Une politique pour la nouvelle classe ouvrière

Renato Assad et Ramiro Manini interviendront à la Conférence Anticapitaliste Internationale sur la stratégie politique pour les travailleur·euses des plateformes.

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Nouvelle classe ouvrière

Parmi les intervenant·es de la Conférence Anticapitaliste Internationale de Socialisme ou Barbarie, seront présents Renato Assad de SoB Brésil et Ramiro Manini du Nuevo MAS d’Argentine. Ces deux camarades interviennent politiquement auprès des travailleur·euses des plateformes dans le collectif Entregadores pela base au Brésil et dans le syndicat SiTraRepa en Argentine.

Pour notre courant international, l’intervention auprès de cette « nouvelle classe ouvrière » est une nécessité stratégique imposée par l’actualité. Il s’agit de la principale intervention que mènent nos camarades à Los Angeles, au cœur de la recomposition syndicale étasunienne. C’est à Los Angeles que se tiendra pour une deuxième fois le Congrès International des travailleur·euses des plateformes en 2026.

Les travailleur·euses uberisé·es sont la fraction la plus connue de la nouvelle classe ouvrière, mais elle est un ensemble plus large lui-même au sein de cette classe. Son développement est une des conséquences des mutations du capitalisme au tournant du 21e siècle : la place croissante des technologies de l’information et de la communication dans le développement économique et productif.

 

Un capitalisme en crise et en mutation

Toutes et tous partout dans le monde, nous sommes touché·es par l’inflation, la stagnation des salaires et la destruction des services publics. Le droit du travail est attaqué pour la flexibilité et la compétitivité. Ces offensives sont des solutions mises en place par les capitalistes pour sortir de la crise financière déclenchée en 2008.

Pour bien comprendre l’impact de cette crise, il faut d’abord voir comment s’est réorganisée la classe bourgeoise à la fin du siècle dernier. Dès 1900, les économistes marxistes ont caractérisé une croissance du rôle de la finance au sein du capitalisme. Lors de la crise pétrolière de 1973, la bourgeoisie financière a pris le dessus sur la bourgeoisie industrielle. S’ensuit une mise à jour du système capitaliste portée par la droite néolibérale.

L’époque des concessions à la classe ouvrière pour relancer la production après la Seconde Guerre Mondiale est terminée. L’intérêt n’est plus celui des industriels qui produisent toujours plus pour plus profit ; mais celui des actionnaires qui attendent que l’argent qu’ils investissent génère plus d’argent. L’augmentation du profit n’est plus seulement le résultat de l’augmentation de la production.

De nouveaux marchés apparaissent par l’ouverture du capital des grandes entreprises publiques des transports, de la santé et des communications. L’emploi devient flexible, les marchés sont dé-régularisés pour la compétitivité. Le capitalisme financier a pris dans les années 1980-90 la voie des délocalisations de l’industrie vers les pays du Sud global et un développement des activités de service dans le Nord impérialiste.

La maturité des technologies de l’information et de la communication dans les années 2010 a permis la création du travail par plateforme. D’abord avec les chauffeur·euses Uber puis les livreurs de repas, les livraisons de courses, les aides à domicile et plusieurs autres secteurs.

Le travail à la tâche sur plateforme est un nouveau moyen de tirer toujours plus de profit de l’exploitation des travailleur·euses. La tâche de création du profit tombe sur les épaules de notre classe alors que nous n’avons qu’à perdre en l’accomplissant. Ce type de travail est permis par la « simplification » du Code du travail ou sa faible existence selon les pays, et un flou législatif sur la relation salarié-employeur. Qualifié de salariat déguisé, cette formule a le défaut d’assimiler le travail par plateforme a une stabilité incarnée par le salariat. L’uberisation sépare le travail de l’emploi.

L’économie du travail à la demande est la dernière manifestation du capitalisme néolibéral. Elle transforme toujours plus de secteurs du prolétariat en précariat, monte les travailleur·euses les uns contre les autres, les sépare et les isole spatialement. Elle crée un climat destructeur pour le développement de la conscience de classe. La précarisation dépasse la simple uberisation, comme les recours croissants à l’intérim et à la sous-traitance. Cette multiplication des acteurs sur la chaîne de production est une bataille pour les plus petits profits que l’on peut tirer d’une seule activité.

