Gaza : deux ans après le 7 octobre

Deux ans de génocide, deux ans de résistance héroïque d'un peuple martyrisé, deux ans au cœur de la situation politique mondiale. Publié le 8 octobre.

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Deux ans après le 7 octobre
Reuters

Il y a deux ans, l’incursion du Hamas en Israël depuis Gaza a bouleversé le monde. Du jour au lendemain, la question palestinienne est revenue sur le devant de la scène internationale avec une force presque sans précédent depuis la deuxième Intifada.

La propagande sioniste s’est chargée de diffuser les atrocités de cette journée à travers le monde, en y ajoutant une montagne d’inventions et de mensonges. Le monde entier savait qu’il y aurait une réponse. L’opinion publique internationale s’était majoritairement rangée du côté d’Israël. Le discours selon lequel l’entité sioniste se défendait, que sa violence et sa brutalité relevaient de l’autodéfense, avait gagné du poids.

Mais la réalité dramatique a fini par s’imposer. Aujourd’hui, les images de la destruction totale de Gaza – des personnes, des maisons, des monuments, des écoles, des hôpitaux – ont pris le pas sur le discours sioniste. Les masses populaires du monde entier regardent avec horreur ce qu’elles reconnaissent comme un génocide, et leur sympathie va au peuple palestinien martyrisé.

L’activisme et la mobilisation contre le génocide constituent sans aucun doute le mouvement de solidarité et de lutte internationale le plus important depuis le rejet de la guerre en Irak. Et peut-être le plus grand et le plus systématiquement mobilisé depuis le mouvement contre la guerre du Vietnam.

Il est très significatif que le sionisme, qui avait au départ le soutien de l’opinion publique mondiale et de toutes les forces politiques de l’impérialisme traditionnel, se trouve aujourd’hui en position de minorité absolue. Les campagnes de victimisation et de diffamation, les accusations d’« antisémitisme » contre toutes celles et tous ceux qui rejettent son « droit » au génocide, n’ont plus aucun effet. Elles ne changent l’opinion de personne. Le sionisme s’est discrédité aux yeux du monde entier. Et sa légitimité est peut-être définitivement remise en cause.

En ce moment même, des négociations « de paix » sont en cours à la suite de l’ultimatum lancé par Trump au Hamas. Elles ne se déroulent plus dans les mêmes conditions de capitulation absolue qu’il y a une semaine. Elles pourraient déboucher sur un véritable accord de paix, et non sur une capitulation absolue et l’asservissement inconditionnel du peuple palestinien (qui étaient les conditions exigées à l’origine par Trump).

Le peuple palestinien a subi un coup très dur à Gaza. Il est évident qu’à ce stade, tout accord futur est un accord de désespoir, d’épuisement et de survie. Mais la cause palestinienne jouit désormais d’une légitimité internationale qu’elle n’avait pas auparavant. En revanche, Israël sort d’une « victoire » militaire avec la destruction presque totale de Gaza, mais sa « cause », sa légitimité internationale, est durement touchée. Peut-être a-t-il définitivement perdu sa légitimité et ne pourra-t-il plus jamais utiliser les horreurs de l’Holocauste pour légitimer ses crimes.

 

Le 7 octobre et le Hamas

Les atrocités du 7 octobre nous ont obligés à expliquer ce qui se passait réellement. Nous avons rapidement dit ce qu’il fallait dire : que notre soutien à la cause palestinienne était inconditionnel. La responsabilité de cette barbarie, y compris la mort de civil·es israélien·nes, incombe à Israël et à personne d’autre qu’Israël.

Les comparaisons historiques permettent parfois de comprendre beaucoup de choses. Imaginons qu’un groupe armé à l’idéologie extrêmement réactionnaire émerge dans un ghetto juif marginalisé, ségrégué, affamé et systématiquement violé par les nazis. Aussi néfastes que soient ses idées, il naît dans le but de résister aux occupants avec les quelques armes dont il dispose. Imaginons que ce groupe mène une incursion violente contre la population civile, faisant de nombreuses victimes innocentes.

