
Deux mois après l’annonce de son budget 2026 ultra-austéritaire, alors que la date de mobilisation du 10 septembre devient toujours plus concrète, massive et proche ; Bayrou a annoncé qu’il fera face à un vote de confiance de l’Assemblée Nationale le 8 septembre. Cette annonce a déstabilisé les appuis des analystes bourgeois quant au futur du pays, mais aussi de la gauche syndicale et politique qui dans le chaos nous rappelle quels intérêts elle sert.
Bayrou se suicide le 8 mais pas son budget
François Bayrou se prépare déjà à quitter Matignon, il a pour l’occasion commandé une rénovation de 40 000 € de son bureau à la Mairie de Pau. Il nous rappelle ainsi pour ses derniers jours de pouvoir que l’austérité et le remboursement de la dette ne sera que la seule affaire des travailleurs et des travailleuses.
Derrière l’annonce du vote de confiance et donc du départ de Bayrou, il y a un important non-dit que le mouvement doit garder en tête sous peine de se saboter : le budget 2026 ne mourra pas en même temps que Bayrou. Les possibilités institutionnelles pour l’après 8 septembre sont nombreuses mais aucune d’entre elles n’est une solution pour notre classe. Pire, elles sont des pièges à éviter pour le futur mouvement social.
- Le gouvernement même démissionnaire et désapprouvé par l’Assemblée ne quitte ses fonctions que lorsque le président le décide. L’article 50 de la constitution précise seulement que « Lorsque l’Assemblée nationale désapprouve le programme du Gouvernement, le Premier ministre doit remettre au Président de la République la démission du Gouvernement », sans aucune indication temporelle. La démission de Bayrou peut ouvrir une période similaire à l’été 2024 où le gouvernement de Gabriel Attal n’est parti que deux mois après avoir annoncé sa démission.
- De la même manière, il est constitutionnellement possible pour le gouvernement démissionnaire de soumettre au mois d’octobre le budget à l’examen du Parlement. Il lui est aussi possible de faire passer le budget par 49.3, sans possibilité de censure, puisque le gouvernement est déjà démissionnaire.
- En cas de choix d’un nouveau Premier Ministre peu de temps après le départ de Bayrou, un budget austéritaire similaire peut être proposé à l’examen du Parlement par le nouveau gouvernement. S’il y a utilisation du 49.3, ce scénario ferait risquer au nouveau gouvernement une motion de censure comme celle qui a dégagé Michel Barnier l’année dernière un mois à peine après son arrivée à Matignon. Pour ne pas se faire censurer lors de l’examen du budget, le nouveau gouvernement devrait élargir sa composition en y intégrant le PS, avec sa proposition de budget de « seulement » 20 Milliards d’euros d’économies.
- Une nouvelle utilisation de la loi spéciale pour renouveler le budget 2025 sur l’année 2026 comme ça a été le cas en 2024 pour le budget 2025 est possible mais peu probable. Contrairement à l’utilisation de l’article 47, qui lorsqu’aucune décision sur le budget n’est prise par le Parlement au bout de 70 jours (le 21 décembre), permet à l’exécutif de faire passer le budget par décret.
Il est clair qu’aucune de ces solutions ne calmera le mouvement, elles pourraient même pour la plupart amplifier la colère. Mais toutes proposent leur calendrier institutionnel dans lesquels va s’enfoncer la gauche syndicale et politique, tentant de récupérer la direction du mouvement et de l’entraîner avec elle.
La gauche institutionnelle trahit avant la première manif
À l’annonce du vote de confiance, l’eurodéputée et dirigeante de La France Insoumise Manon Aubry a déclaré : « Pour la 1ère fois, un mouvement social obtient une victoire avant même sa 1ere mobilisation ». Dès cette annonce la mobilisation du 10 septembre a perdu son intérêt premier pour LFI, il n’est plus question de manifester contre le budget, l’austérité et la guerre, mais de se mobiliser pour peser dans le choix du prochain Premier Ministre.