 

La restructuration ouvrière : un rebondissement dans le bon sens

Les possibilités d’intervention de ces travailleur·euses dans les luttes et grèves actuelles sont existantes. La revendication salariale est universelle, elle peut unir des secteurs très différents autour d’un même intérêt de classe : travailleur·euses des plateformes, salarié·es du privé, du public et étudiant·es.

La situation spécifique de la nouvelle classe ouvrière doit aussi être prise en compte pour les prochaines luttes. Cette situation n’a pas été considérée dans les dernières batailles pour les droits sociaux type retraites et sécurité sociale. En France où elle est constituée par une part importante de travailleur·euses migrant·es, la question de la retraite à 64 ans et des annuités importe peu pour celles et ceux arrivés tardivement dans le pays, qui n’ont pas assez d’annuités pour partir en retraite même au-delà de 70 ans.

Comme pour les travailleur·euses sans papiers et l’accès au soin, les revendications spécifiques de ce secteur doivent devenir l’intérêt général de l’ensemble de la classe. Départ à la retraite à 60 ans sans conditions d’annuités, remboursement des soins à 100 % pour toustes, CDIsation des intérimaires dans les luttes contre les licenciements et régularisation de tous les sans-papiers.

Aux États-Unis, la restructuration ouvrière et l’essor du syndicalisme est une conséquence de la crise des alternatives politiques. La classe ouvrière n’est pas représentée par les partis Démocrate et Républicain malgré les façades hypocrites. Le constat y est le même que dans les pays où la gauche a une présence institutionnelle, elle ne cherche qu’à réparer le système que les travailleur·euses tentent de détruire.

« Pendant des décennies, les travailleurs ont fait une plus petite part des profits du capitalisme, et les syndicats qui les représentaient ont perdu l’appartenance et l’influence. Maintenant, les employés retrouvent leur voix collective. » C’est ainsi qu’un analyste a résumé le processus de relance.

 

Une intervention politique pour et avec la nouvelle classe ouvrière

C’est dans ce contexte international que ce sont créé Entregadores pela base et le SiTraRepa, et que s’est tenu le premier Congrès des travailleur·euses de plateformes en 2023, qui a réuni pour une semaine de débat et d’actions 80 représentant·es de 17 pays d’Europe, des Amériques et d’Asie.

La déclaration de fin du congrès commence par « nous sommes des travailleurs, pas des auto-entrepreneurs, nos intérêts et ceux de l’entreprise sont opposés ». Le cadre ne s’est pas limité aux questions de tarifs et de kilométrage, mais a permis de porter un syndicalisme politique et anticapitaliste qui met en avant la relation de travail et d’exploitation. L’absence de cadre d’organisation au sein des syndicats traditionnels a pu se transformer d’un manque en opportunité de construction d’un militantisme anticapitaliste.

La volatilité de l’économie du travail des plateformes en fait un pur produit du capitalisme de surveillance du 21e siècle. Les entreprises de la tech ont pu se développer grâce à des quantités phénoménales de données. Le pistage constant de nos vies privées permet de très rapidement se réadapter avec une main d’œuvre soumise. Aujourd’hui, ces entreprises se nourrissent de données sur leurs travailleur·euses, leurs client·es et les tendances du marché. Alors que déjà instable à la journée, la rémunération des travailleur·euses Uber décidée par les algorithmes pourrait fluctuer sur une temporalité plus courte du niveau de l’heure et selon le livreur ou la livreuse. La machine sert à extraire toujours plus de valeur d’une même quantité de travail effectuée par l’ouvrier·e.

« Comprendre et assimiler la complexité de la nouvelle morphologie ouvrière et la centralité que les travailleur·euses ont comme plate-forme dans la lutte de classe est un devoir central des marxistes révolutionnaires dans la guerre stratégique pour la fin de toute exploitation et oppression, pour le renversement du capitalisme !  » – Renato Assad

Ramiro Manini et Renato Assad seront présents à la Conférence Anticapitaliste Internationale de Socialisme ou Barbarie à Paris pour approfondir sur les luttes des travailleur.euses de plateformes contre la précarité du travail. Une intervention politique auprès de la nouvelle classe ouvrière en recomposition est une nécessité pour le mouvement ouvrier qui fait face à un capitalisme en constante évolution. Pour construire une perspective anticapitaliste internationale vivante capable de tirer des leçons des expériences de la classe ouvrière du siècle dernier comme d’aujourd’hui.

Conférence Anticapitaliste Internationale / Samedi 15 Novembre – 18h30 / Le Maltais rouge – Paris 11e

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