemble des travailleurs.
Nous faisons le constat que sous Macron, la pédocriminalité, l’inceste et le viol ne cessent d’être recompensés par des postes à portée politique, soit dans le monde associatif, soit dans le gouvernement. Plus la situation des femmes devient préoccupante, moins elle occupe une place dans l’agenda gouvernemental. À cela s’ajoute le soutien public aux violents de la part du gouvernement.
Les déclarations de Macron ne sont pas autre chose que l’apologie de la culture du viol, ainsi qu’une validation politique avec un message très claire adressé aux victimes: « on ne vous croit pas et on va vous cracher à la figure dès qu’on pourra ».
Il est temps de mettre fin aux attaques et de se donner les moyens d’agir avec fermeté pour défendre nos acquis sociaux ainsi que nos droits en tant que femmes. Il nous faut construire un mouvement féministe à la hauteur de la bataille à mener, un mouvement qui s’empare de l’ensemble des violences sociales, sexuelles et sexistes. Il faudra s’organiser dans les jours à venir pour faire sortir la bataille de la virtualité et combler les rues comme les iraniennes contre leur régime, comme les argentines contre Milei, ou encore comme les islandaises pour l’égalité salariale.
Contre contre tout réactionnaire qui voudrait s’attaquer à nos droits acquis de la main de l’organisation et de la manifestation dans la rue. Si Macron nous crache dessus, on voudra faire de même et on pourra crier à nouveau « Macron dégage ! »