Désastre Parcoursup : une « déception » de plus depuis sa mise en place

Les lycéens, après avoir subit le contre-coup des mesures du Covid, subissent aujourd’hui le stress de la sélection Parcoursup.

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L’article du journal Le Monde annonce dès le départ : « la phase des résultats sur la plate-forme d’accès à l’enseignement supérieur est un ascenseur émotionnel pour lequel les jeunes sont inégalement préparés », selon un doctorant en sociologie, Alban Mizzi, dont la thèse porte sur Parcoursup. Une énième preuve que le tri social s’opère à l’université au détriment des classes populaires.

 

Les lycéens de la « génération Covid » dénoncent le stress de Parcoursup

Après avoir subit la majeure partie du lycée à distance du fait de la crise du Covid, les aspirants étudiants ont connu cette année le processus labyrinthique de Parcoursup et ont d’autant plus de raisons d’être inquiets pour leur avenir à l’issue des premiers résultats, ce dont se fiche de toute évidence le nouveau gouvernement.

Depuis le 2 juin les résultats de la plateforme sont disponibles pour les lycéens. Mis en place en 2018, Parcoursup avait été dénoncé dès le départ par un large mouvement de mobilisations dans les universités et les lycées sur l’ensemble du territoire, marquées par des occupations impressionnantes et par une répression policière brutale. Depuis, les faits ont confirmé année après année la méfiance initiale en répétant le même scénario de stress durant les phases de sélection, avec le lot d’exclus d’office de l’enseignement supérieur, faute d’obtenir des affectations.

Un article de Libération, paru en 2021, dénonçait déjà la manipulation dans les chiffres du ministère de l’Enseignement Supérieur, qui estimait alors à 239 les bacheliers sans affectation à l’issue du processus Parcoursup. En réalité, 30 000 bacheliers avaient, cette année-là, déjà quitté la plateforme au mois juillet et n’avaient pas été comptabilisés dans les résultats. A l’issue de la première phase de sélection c’était 46 % qui n’avaient alors pas reçu de proposition d’admission.

D’après un autre article de Libération plus récent, datant du 2 juin 2022, « un jeune inscrit sur deux n’aura pas reçu de proposition d’affectation », ce qui concrètement constitue la 3ème année consécutive avec des taux similaires.

Selon le sociologue interviewé par Le Monde, un aspect non négligeable est l’attente des résultats qui « crée du stress » et le « travail énorme fait en amont pour remplir les dossiers ». Alors que les résultats ne sont pas encore définitivement tombés, ce travail préparatoire sollicitant ne garantit toujours pas l’obtention d’une place, même pour ceux qui ont des bonnes notes. Plus loin, Alban Mizzi énonce : « quand on est 1 300e sur une licence qui n’a que 300 places, il y a de quoi se décourager sur sa valeur, même si, à la fin, il est tout à fait probable que l’on soit admis. Aussi, quand on a deux formations dans lesquelles on est accepté, on a peu de temps pour en refuser une : cela crée des dilemmes auxquels il n’est pas évident de se préparer. »

Ce stress est notamment la conséquence du tri arbitraire qu’opère la plateforme sur les dossiers, entre rédactions multiples de lettres de motivation, sélection sur des critères sociaux tels que l’établissement d’origine et le lieu de résidence, valorisation des activités extra-scolaires… Les premiers éjectés sont par conséquent les lycéens issus des milieux précaires, des quartiers populaires et des formations professionnelles. Or, selon les données mêmes du ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche qui datent de l’année 2019/2020, la part d’enfants d’ouvriers représente ainsi 12 % des étudiants inscrits à l’université contre 34 % pour les enfants de cadres supérieurs. En master ils représentent 9 % et, en doctorat, 6 %, ce qui est plus de 3 fois moins que la part des ouvriers actifs dans la population, qui représente 21 %.

Dans un article de l’Observatoire des inégalités, la démonstration du tri social est détaillée par les chiffres. En conclusion l’article énonce : « en somme, l’enseignement supérieur français présente trois visages. Un enseignement court, technique et doté de moyens (les BTS et les IUT), pour partie accessible aux milieux populaires et qui constitue une voie de promotion sociale. Ensuite, un enseignement universitaire généraliste, faiblement doté, où les enfants de milieux modestes sont présents, mais au premier cycle principalement et dans certaines filières souvent dévalorisées. […] Enfin, des classes préparatoires et des grandes écoles hyper sélectives, très richement dotées mais qui n’intègrent les jeunes de milieux modestes qu’au compte-gouttes. ». C’est sans compter le renforcement de ces logiquement avec les prochaines réformes anti-sociales annoncées par le gouvernement, et dont fait partie la hausse des frais d’inscription à l’université pour tous les étudiants.

 

Sélection puis privatisation : la recette du gouvernement pour générer du profit

La mise en place de Parcoursup n’a en rien consisté à résorber ces écarts, bien au contraire. On peut, en revanche, constater le développement accéléré des écoles privées aux prix exorbitants, qui fournissent l’illusion d’un avenir professionnel au prix d’un endettement conséquent auprès des banques. En parallèle, l’annonce du président Macron concernant la privatisation des universités en cas de réélection a désormais toutes les chances de se concrétiser dans les 5 prochaines années. Et, pour preuve, on peut constater la nomination de la nouvelle ministre de l’Education, Sylvie Retailleau, ex-présidente de l’université Paris-Saclay, pionnière de la réforme Parcoursup, défenseuse sans limites de la mise en concurrence des universités et du tri sélectif des étudiants selon la stratégie de la « marque », une logique qu’elle a expérimenté dans son établissement à grands coups de restructurations brutales qui ont conduit à des conditions de travail dégradées pour les personnels.

L’idée est claire : à l’heure où le nombre croissant d’étudiants exigerait la création de nouvelles structures et de postes, aucun investissement n’est fait mais la logique un tri de plus en plus sélectif, pour aboutir à la rentabilisation maximale de l’éducation, est mis en place. Pour les capitalistes chaque minute de notre vie doit être générateur de profits. Et le tri s’opère au plus tôt, comme le conclue Alan Marri pour le Monde : des choix sur a plateforme Parcousup « peuvent découler beaucoup d’autres : décider d’une voie ou d’un futur métier, renoncer à une autre aspiration, trouver un logement, changer de ville… le tout à 17 ou 18 ans. », et ce alors que ce tri est surtout conditionné, en amont, par le milieu social dans lequel les élèves évoluent.

C’est dans ce contexte qu’est née la lutte des étudiants sans-facs de l’université de Nanterre, à laquelle participent le syndicat Unef-Tacle et le NPA. Depuis 7 mois les étudiants rejetés de la plateforme de sélection se battent pour obtenir l’inscription de quelques dossiers, qui ne représentent qu’une petite poignée d’étudiants au vu des capacités d’accueil de l’université. Après des mois d’occupation éreintants dans les locaux de la présidence pour exiger leur inscription, le refus d’accepter leur intégration, alors qu’ils sont pourtant plus que motivés à s’inscrire à l’université, montre la ténacité avec laquelle la sélection s’applique.

Dans cette continuité il est nécessaire de soutenir tous les laissés pour comptes des réformes de sélection sociale qui s’opèrent dans l’éducation, depuis les étudiants étrangers qui bataillent chaque année et qui ont de plus en plus de mal à s’inscrire, aux enseignants et personnels dont la précarisation des postes et la dégradation des conditions de travail va de pair avec le projet néo-libéral pour les universités.

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