Mais trêve d’imagination, passons aux faits. C’est exactement ce qui s’est passé le 7 octobre 2023. Gaza est un ghetto entouré de murs, de barbelés et de troupes. Sa population est constamment sous contrôle militaire. Les arrestations, les assassinats et les viols commis par les troupes sionistes sont monnaie courante, non pas depuis deux ans, mais depuis 78 ans. Lorsqu’il y a d’un côté un État raciste, pratiquant la ségrégation raciale et le génocide, et de l’autre un peuple victime de la ségrégation raciale et du génocide, la responsabilité de la violence incombe toujours à l’oppresseur, et notre position sera toujours de défendre les opprimés.

La population gazaouie est majoritairement composée de descendant·es de personnes expulsées de leurs terres. Aujourd’hui, il leur est interdit de fouler ce qui était autrefois leurs maisons, leurs quartiers, leurs villes et leurs villages. Ce sont des zones réservées aux citoyen·nes israélien·nes. Les Palestinien·nes sont, en fait, soumis à un régime de ségrégation raciale.

Cela ne devrait pas être si difficile à comprendre. Par exemple, le quotidien argentin La Nación a publié un article-documentaire déplorant les deux ans du 7 octobre. Il soulignait que certain·es des otages et des mort·es de l’incursion du Hamas étaient argentin·es. Il écrit que certain·es d’entre elleux étaient des militant·es « pour la paix ». Bien sûr, la mort d’innocent·es est quelque chose de tout à fait horrible et regrettable. Mais prenons deux minutes pour examiner les informations. Des personnes nées à l’autre bout du monde vivaient là-bas et jouissaient de tous les droits civiques pour vivre et posséder des terres et des maisons. Et les Gazaoui·es, qui sont né·es et ont vécu toute leur vie là-bas, qui y vivent depuis des générations et des générations, n’ont aucun droit sur ces terres et ces maisons. Et pour s’en assurer, iels sont entouré·es de clôtures et de barbelés, et sont quotidiennement dans la ligne de mire d’un fusil.

C’est dans ce contexte, et dans aucun autre, que le Hamas est né. Son idéologie est répugnante, « il s’agit d’un groupe religieux fondamentaliste ultra-réactionnaire, néolibéral, avec de très fortes composantes antisémites et une vision extrêmement conservatrice de l’islam » (Les débats à gauche autour de la cause palestinienne et du Hamas). Mais c’est un groupe né de la volonté d’émancipation d’un peuple brutalement opprimé, et il en est le principal bras armé. Sa raison d’être est la libération nationale de la Palestine.

Mettre l’accent sur le Hamas, exiger son désarmement comme condition nécessaire à toute paix, revient à dire que les victimes de la ségrégation raciale, de l’oppression, doivent se désarmer face à une puissance oppressive armée jusqu’aux dents. Faire du désarmement des victimes et du maintien des bourreaux armés jusqu’aux dents une condition de la paix n’est pas un désir de paix, c’est un désir de triomphe sans conséquences de l’oppression coloniale, raciste et génocidaire.

 

Gaza, deux ans de génocide en chiffres

Et ils osent nier qu’un génocide est en cours. Alors que la propagande sioniste ment dans le monde entier, les ministres du gouvernement israélien disent sans vergogne la vérité. Ben Gvir et Smotrich ont tous deux proclamé leur objectif de coloniser Gaza.

Et ils ne sont pas les seuls membres les plus radicalisés du fascisme sioniste au sein du gouvernement. Au début de l’année 2025, Donald Trump a présenté comme « proposition » pour Gaza le déplacement de ses plus de 2 millions d’habitant·es. Il l’a fait en présence de Nétanyahou, avec son approbation. Le déplacement de tout un peuple comme « solution » à un conflit, l’éradication de son peuple et de sa culture d’un territoire, la proposition ouverte de destruction, tout cela a un nom : cela s’appelle un génocide. (Source : sana.sy)

 

Massacres et arrestations arbitraires

67 173 Palestinien·nes assassiné·es. 20 000 enfants, 1 670 professionnel·les de santé, 140 membres de la défense civile et 254 journalistes. Ce sont les chiffres officiels des décès confirmés. Il pourrait y en avoir beaucoup plus : des milliers de personnes sont encore ensevelies sous les décombres.

9 500 Palestinien·nes de Gaza sont porté·es disparu·es.

640 Palestiniens sont morts de faim et de malnutrition, dont 154 enfants.

39 022 familles ont été massacrées par l’occupant israélien, dont 2 700 familles exterminées et rayées du registre civil, et 6 020 familles exterminées, ne laissant qu’un seul survivant.