LFI n’a aucune perspective non-institutionnelle – ce serait prendre le risque de se faire dépasser par le mouvement – alors les seules propositions sont électorales. Il faudrait dès maintenant se préparer au vote pour les législatives qui feront suite à la démission de Bayrou, sauf qu’une démission gouvernementale n’entraîne pas une dissolution de l’Assemblée. La décision est dans les seules mains de Macron qui ne va pas risquer de nouvelles législatives en période de mobilisation sociale trop favorable à la gauche.
Une autre possibilité, LFI va déposer le 23 septembre à l’Assemblée nationale une motion de destitution du président, avec pour objectif la tenue d’une élection présidentielle anticipée. Mais on imagine mal le reste de la gauche, en particulier le PS voter une telle motion, surtout quand ce dernier à son propre agenda. Enfin il reste les élections municipales qui se tiendront début Mars 2026, avec toutes ces propositions LFI nous signale bien que la rue et la lutte des classes ne sont pas leur terrain.
Une stratégie électoraliste à contre-courant des masses déçues par le résultat des dernières législatives, pour lesquelles elles se sont mobilisées et fait gagner la gauche seulement pour se retrouver avec les gouvernements les plus droitiers jamais connus en France.
De son côté, le Parti Socialiste appelle à toutes les solutions qui éviteront le « chaos », le parti est contre toute forme de nouvelles élections anticipées. L’objectif est la constitution d’un gouvernement de front républicain « de la dernière chance » composé par eux-mêmes, la macronie et la droite ; avec pourquoi pas Bernard Cazeneuve à Matignon.
L’intersyndicale se range derrière la CFDT
L’intersyndicale CFDT, CGT, FO, CFE-CGC, CFTC, UNSA, Solidaires, FSU s’est réunie le 29 août pour se positionner collectivement sur le budget 2026 et le mouvement du 10 septembre. Il est sorti de cette réunion un communiqué intersyndical rempli de revendications inadaptées et insuffisantes pour la période mais surtout un refus de reconnaître la date du 10, pas du tout mentionnée dans le texte.
La stratégie de l’intersyndicale est criminelle, elle refuse de rejoindre la mobilisation du 10 septembre et pose sa propre date concurrente : le 18. Elle tente déjà d’enfoncer la lutte contre le budget dans le même calendrier saute-mouton qui a fait perdre la bataille contre la réforme des retraites en 2023.
La CFDT s’oppose à toute désobéissance et à tout blocage, elle qualifie les appels à se mobiliser le 10 d’inutiles, car une fois que Bayrou aura démissionné, avec qui dialogueront les manifestant·es ? Marylise Léon, secrétaire générale du syndicat affirme que la date du 18 septembre est plus concrète, car elle pourra mener à une réunion à Matignon avec le nouveau Premier Ministre.
La CGT, qui s’est rangée derrière la CFDT, appelle indépendamment au 10 septembre mais ne considère pas la mobilisation dans la rue comme principal méthode lutte. La CGT écrit dans son communiqué d’appel au 10 : « Grâce à notre mobilisation contre la réforme des retraites, le gouvernement n’a jamais été aussi faible, Emmanuel Macron n’a plus de majorité pour faire passer ses réformes régressives et la colère sociale est énorme ».
Qualifier la direction menée par la CGT pendant les retraites de victoire a de quoi faire peur au futur mouvement. En plus de la reconnaissance de la faiblesse de Macron et des institutions qui ne s’est pas accompagnée d’une intervention politique par le syndicalisme de lutte mais d’un suivi des institutions désavouées : rangement derrière le NFP et participations au conclave sur les retraites à Matignon.
« On ne finance pas les rafales avec l’argent des hôpitaux », c’est la déclaration à côté de la plaque de Sophie Binet à l’annonce du budget 2026. La question n’est pas qu’il faudrait trouver le financement des rafales ailleurs mais qu’il ne faut pas les financer du tout, la situation impose de se positionner politiquement contre la guerre, contre notre propre impérialisme ; mais la CGT se borne à ne voir la question que par son aspect économique.
