
« Hegel fait quelque part cette remarque que tous les grands événements et personnages de l’histoire se produisent pour ainsi dire deux fois, mais il a oublié d’ajouter : la première fois comme une grande tragédie, la seconde fois comme une farce sordide.» Karl Marx, Le 18 brumaire de L. Bonaparte, 1851.
Un gouvernement en crise permanente, Macron et son régime à l’agonie
Sébastien Lecornu présente son projet de remaniement ministériel le dimanche 5 octobre. Moins de 24 heures plus tard, il annonce sa démission au poste de Premier ministre, arguant que « les conditions n’étaient pas réunies » pour assurer sa mission. Ensuite, le gouvernement démissionnaire enchaîne les consultations auprès de tous les partis politiques du système pendant quelques jours. Finalement, le Président de la République, après avoir examiné toutes les possibilités le 9 octobre, décide de nommer Lecornu pour succéder à Lecornu, comme le nouveau chef de Matignon.
Il s’agit d’un scandale révoltant. Macron réalise une provocation après l’autre contre les travailleur·euses et les classes populaires. Après avoir épuisé toutes ses cartouches, il insiste sur la re-nomination de Lecornu, qui a le « devoir » de passer le budget impopulaire de guerre sociale 2026, coûte que coûte.
Macron est le président de la Ve République qui a fait recours au plus grand nombre de Premiers ministres. La seconde présidence de Macron (depuis 2022) a connu cinq gouvernements successifs, placés sous l’autorité d’Élisabeth Borne, Gabriel Attal, Michel Barnier, François Bayrou et Sébastien Lecornu… deux fois. Même Gabriel Attal et Edouard Philippe ont pris leurs distances avec le Président de la République cette semaine en pleine crise politique, en proposant des présidentielles anticipées (Philippe) ou en avouant « ne pas comprendre » les choix du président (Attal).
Il est évident que la Macronie arrive à bout de souffle, comme si son projet politique était déjà terminé, et que la seule initiative était de « jouer la montre » pour arriver aux municipales 2026 et aux présidentielles 2027. Après l’échec de François Bayrou d’imposer son budget de guerre sociale contre les travailleur·euses et les classes populaires, et de la promesse de ne pas faire recours au 49.3 de Lecornu, comme tous ses précédents, la « majorité » semble ne pas trouver la boussole et insiste sur le dernier des Premiers ministres pour faire passer le budget à tout prix.
La crise permanente du gouvernement Macron est liée à l’instabilité d’un gouvernement impopulaire, élu non grâce à ses mérites, mais à la simple nécessité de trouver quelqu’un pour faire barrage à l’extrême droite lors du second tour des présidentielles. Mais l’ampleur de la crise politique pourrait non seulement précipiter la chute de Lecornu et Macron, mais aussi de toutes les institutions du régime anti-démocratique de la Vème République.
Le mouvement du 10 septembre et les potentialités de la mobilisation sociale
Le ras-le-bol de la population contre le président de la République s’est généralisé. Cela s’est exprimé à plusieurs reprises lors de nombreux mouvements sociaux, depuis les Gilets jaunes en passant par les grèves des cheminot·s et des retraites, les manifestations contre la repression policière, ou encore le mouvement du 10 septembre. La mobilisation du mouvement « Bloquons tout » a réussi à mettre en échec les plans de Bayrou, au point de faire peur à la bourgeoisie et de le faire remplacer.
Le mouvement du 10 septembre a fait trembler la France. Il s’agit d’une mobilisation spontanée et auto-organisée à la base, qui a fait sauter Bayrou et son projet politique de gouvernement. Des centaines de milliers de personnes ont participé à des actions de blocage, de manifestation, de révolte générale contre Macron et les capitalistes, avec l’objectif clair de tout bloquer jusqu’à sa démission.
L’impact de la mobilisation septembriste a produit des étincelles non seulement en France, mais également à l’international. Le mouvement « Blocchiamo tutto » en Italie, a repris le mot d’ordre français, pour mettre en place une grève nationale de solidarité avec la Palestine, contre le gouvernement réactionnaire de Meloni. Alors que les gouvernements font passer des mesures austéritaires pour avancer dans leurs réarmements pour la guerre, d’énormes démonstrations de solidarité ont lieu pour soutenir le peuple palestinien. En même temps, le contexte international montre la force des révoltes populaires se développant dans les quatre coins du globe (Madagascar, Pérou, Italie, Maroc, Népal, etc.), avec une forte présence d’une nouvelle génération militante anticapitaliste.