169 780 blessé·es et mutilé·es.

Plus de 6 700 personnes ont été arrêtées depuis le début de l’agression, dont 362 professionnels de santé, 48 journalistes et 26 membres de la défense civile.

 

Destruction et occupation : logements et infrastructures

2,1 millions de Palestinien·nes ont été déplacée·s. L’ensemble des Gazaoui·es ont été contraints de quitter leurs foyers.

90 % des bâtiments, en particulier les immeubles résidentiels, ont été complètement détruits. Certains parlent de « domicide » : le sionisme ne veut pas laisser aux Palestinien·nes d’endroits où vivre.

L’occupation a largué 200 000 tonnes d’explosifs sur les habitations de Gaza.

Plus de 80 % du territoire est sous contrôle sioniste.

Israël a bombardé 136 fois la zone d’Al-Mawasi, qu’il prétend être une « zone humanitaire sûre ».

268 000 logements ont été complètement détruits et 148 000 ont été gravement endommagés, les rendant inhabitables.

153 000 logements ont été partiellement détruits.

288 000 familles palestiniennes se retrouvent sans abri.

125 000 tentes ont été complètement détruites sur un total de 135 000.

2 millions de civil·es ont été déplacé·es à plusieurs reprises en raison de la politique de déplacement forcé.

293 centres d’accueil ont été attaqués par l’occupant.

Santé

2,142 millions de cas de diverses maladies infectieuses (au minimum) résultant du déplacement forcé.

38 hôpitaux et 96 centres de santé ont été détruits.

197 ambulances ont été attaquées.

788 attaques contre des installations, des véhicules, du personnel et des chaînes d’approvisionnement du secteur de la santé.

Famine et refus d’aide et de soins :

Cela fait 222 jours qu’Israël a complètement fermé tous les points de passage vers la bande de Gaza.

650 000 enfants sont en danger de mort en raison de la malnutrition, de la famine et de la pénurie alimentaire.

40 000 nouveau-nés et enfants de moins d’un an risquent de mourir de faim en raison du manque de lait maternisé.

L’occupant a empêché l’entrée de 120 000 camions d’aide humanitaire et de carburant dans la bande de Gaza.

47 banques alimentaires et 61 centres de distribution d’aide ont été la cible d’attaques israéliennes dans le cadre de leur politique de famine.

Israël a attaqué des convois d’aide et des livraisons humanitaires à 128 reprises.

Israël empêche plus de 22 000 patients nécessitant un traitement à l’extérieur de l’enclave de quitter celle-ci.

5 200 enfants ont besoin d’une évacuation médicale urgente pour sauver leur vie.

Israël empêche l’entrée de traitements vitaux, mettant en danger la vie de 350 000 personnes atteintes de maladies chroniques.

Lieux de culte et cimetières :

835 mosquées ont été complètement détruites et 80 autres partiellement détruites.

Trois églises ont été attaquées par l’occupant à plusieurs reprises.

40 des 60 cimetières ont été détruits.

2 450 corps ont été volés dans les cimetières.

Les forces israéliennes ont creusé sept fosses communes à l’intérieur d’hôpitaux, d’où les corps de 592 Palestinien·nes ont été récupérés.

Infrastructures et installations publiques :

725 puits centraux ont été détruits et mis hors service par l’occupant.

Plus de 5 000 kilomètres de réseaux électriques et 2 285 transformateurs ont été détruits par les attaques israéliennes.

Plus de 700 000 mètres de réseaux d’eau, un nombre similaire de réseaux d’égouts et plus de 3 millions de mètres de routes et de rues ont été détruits par l’aviation israélienne.

208 sites archéologiques et patrimoniaux ont été attaqués.

Pertes économiques dans tous les secteurs

70 milliards de dollars, c’est le montant total des pertes directes primaires causées par la guerre génocidaire.

5 milliards de dollars de pertes dans le secteur de la santé.

4 milliards de dollars de pertes dans le secteur de l’éducation.

28 milliards de dollars de pertes dans le secteur du logement.

4 milliards de dollars de pertes dans le secteur industriel.

4,5 milliards de dollars de pertes dans le secteur commercial.

2,8 milliards de dollars de pertes dans le secteur agricole.

3 milliards de dollars de pertes dans le secteur des télécommunications et de l’internet.

2,8 milliards de dollars de pertes dans le secteur des transports.

