
Zyed, Bouna, Théo et Adama : on oublie pas, on pardonne pas
La mort de Zyed Benna et Bouna Traoré en 2005 est un traumatisme collectif de la brutalité policière. Trois jeunes se pressent à la sortie d’un match de foot pour rentrer chez eux pour la rupture du jeûne du Ramadan. Ils sont poursuivis par la brigade anticriminalité (BAC) alors qu’ils craignent le contrôle d’identité et la détention au commissariat, leurs papiers étant restés à la maison.
Les policiers les traquent comme des chiens dans une chasse à courre, les obligeant à se rabattre sur une zone dangereuse. Sur un enregistrement de l’enquête on entend un des policiers pendant la poursuite : « S’ils rentrent sur le site EDF, je ne donne pas cher de leur peau ». Les trois jeunes se réfugient effectivement dans un poste source électrique et deux meurent électrocutés, le troisième Muhittin Altun est grièvement blessé par un arc électrique. Le juge relaxera pourtant les policiers dans le procès, dix ans plus tard, alors qu’ils étaient entendus pour « non-assistance à personne en danger ».
Une colère qui couvait éclate
Le lendemain du drame, un certain Sarkozy, ministre de l’intérieur, et De Villepin, Premier ministre, tentent de salir Zyed et Bouna en les traitant de voleurs dans les médias. Il sera démontré que les jeunes n’avaient pas commis de délit. Sarkozy et De Villepin ont cherché à atténuer le rôle de la police dans la mort des adolescents avec les méthodes habituelles de dénigrement des victimes, comme c’est le cas à chaque « bavure » policière.
La mort de Zyed et Bouna à Clichy-sous-Bois en 2005 déclenche un vent de colère sur l’ensemble des banlieues de l’Hexagone. L’exaspération de la jeunesse des quartiers est totale et des révoltes éclatent non seulement à Clichy-sous-Bois et Montfermeil mais aussi dans les banlieues d’Ile-de-France, à Rouen, Lyon, Nantes, Rennes, Soissons, Lille, Toulouse, Strasbourg et Bordeaux ou encore Besançon par exemple. Les jeunes s’en prennent à des lieux représentants l’Etat dans les quartiers et environ 10 000 voitures auraient été incendiées.
La recette traditionnelle de la répression à la française : racisme, islamophobie et stigmatisation des banlieues
Trois jours après avoir provoqué le drame de Clichy-sous-Bois, la police, sans chercher à apaiser la situation, projette une grenade lacrymogène à l’entrée de la mosquée Bilal pendant le Ramadan. Les politiciens et pouvoir et leur police ne font alors que jeter de l’essence sur le feu. De Villepin essaye de mettre la jeunesse au pas en déclarant le 8 novembre « l’état d’urgence» et souhaitait même envoyer l’armée sur place. Cette loi n’avait pas été utilisée depuis 1955 et provenait de la guerre d’Algérie. Les préfets peuvent alors instaurer des couvre-feux pour interdire les rassemblements dans certains quartiers, une mesure qui rappelle elle aussi l’acharnement du gouvernement français contre les luttes pour la libération de l’Algérie.
La réponse de la police à son propre crime s’inscrit dans un climat de banalisation du racisme politique en France. 2005 fut une cuvée particulièrement fournie en déclarations racistes pour l’UMP (ancien nom de Les Républicains). Déjà le 20 juin 2005, Sarkozy alors ministre de l’Intérieur provoque les habitant·es de la Courneuve en déclarant vouloir « nettoyer la cité au Kärcher ». La Cité des 4000 était endeuillée par la mort d’un enfant tué par balle lors d’une rixe. Le 25 octobre à Argenteuil, Sarkozy persiste dans sa lancée et interpelle une habitante : « Vous en avez assez de cette bande de racailles, hein ? Eh bien, on va vous en débarrasser ». Deux jours plus tard, Zyed et Bouna sont tués sous la pression de la police et les banlieues se révoltent.
La police se déchaîne dans la répression de ces soulèvements, au point que la Justice bourgeoise se voit contrainte de condamner deux policiers pour « violence illégitime » alors qu’ils sont filmés en train de passer à tabac un jeune interpellé à la Courneuve, avec six de leurs collègues. 1 328 personnes ayant participées aux révoltes seront écrouées, 6 056 interpellées, et trois personnes perdent la vie dans leur quartier pendant les événements.