La massivité des manifestations qui ont suivi le 10 septembre, notamment celle du 18, montre toute la potentialité du mouvement social pour produire un changement radical de société et de système. Cela sera possible si les travailleur·euses et les classes populaires arrivent à se doter d’une direction capable d’amener la bagarre jusqu’au bout. Dans ce sens, il est fondamental d’avancer des revendications démocratiques, pour favoriser la participation politique et la nécessité d’en finir avec le régime pourri de la Vème République, en commençant par la démission de Macron.
La gauche syndicale et politique, entre la démobilisation et la trahison ouverte
Le mouvement social septembriste a dû faire face à un obstacle majeur, celui de sa direction. Malgré un départ auspicieux d’auto-organisation à la base, c’est finalement l’Intersyndicale qui a pris le contrôle sur la direction de la mobilisation. Les directions syndicales ont joué à la perfection leur rôle de démobilisation sociale, pour calmer la colère de la population, arrêter les manifestations et donner de l’air au gouvernement.
Après les journées réussies du 10 et 18 septembre, Sophie Binet, leader de la CGT avait déclaré : « nous on ne veut pas la chute de ce gouvernement ». De cette manière, les centrales syndicales ont tout fait pour enlever de la mobilisation les mots d’ordres politiques et démocratiques qui ont fait converger les travailleur·euses dans la rue. A l’aspiration sociale de tout bloquer et de dégager Macron, les centrales syndicales ont répondu par la défense du gouvernement et des journées isolées de mobilisation sans lendemain. Si Macron arrive encore à tenir (avec beaucoup de difficultés), c’est en grande partie grâce à la démobilisation et à la politique de dialogue permanent des directions syndicales, qui ont été les garants de sa continuité au pouvoir.
De leur côté, les partis de la « gauche institutionnelle » viennent compléter le panorama avec des négociations qui vont jusqu’à la tentative d’intégrer le gouvernement pour sauver Macron et son régime. Le Parti Socialiste, Les Écologistes et le PCF, composant du NFP, ont fait partie de la table de négociations avec Lecornu, au lieu d’impulser la mobilisation que ce front « populaire » prétend incarner. Pour sa part, La France Insoumise essaie de maintenir une distance avec Macron, mais d’un point de vue purement institutionnel, totalement enfermé dans la logique électorale, avec les municipales et les présidentielles en tête, sans perspective de mobilisation sociale.
Une irruption de la classe ouvrière peut arrêter ce cirque pour construire une autre société
Pendant que tous les politiciens de la bourgeoisie jouent à pactiser avec Macron ou à se positionner comme l’alternative électorale dans la continuité du même système, une irruption de la classe ouvrière pourrait faire basculer vraiment les choses. Parce que les travailleur·euses ne sont pas condamnés à rester spectateur·rices de la comédie française que Macron et compagnie mettent en scène pour décider à notre place de nos vies. Il est nécessaire de faire irruption dans la situation de crise politique : la classe ouvrière a son rôle à jouer dans la séquence d’instabilité politique.
Nous sommes pour placer au centre des nos revendications la demande fondamentale du mouvement du 10 septembre : bloquons tout jusqu’à la démission de Macron. Dégageons ce président et tout son gouvernement d’incapables d’ouvrir la possibilité d’un changement profond de la société ! Nous sommes pour la fin de la Vème République autoritaire et la construction d’une Assemblée générale constituante par en bas, permettant la mise en place des revendications démocratiques, pour l’abrogation de la réforme des retraites, l’augmentation générale des salaires, la fin de la complicité avec le génocide en Palestine.
Il est temps d’en finir une fois pour toutes avec la Macronie et de lutter pour une société débarrassée de l’exploitation des capitalistes. Pour ce faire, nous avons besoin de construire une alternative révolutionnaire, qui puisse allier la combativité de notre classe sociale avec un programme de renversement profond de la société.
Pour contribuer à la tâche de la reconstruction d’une gauche révolutionnaire en France et à l’international, Socialisme ou Barbarie organisera sa Conférence Anticapitaliste Internationale, le samedi 15 novembre à 18h30 au Maltais rouge à Paris. Regroupons nos forces pour en finir avec ce pouvoir illégitime. Pour dégager Macron et les capitalistes, passons de la révolte à la révolution !