1,4 milliard de dollars de pertes dans le secteur de l’énergie électrique.

6 milliards de dollars de pertes dans le secteur des services et des municipalités.

 

Une remise en cause historique du projet colonial sioniste

La propagande sioniste veut présenter son projet comme celui de « l’autodétermination du peuple juif ». C’est le principal argument utilisé pour accuser d’« antisémitisme » ceux qui rejettent le sionisme, en affirmant que nous considérons que tous les peuples devraient pouvoir avoir leur propre État, sauf les Juifs.

Les Juifs avaient subi plusieurs siècles d’oppression et de ségrégation… en Europe. Tous les cas de conquête de l’indépendance et de l’autodétermination des peuples se sont heurtés à un occupant, à une métropole, à un oppresseur. Toute tentative de présenter les Palestinien·nes comme des « oppresseurs » des Juifs est un mensonge malveillant visant à justifier quelque chose qui n’a absolument rien d’émancipateur : le sionisme est un projet colonial.

Les mouvements de libération nationale en Europe, à l’époque où le sionisme est né, étaient ceux de communautés ayant leurs propres traditions culturelles, langues et identités, qui réclamaient leur autonomie. Pour que les Polonais·es puissent avoir leur propre État, il n’a pas été nécessaire de déplacer massivement la population polonaise au détriment d’une autre population déjà résidente. Et la plupart de ces mouvements de libération n’étaient pas exclusifs : les lois et constitutions laïques et émancipatrices du XIXe siècle reconnaissent dans leur grande majorité le droit à la naturalisation d’un·e étranger·e, ou ne font aucune distinction entre les groupes religieux.

Le sionisme est quelque chose de très différent. Il s’agit d’un projet d’État purement juif, qui nécessite le déplacement massif de la population d’origine, qui doit imposer artificiellement une majorité ethnique pure, qui a besoin pour exister qu’aucun autre peuple n’existe. Ce n’est pas de l’autodétermination, c’est de l’ethno-nationalisme, c’est du racisme, c’est du suprémacisme, c’est du colonialisme. Ce sont toutes ces choses qui ont ensuite donné naissance au fascisme.

Le Printemps des peuples de 1848 a été l’un des moments les plus emblématiques de l’essor des mouvements nationaux d’émancipation en Europe. Au cours de cette révolution, la volonté d’autodétermination et les droits démocratiques fondamentaux des peuples opprimés par l’Ancien Régime, y compris les Juifs, se sont exprimés massivement et les armes à la main. De l’autre côté, les ennemis de ces mouvements avaient des identités très claires : les monarchies et les puissances nationales opprimant les peuples polonais, hongrois, tchèque, juif, etc.

Le sionisme a proposé de s’allier aux représentants de l’Ancien Régime. Il estimait que les mouvements pour l’égalité des droits n’allaient nulle part, qu’ils n’avaient aucun avenir, et a décidé de s’allier explicitement aux puissances, aux monarques, aux antisémites. Oui, aux antisémites, à ceux qui avaient un objectif commun : chasser massivement tous les Juives et Juifs d’Europe.

Le sionisme a déclaré dès le début qu’il s’agissait d’un projet colonial. Tout le reste n’est que mensonge. Le fondateur du sionisme, Theodor Herzl, a présenté les choses explicitement. Le plan qu’il a esquissé pour le mouvement sioniste dans son livre L’État juif était de créer une Compagnie ou une Société sur le modèle de la Compagnie britannique des Indes orientales afin de réaliser la « colonisation » d’un territoire, avec l’« expropriation » des terres palestiniennes. On ne le répétera jamais assez : il était tout à fait explicite. Et Herzl n’est pas un marginal : son portrait présidait la séance de déclaration d’« indépendance » d’Israël.

Mais le plus brutalement honnête des sionistes était Zeev Jabotinsky, le fondateur du « sionisme révisionniste ». Les organisations qu’il dirigeait figuraient parmi les principales milices, inspirées du fascisme italien, qui ont ensuite mis en œuvre le déplacement massif des Palestinien·nes en 1948, la Nakba. C’est son mouvement qui est ensuite devenu le Likoud, le parti de Nétanyahou.

