Roberto Sáenz à la Conférence Anticapitaliste Internationale : « Notre pari est stratégique »

Intervention de Roberto Saenz, fondateur et dirigeant du courant international Socialisme ou Barbarie, lors de la Conférence Anticapitaliste Internationale qui s'est tenue le 15 novembre à Paris.

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Bonjour à tous et à toutes,

Je suis fier et heureux de cette réunion, toutes les interventions étaient magnifiques.

Je vais essayer de faire une réflexion plus approfondie. Vous avez tous été très enthousiastes, je le suis aussi. Mais il faut comprendre le contexte dans lequel nous organisons cette réunion de pré-fondation de la nouvelle organisation Socialisme ou Barbarie France. Je voudrais transmettre quelques remarques supplémentaires sur le contexte international dans lequel nous militons et luttons.
Il faut passer du plus objectif au plus subjectif pour comprendre la situation.

La première remarque est que le capitalisme connaît trop de crises à la fois. Nous vivons une période particulière qui, d’une certaine manière, tend à dépasser la classe capitaliste elle-même dans sa gestion du monde. Le système-monde capitaliste est marqué par 5 crises, dont la simultanéité impose une situation de relative perte de contrôle, car elles sont très difficiles à gérer.

La temporalité des crises est différente, mais le contraste entre le monde capitaliste ordonné des années 90 et le capitalisme incontrôlé d’aujourd’hui est très marqué.

Les crises qui se superposent sont les suivantes :

La crise écologique. Vous pouvez la nier ou la reconnaître, mais il y a un débordement de la relation métabolique de l’humanité avec la nature, que le capitalisme ne parvient pas à maîtriser. Il y a des inondations, la fonte des pôles, le réchauffement climatique. Et la gestion capitaliste du monde alterne entre impuissance et déni. La COP30 en est l’exemple : débordée, puis face à un constat d’impuissance, pour replonger dans le déni. Le résultat est un grave et dangereux dérèglement écologique. La nature cosmique n’est pas contrôlable par les êtres humains de manière générale, mais le dérèglement écologique n’est pas le même aujourd’hui qu’il y a quelques décennies.

Les gens sont déjà touché·es par le changement climatique, en plus de problèmes tels que les salaires et le chômage. Et il existe une frange irresponsable de la classe capitaliste qui veut carrément nier l’existence de cette crise. Et celleux qui la reconnaissent ne peuvent rien y faire.

Vient ensuite le dérèglement de la crise économique. Il comporte deux aspects. D’une part, une certaine stagnation économique, qui multiplie la concurrence entre les entreprises et entre les États. Mais c’est aussi un élément de déstabilisation sociale, car il rend le capitalisme très agressif. Le système ne parvient pas à retrouver son élan vital à l’échelle mondiale. C’est un facteur de crise permanente entre les États et avec le monde social.

Il y a une autre crise : la question de savoir qui domine la planète. Jusqu’à récemment, le monde était organisé autour de l’hégémonie des États-Unis. Après la guerre froide, les États-Unis ont dominé le monde. C’était la marque des années 90. Mais aujourd’hui, il y a une crise de la domination internationale du capitalisme mondial. En France, vous avez la crise du gouvernement Macron et, au niveau mondial, celle de Trump, Xi, Poutine : c’est une crise de la gouvernance mondiale.

Tout cela donne un élan aux guerres, à la remilitarisation et à la concurrence des rapports de force non résolus entre les États.

Enfin, il y a la crise des centres politiques, qui est la crise de la démocratie bourgeoise traditionnelle. Les forces politiques traditionnelles gouvernent dans la stabilité. Mais aujourd’hui, il y a une instabilité, un mouvement pendulaire. Il n’y a pas de stabilité parce que le monde social, écologique et géopolitique est en état de choc. Les formations du centre sont donc sur la défensive. Il y a donc l’extrême droite qui est réactionnaire, mais il y a aussi une réponse de la gauche.

Il y a un autre élément très important : c’est un changement profond dans le monde social, avec l’émergence d’une nouvelle classe ouvrière et d’une jeunesse cosmopolite, migrante, multiraciale, diversifiée et féministe. Le monde social est très transformé, et il est magnifique, même s’il est aussi très précaire.
Ce monde social se heurte au conservatisme et suscite des mouvements réactionnaires en réponse. Il y a un choc entre la modernisation des relations humaines et les vestiges de l’ancienne société. Il y a un choc entre l’universalité des nouvelles générations et les particularismes qui persistent. L’universalité est une force révolutionnaire et le particularisme est une force réactionnaire. Leur choc peut ouvrir la voie à des tendances révolutionnaires.