Le 10 se construit en toute indépendance de classe
Plusieurs sections syndicales et secteurs ouvriers ont déjà appelé au 10 comme dans les transports, à la Poste, les industries de l’énergie et de la chimie ou encore la santé, un préavis a été posé pour les 38 hôpitaux de l’APHP. Les pharmacies fermeront tous les samedis et jour de garde contre la baisse de la remise sur les médicaments génériques qui passe de 40 à 30 %. Dans l’audiovisuel public, la grève reconductible a commencée le 25 août contre le projet de fusion de Radio France, France Télévisions et de l’INA au sein de France Médias. Les contrôleurs aériens se calent sur l’intersyndicale et seront en grève le 18 septembre.
L’organisation du 10 se prépare aussi dans les quartiers, 400 personnes se sont réunies au Parc de la Villette pour une Assemblée Générale Francilienne qui a permis de partager les bilans des dizaines d’AG qui se sont tenues partout en Île-de-France, chacune réunissant dans la cinquantaine de participant·es. Plusieurs travailleur·euses de l’éducation et de la santé ont pu témoigner du ras-le-bol auquel font face leurs collègues dans les services victimes de coupes budgétaires depuis des années.
Cette AG a insisté sur l’importance de tirer des bilans des précédents mouvements sociaux comme la bataille contre la réforme des retraites ou les Gilets Jaunes. La nécessité d’un mouvement indépendant des directions syndicales et du calendrier électoral, le besoin de construire des grèves longues et coordonnées entre les secteurs bloquants.
Les Assemblées Générales ne doivent pas être l’affaire des seuls militant·es mais de l’ensemble de notre classe, au risque de les faire plonger dans les actions marginales comme ont proposé certains autonomes lors de l’AG. Ce n’est que par des actions de masse, décidées par et représentant la majorité sociale que le mouvement pourra imposer un rapport de force. Il est nécessaire d’investir et de militer ces cadres locaux le 10 septembre, d’y diriger la colère de la rue pour construire une riposte organisée, à même d’opposer le pouvoir en place.
Le 10 septembre doit être anti-militariste
La mobilisation contre l’austérité budgétaire doit aussi être une mobilisation anti-militariste, un des objectifs du budget de Bayrou est de régénérer la capacité d’endettement de la France en cas de conflit militaire.
Il faut rediriger le budget militaire là où les moyens manquent. Stop au financement des marchands d’armes, du génocide en Palestine, du pillage de l’Ukraine par l’OTAN et de toutes les guerres. La lutte doit être dirigée contre notre propre impérialisme qui embrigade la jeunesse dans ses guerres coloniales. Macron tente de ré-instaurer le SNU dans une version militarisée en même temps qu’il propose de renforcer la présence militaire en outre-mer.
Pour pousser cette escalade guerrière, le gouvernement mène une convergence idéologique avec l’extrême-droite, il se nourrit des idées les plus réactionnaires pour construire son état guerrier. Chasse aux migrant·es, crise diplomatique avec l’Algérie, réarmement démographique, loi fin de vie et loi Duplomp rappellent le caractère raciste, colonial, sexiste et écocide de l’impérialisme. Militarisme, réaction et austérité vont main dans la main, les différentes luttes doivent elles aussi se rejoindre.
Un plan de bataille ouvrier pour imposer une autre société
Des économies budgétaires, les travailleurs et les travailleuses savent où en faire, supprimer les aides au patronat qui ne servent qu’à gaver les grands capitalistes et leurs actionnaires : les 200 Milliards d’euros d’aides aux entreprises et les 80 Milliards d’exonérations sociales alors que 2024 a été une année de licenciements massifs.
Le 10 s’annonce déjà un succès, la colère sociale a réussi à dépasser les directions traditionnelles du mouvement ouvrier, le gouvernement a peur que les masses ne soient pas tenues et appellent aux grèves par elles-mêmes. Il faut continuer de construire dans cette direction, l’organisation du mouvement doit avoir lieu dans les espaces de luttes. Une mobilisation indépendante construite à la base et capable de tirer les bilans des dernières années porte un vrai potentiel d’affrontement avec la bourgeoisie, les patrons et l’État.
Le 10 septembre, soyons toustes sur les piquets de grève, dans les AG, devant nos facs et lycées. Soyons toustes ensemble dans la rue pour imposer par la lutte nos revendications ! Bloquons tout pour enterrer Macron, Bayrou et leurs politiques guerrières et austéritaires !