Son essai « Le mur de fer », très célèbre dans l’histoire du sionisme, est parfaitement clair. Il affirme d’abord que ses objectifs sont « pacifiques », puis déclare très ouvertement qu’il ne croit pas qu’ils puissent être atteints par des « moyens » pacifiques. Il polémique avec les sionistes qui prétendent s’emparer de la Palestine par le biais d’accords avec les forces politiques à La Mecque ou à Bagdad, en déclarant que :

« La Palestine resterait pour les Palestiniens non pas une zone frontalière, mais leur lieu de naissance, le centre et la base de leur propre existence nationale. Il serait donc nécessaire de mener à bien la colonisation contre la volonté des Arabes palestiniens… »

Dans son essai, il qualifie également les Palestinien·nes de « population indigène » du lieu. Il propose de créer un « mur de fer » qu’ils ne pourraient franchir, les privant ainsi de force du « centre et de la base de leur existence nationale ». On peut reprocher beaucoup de choses au fasciste Jabotinsky, mais certainement pas son manque de sincérité. Son mouvement, Betar, a adopté les chemises et le salut fascistes. Il a mis en place des camps d’entraînement dans l’Italie fasciste de Mussolini. L’un des principaux exemples à suivre pour lui, selon le même essai que nous citons, est celui de la colonisation des États-Unis, avec l’extermination des indigènes qui s’ensuivit. C’est le même exemple que Hitler donne dans Mein Kampf pour son projet de colonisation de l’Europe orientale, le Lebensraum.

En juillet 2023, lors d’un hommage à Jabotinsky, Benjamin Neétanyahou a déclaré publiquement : « Cent ans après que le « mur de fer » ait été inscrit dans les écrits de Jabotinsky, nous continuons à mettre en œuvre ces principes avec succès ». Le 7 octobre n’était pas encore passé. Rien n’a commencé le 7 octobre.

Le génocide en cours est l’évolution naturelle du projet sioniste en tant que tel. Donner le nom d’« émancipation » à la ségrégation raciale et aux massacres ne change rien aux faits. C’est en fait un classique de la propagande génocidaire : les nazis disaient aussi qu’ils défendaient les droits des Allemands. La mentalité génocidaire fonctionne ainsi, c’est la conviction que sa propre survie est impossible si l’on n’extermine pas l’autre.

Le projet colonial sioniste est arrivé trop tard, mais il se poursuit. Si les frontières nationales sous leur forme moderne ont été consacrées entre le XIXe et le XXe siècle, les mouvements de colonisation ont eu lieu principalement entre le XVIe et le XVIIIe siècle. Nous parlons ici de colonisation sous sa forme d’extermination et de remplacement de la population indigène, comme en Amérique du Nord, et non de conquête et de réduction en servitude, comme dans l’Empire espagnol (même si, évidemment, il y a aussi eu beaucoup d’exterminations). Aujourd’hui, les objectifs et les méthodes du sionisme sont répugnants pour de larges masses populaires dans le monde : il existe une expérience collective mondiale du colonialisme et des génocides. Les choses ne peuvent plus se passer avec l’impunité et l’effronterie d’il y a un siècle et demi.

Le sionisme est une aberration historique, presque un anachronisme. Mais il a réussi à se maintenir, entre autres grâce au soutien des principales puissances impérialistes (notamment les États-Unis depuis des décennies) et à la légitimité de la cause de la libération du peuple juif après les horreurs indicibles de l’Holocauste. Le sionisme a joué cette carte et a réussi pendant trop longtemps à convaincre beaucoup de gens que le rejet du sionisme était de l’antisémitisme.

Mais sa légitimité a pris fin. La mobilisation internationale du 7 octobre a rassemblé de larges masses en défense du peuple palestinien aux quatre coins de la planète.

Des milliers de personnes participent à une manifestation pour la Palestine à Francfort, le 30 août 2025 AP Photo
Des milliers de personnes participent à une manifestation pour la Palestine à Francfort, le 30 août 2025 AP Photo

Nous avons même assisté à des événements historiques, comme la magnifique grève générale en Italie contre le génocide. L’activisme de la base ouvrière et de la jeunesse a renversé la situation politique italienne avec un arrêt de travail politique de solidarité internationaliste.

La pression populaire est si forte que certains alliés historiques et fondamentaux du sionisme ont dû revoir leurs positions diplomatiques. Le gouvernement français est passé de la volonté d’interdire les manifestations en défense du peuple palestinien pour cause d’« antisémitisme » à la reconnaissance d’un État palestinien.