Ces éléments de capitalisme déséquilibré, ce choc entre l’universalité et le conservatisme, ouvrent le débat sur la conjoncture. La situation politique internationale est réactionnaire. Dans ce mouvement pendulaire, aujourd’hui, le mouvement est principalement orienté vers la droite. La réaction trumpiste, miléniste (de Milei), lepéniste est une provocation et ouvre la possibilité de réponses.

Il existe des phénomènes sociaux et politiques vers la gauche, des mouvements de lutte, mais aussi des mouvements politiques et électoraux. Mamdani à New York est réformiste, mais il est confronté à un défi : il prendra ses fonctions le 1er janvier et est soutenu par un mouvement social qui a de nombreuses attentes. Et nous sommes toustes attentif·ves à ce qu’il fera si Trump l’envoie à l’ICE. The Economist est plus préoccupé par Trump que par Mamdani. Parce qu’iels s’inquiètent des provocations possibles. Iels s’inquiètent d’une réponse populaire au trumpisme.
Et si iels s’inquiètent, c’est parce qu’il n’y a pas de défaite. S’il y avait une défaite, il n’y aurait aucune possibilité de réaction. C’est pourquoi, pour nous, les gouvernements d’extrême droite sont réactionnaires mais pas fascistes. Le fascisme implique une fermeture très profonde aux possibilités de le combattre : mais les rapports de force sont ouverts. Les réformes proposées par Mamdani sont minimes : la principale préoccupation de la bourgeoisie est que les provocations de Trump puissent déclencher un mouvement social de réponse.

Le grand problème, c’est la déstabilisation du capitalisme mondial, la réaction de l’extrême droite et l’impuissance apaisante du réformisme.
La préoccupation de la classe dominante reste que les provocations entraînent une nouvelle vague de radicalisation. Ce qui manque encore, et le pari que nous faisons depuis Socialisme ou Barbarie, au fur et à mesure que cela se développe, c’est d’être, et de faire en sorte qu’il y ait une nouvelle vague de radicalisation politique.

Ici, en France, vous connaissez 1793, 1848, 1871, la grève de 1936, la résistance à la France de Vichy, la mobilisation contre la guerre d’Algérie, mai 68. La question est de savoir quand aura lieu le prochain soulèvement révolutionnaire, qui s’inscrit dans la logique même de la lutte des classes d’aujourd’hui. Comme un sous-produit des conditions générales horribles auxquelles nous soumet le capitalisme.

Notre pari est stratégique. Il n’est pas opportuniste. Il ne s’agit pas d’obtenir un petit poste. Notre pari est de construire une gauche révolutionnaire militante au XXIe siècle, qui fasse un travail de base, qui exprime les besoins des travailleurs et des travailleuses, du féminisme et des diversités, qui, pour s’adresser au grand public, s’adresse d’abord aux exploité·es et aux opprimé·es. Qui donne la parole aux migrant·es. Qui retrouve la perspective révolutionnaire, transformatrice, militante. Ce ne sont pas que des mots. Ce sont des liens réels avec les masses. Et pour cela, il est nécessaire de tirer les conclusions stratégiques du siècle dernier, des premières expériences anticapitalistes et du stalinisme antisocialiste. Et aussi du réformisme social-démocrate. C’est quelque chose de très important dans le monde, en particulier en France. Car il existe ici une tradition socialiste, communiste, de gauche énorme, mais confuse car elle n’a pas tiré les leçons de ce qui s’est passé au XXe siècle.

Au début de notre siècle, nous devons relancer la perspective du socialisme révolutionnaire sur la base de l’expérience acquise, d’une critique indépendante de la bureaucratisation de la révolution, du stalinisme. En construisant des organisations militantes, des partis qui reprennent un simple mot d’ordre : que l’émancipation des travailleurs et des travailleuses ne peut être que l’œuvre des travailleur·euses, des exploité·es et des opprimé·es. C’est avec ces drapeaux que nous voulons fonder une nouvelle organisation en France.

Merci beaucoup.

ViaTraduit de l'Espagnol

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