Inflation répressive depuis 20 ans
La réponse du ministre de l’intérieur, futur président, ne fut non pas demander des moyens pour les quartiers populaires, mais de renforcer la militarisation de la police avec 450 flash-balls, 7 000 grenades lacrymogènes, des grenades explosives, et 5 000 casques antiémeute supplémentaires.
Encore aujourd’hui nous subissons dans les manifestations et les quartiers cette inflation répressive. Chirac, alors président, en avait profité pour lancer son « service civil volontaire » afin de faire bosser gratuitement cette jeunesse désœuvrée, et que Sarkozy se ferait une joie d’instaurer lors de son mandat.
Ces vingt dernières années, le nombre de décès provoqués directement ou indirectement par les forces de l’ordre a plus que doublé (recensement mené par le média indépendant Basta!). L’ONU a, dans trois rapports, conclu que la France est le pays européen « ayant le grand nombre de personnes tuées ou blessées par des agents de la force publique ».
Basta! indique dans son enquête qu’«Entre 2005 et 2025, au moins 562 personnes sont décédées au cours d’une mission des forces de l’ordre, quelle que soit sa légitimité, son intentionnalité ou sa légalité (hors opérations antiterroristes […])»

George Floyd, Cédric Chouviat, Nahel Merzouk etc. : des crimes policiers en direct
Les violences de la police sur les jeunes et travailleur·euses des banlieues, loin de s’arrêter après ce séisme de Clichy-sous-Bois comme le prouve l’étude précédente, se sont poursuivis depuis 2005 avec des meurtres, parfois filmés en direct par des témoins comme celui de Nahel Merzouk, âgé de 17 ans (voir article Justice pour Nahel. Stop aux meurtres racistes de la police !). La police ne semble pas s’inquiéter du fait d’être filmée lors de ces méfaits, car dans l’écrasante majorité des cas la justice bourgeoise se charge de leur laver les mains. La liste des meurtres racistes filmés, et ceux dont les preuves ont été détruites, est absolument terrifiante : Adama Traoré, Zineb Redouane, Cédric Chouviat, Alhoussein Camara, Nahel Merzouk et tant d’autres moins médiatisés. La mort de Zyed et Bouna fut commémorée lors d’une manifestation deux jours plus tard à Clichy-sous-Bois.
Aux Etats-Unis, la mort filmée en direct de Georges Floyd a provoqué une onde de choc aux Etats-Unis et partout dans le monde qui a abouti au mouvement Black Lives Matter. Une réponse internationale structurée de la jeunesse et du monde du travail est le meilleur outil pour combattre la violence de la police, qui prend ses racines dans la colonisation.
Contre les violences policières et la chasse aux migrant·es : changeons de système
Nous devons exiger la fin des contrôles d’identité visant à criminaliser les travailleur·euses et jeunes des quartiers populaires. Nous voulons des papiers pour toutes et tous, ou pas de papiers du tout ! Nous voulons ouvrir les frontières et permettre aux travailleur·euses de circuler librement.
Pour éclater les ghettos mis en place par la bourgeoisie, abolir le racisme systémique, les logiques de colonisation et la violence policière, nous ne nécessitons ni l’intervention de l’armée, ni de la police de « proximité » : nous voulons renverser cet État policier !
Afin d’exiger l’égalité des droits, nous appelons avec la Marche des solidarités à la grève le 18 décembre pour la Journée internationale des migrant·e·s. Ce sera une « Journée sans immigré·e·s – si on s’arrête, tout s’arrête ». Cet appel à la grève aux côtés des collectifs de sans-papiers et de mineur·es isolé·es a pour objectifs de s’opposer aux expulsions d’organiser la lutte pour la régularisation et pour l’égalité des droits.
Et pour s’organiser à l’international contre le racisme et la violence d’Etat, pour un monde sans frontières, rejoins la conférence anticapitaliste internationale de Socialisme ou Barbarie le 15 novembre ! Pour y participer, inscris-toi ici.
Sources :
www.bondyblog.fr/opinions/les-18-ans-que-zyed-et-bouna-nont-pas-eu-le-temps-davoir/
fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89meutes_de_2005_dans_les_banlieues_fran%C3%A7aises