Il s’agit d’une question très fondamentale : depuis les révolutions bourgeoises du XIXe siècle, et cela vaut encore aujourd’hui, tout droit individuel et démocratique est lié à la condition de « citoyen ». Sans citoyenneté d’aucune sorte, personne ne reconnaît légalement votre existence. Et les Palestinien·nes, sous le régime d’apartheid israélien, sont des non-citoyen·nes : iels n’ont aucun droit.

Reconnaître un « État palestinien », c’est reconnaître… que les Palestinien·nes sont des personnes. La propagande sioniste qui prétend qu’une telle reconnaissance serait une « récompense pour le terrorisme » est la propagande d’un gouvernement fasciste. Ils ne veulent accepter rien d’autre que la déshumanisation des Palestinien·nes, et donc leur réduction à la soumission ou à l’extermination.

Les limites de la « solution à deux États » apparaissent ainsi très clairement. L’égalité juridique de tous les individu·es est, du moins sur le papier, un principe fondamental pour la plupart des États contemporains. Reconnaître « deux États », c’est reconnaître l’État d’Israël, dont le projet est celui d’un « État juif ». En fin de compte, seul·es celles et ceux que cet État reconnaît comme étant ethniquement juives et juifs ont pleinement droit à la citoyenneté. Tous les autres sont des citoyen·nes de seconde zone… ou contraint·es d’être une « minorité », la plupart de leurs membres étant soumis au statut de non-citoyen·nes. C’est ainsi que se maintient la « majorité juive » de l’ethno-nationalisme sioniste : en contraignant artificiellement la majorité à un statut de minorité dispersée et dépouillée.

 

L’« accord de paix » à Gaza

Pour la première fois depuis ce qui doit sembler une éternité, Gaza a été le théâtre de célébrations. La population gazaouie a accueilli avec enthousiasme « l’accord de paix ». L’épuisement est total, si bien que les conditions importent peu aux gens. Dans ces circonstances, cela est tout à fait compréhensible : n’importe qui donnerait la priorité à l’arrêt des bombardements.

L’« accord de paix » conclu en Égypte entre les États-Unis, Israël et le Hamas ne comporte que quelques points clairs. Premièrement, les 48 otages israélien·nes restant·es (dont 20 seraient encore en vie) seraient libéré·es entre le 11 et le 13 octobre. Deuxièmement, les quelque 2 000 otages et détenus palestinien·nes par Israël seraient libéré·es à une date à confirmer. Troisièmement, les troupes sionistes devraient se retirer dans une zone délimitée dans l’accord. Quatrièmement, l’entrée de l’aide humanitaire dans la bande de Gaza devrait être autorisée de manière imminente (Israël ne laissait-il pas déjà entrer l’aide ?).

Le plan initial en 20 points présenté par Trump n’est pas celui qui est en cours de négociation. Le Hamas a « accepté » la proposition afin de passer immédiatement à la négociation de pratiquement tout. Dans le même temps, Nétanyahou a déclaré qu’il n’avait accepté ni la création future éventuelle d’un État palestinien ni le retrait des troupes. Mais ces deux points figuraient dans l’accord de Trump. De toute évidence, le gouvernement sioniste n’est pas tout à fait à l’aise avec cet accord, mais la pression des États-Unis a fini par faire pencher la balance.

Lorsqu’il a été lancé, nous avons déclaré : « Le « plan » pour Gaza présenté par Trump et Nétanyahou lors d’une conférence de presse n’est pas un cessez-le-feu, ce n’est pas un accord de paix, ce n’est pas un « plan ». C’est un ultimatum qui dit, en d’autres termes : « soit vous vous laissez coloniser et asservir, soit nous nous considérons comme libérés et avons une raison de vous massacrer ». Comme s’ils avaient besoin d’excuses. »

Et nous avons également affirmé : « On dit que le Hamas est en train d’« évaluer » l’ultimatum. S’il venait à l’accepter, ce ne serait pas un « accord », mais un aveu d’épuisement total, que le génocide systématique, la famine et le désespoir ont conduit les Gazaoui·es à accepter la colonisation et l’esclavage comme seule alternative. »

La réponse du Hamas a été intelligente : il a accepté les exigences fondamentales auxquelles il pouvait céder et a ouvert des négociations sur tout le reste. Il a profité du fait qu’il n’y avait pas de consensus absolu entre Washington et Tel-Aviv.

En effet, l’impérialisme américain a besoin d’Israël pour défendre ses intérêts au Moyen-Orient, et Israël a besoin du parrainage de l’impérialisme ; mais Israël et l’impérialisme américain ne sont pas la même chose.

Pour les États-Unis, un équilibre acceptable aurait pu être atteint au Moyen-Orient. Ils ont porté des coups durs à leurs principaux ennemis régionaux, et le rapport de forces leur est désormais favorable. Pour eux, cela pourrait suffire pour l’instant. Mais ce n’est pas le cas pour Israël : Nétanyahou avait pour objectif explicite d’exterminer définitivement le peuple gazaoui en tant que tel. Contre toutes les recommandations militaires, il avait ordonné une offensive « définitive » quelques jours avant l’annonce de l’accord.

Nétanyahou subit une pression interne, son cabinet et son appareil de sécurité étant dominés par la pression extrémiste de l’avant-garde coloniale. Ben-Gvir et Smotrich ont pour base sociale les groupes de colons, qui passent leurs journées à opprimer et à expulser les Palestinien·nes en Cisjordanie. Et qui veulent faire de même à Gaza.

Le massacre a donné un coup de fouet au projet sioniste, mais celui-ci a en même temps fait un pas énorme dans sa volonté d’extermination. La destruction de Gaza est totale. Israël voulait faire de la bande de Gaza un endroit où il serait impossible de vivre. Mais, paradoxalement, le peuple gazaouite tient bon : les conditions initiales de l’ultimatum de Trump et Nétanyahou sont en fait écartées. Tout reste en suspens. La cause palestinienne tient bon malgré la famine, les massacres et la destruction.

Il existe une fracture entre les États-Unis et Israël, et cette fracture a laissé entrevoir la possibilité d’un accord de paix. Tenter d’avancer encore plus loin en territoire gazaouite pourrait être pour les États-Unis un pari risqué qui leur ferait perdre ce qu’ils ont gagné en frappant l’Iran et le Liban. Les raisons sont simples : la mobilisation populaire internationale est un facteur de pression toujours présent pour le gouvernement de Washington. Il a intérêt à éviter un revirement anticolonialiste et anti-impérialiste dans la situation internationale. Le gouvernement de Tel-Aviv, en revanche, subit précisément la pression des colons radicalisés.

Certaines questions clés n’ont pas encore été réglées. Il n’y a pas d’accord définitif sur la composition du futur gouvernement de la bande de Gaza, bien que de nombreuses rumeurs circulent à ce sujet, ni sur la participation du Hamas à ce gouvernement.

Les choses sont concrètes. Les ministres dont dépend l’avenir de la coalition gouvernementale de Nétanyahou déclarent ouvertement qu’ils ne veulent accepter rien d’autre que l’anéantissement complet des Palestinien·nes de Gaza. Et l’accord tente de stipuler que la seule milice armée palestinienne ayant un certain poids devrait rester les mains vides face à ces monstres génocidaires.

Les termes réels de l’accord sont peu connus. Aucun texte officiel n’a été publié, seulement des déclarations ambiguës de Trump ou de Nétanyahou. De toute évidence, tout cela est très fragile. L’accord de trêve précédent, conclu à la fin de l’année dernière, a été rompu unilatéralement par Israël. Car le sionisme ne voulait que la « phase 1 » de l’« accord de paix » : la libération des otages israéliens, puis la poursuite du massacre des Palestinien·nes. Rien de tout cela n’est un « accord de paix », c’est une capitulation et l’acceptation d’être massacré.

Une fois de plus, on ne peut pas répondre par le sectarisme à la conclusion d’un accord. Il est urgent et impératif qu’ils cessent de tuer des Palestinien·nes. On ne peut pas dire un seul mot qui ne parte pas de là. C’est déjà une énorme victoire pour les Palestiniens d’avoir supporté des conditions de vie et de mort impossibles à supporter, et d’avoir encore l’espoir de pouvoir continuer à exister.

Mais cela n’enlève rien au fait que cet « accord de paix » est une paix sans justice : non seulement les responsables d’un génocide n’ont à subir aucune conséquence pour leurs actes, mais ils restent armés jusqu’aux dents, financés par la principale puissance militaire du monde, et peut-être de toute l’histoire. Ce n’est pas rien : cela signifie que les principaux responsables du massacre peuvent le reprendre à tout moment.

Mais le contraste entre la situation actuelle et celle du début de l’année est très clair. En janvier, Trump annonçait avec Nétanyahou une « proposition » qui partait du nettoyage ethnique de Gaza, de l’expulsion complète de tous les Palestinien·nes de la bande de Gaza. Aujourd’hui, l’accord de paix comprend une vague promesse future de création d’un « État palestinien ». La raison est claire : le gouvernement américain s’est heurté au fait qu’il n’était pas si facile de passer outre le peuple palestinien et la résistance internationale contre le génocide. Et ces facteurs sont toujours présents. Le mouvement mondial de solidarité avec la Palestine doit continuer à être un facteur politique de poids afin de pouvoir freiner toute tentative de relancer la destruction de Gaza.

 

Deux ans au cœur de la situation politique internationale

Au cours des deux dernières années, aucun débat ou différend politique international n’a échappé à Gaza.

Tout le militantisme international, avec toutes ses luttes économiques, politiques ou pour les libertés démocratiques fondamentales, a pris la Palestine pour étendard. Les Gazaouis sont en effet victimes de la forme la plus brutale de violence et de domination, non seulement de la part d’Israël, mais aussi de tous ses alliés : les États-Unis et l’impérialisme classique, l’extrême droite, les capitalistes (qui font de bonnes affaires grâce au génocide).

La Palestine est l’emblème de la lutte contre l’oppression ethnique et raciale. Et cette question est au centre de tous les combats depuis l’arrivée au pouvoir de Trump. La nouvelle droite a remis en scène l’oppression raciale et nationale au sein même des États-Unis. Elle n’avait jamais disparu, mais elle est désormais au centre de l’agenda. Il est naturel que les Palestiniens, qui souffrent du déni de leur statut de citoyens partout où ils vont, deviennent le symbole de la lutte des immigrants contre l’ICE trumpiste.

La Palestine est le symbole de la lutte anti-impérialiste. À la tête de la réaction de l’extrême droite se trouve le projet MAGA, qui vise à rétablir la domination impérialiste des États-Unis, même sous de nouvelles formes. Toutes les formes de réaction (économique, politique, sociale) ont des figures comme Donald Trump, qui redoublent de brutalité dans l’oppression nationale à travers leurs mouvements politiques. Cela inclut les puissances rivales, comme la Russie et son invasion de l’Ukraine, ou la Chine et ses menaces sur Taïwan.

La Palestine est l’emblème de la lutte pour les droits démocratiques des majorités populaires. Les sanctions, les expulsions et les persécutions ont été la réponse officielle aux campements organisés sur les campus universitaires américains contre le génocide. Dans d’autres pays, l’extrême droite a tout simplement réussi à écraser toute opposition par la répression : c’est le cas au Salvador, en Hongrie, etc. Ailleurs, elle a tenté de le faire, comme au Brésil. À Gaza, il n’y a qu’un seul État, Israël, qui soumet toute sa population à un blocus historique et à des massacres périodiques. Les formes d’organisation de la résistance prennent des formes violentes et extrêmes en raison des conditions extrêmes et violentes imposées par le colonisateur. La défense du droit à l’existence des Palestiniens est aussi celle du droit à s’organiser.

Ce n’est pas pour rien que le drapeau palestinien flotte dans la plupart des manifestations populaires. En janvier, Trump parlait d’éradiquer complètement les Palestiniens de Gaza. Une autre réalité s’est imposée. Le gouvernement américain a fait pression sur Netanyahu car il est devenu évident qu’il ne pouvait pas intensifier le massacre, le mener à son terme, sans en payer un coût politique très élevé. Il était fort probable qu’ils déclenchent une crise politique internationale qui leur rendrait la tâche très difficile. La « solution » extrême, celle de passer définitivement outre le peuple palestinien, devenait de plus en plus difficile pour eux. « Résoudre » la question palestinienne était de plus en plus urgent et crucial pour les États-Unis, car la crise ne cessait de s’aggraver. Mais ils n’ont pas pu imposer ce qu’ils voulaient imposer : la liquidation et la défaite de la cause palestinienne. Trump a donc opté pour l’accord et la concession.

ViaTraduit de l'Espagnol

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