Retour sur la réunion-débat « Construire une Pride de lutte contre les réactionnaires »

Le cycle de réunions-débats de Socialisme ou Barbarie et Las Rojas Paris s’est poursuivi le samedi 14 juin par la discussion « Construire une Pride de lutte contre les réactionnaires ». L’échange a porté sur comment nous organiser pour intervenir dans cette nouvelle étape de la lutte des classes, marquée par les politiques guerrières et transphobes.

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Quelle est l’histoire de la lutte pour les droits LGBTI  (lesbienne, gay, bisexuel-le, transgenre, intersexe) ? Quelles menaces planent sur les LGBTI ? Comment s’organiser, qu’est-ce qu’une intervention révolutionnaire dans le mouvement LGBTI ? La discussion s’est articulée autour de ces trois questions.

 

Les menaces qui planent sur les LGBTI et leur mouvement

Le retour de la morale réactionnaire s’est illustré en France avec la « Manif pour tous » (LMPT) en 2012, rassemblant les réactionnaires bourgeois autour de l’idée que le dernier bastion de la famille allait tomber : le sacro-saint mariage. S’en sont suivies des théorie complotistes et réactionnaires autour du « Lobby gay » qui prolifèrent à travers le monde, agrégeant antisémitisme, homophobie et transphobie.   

Le fait que l’homosexualité et la transidentité serait une décadence de la société occidentale et qu’il faut défendre la famille traditionnelle sert de base programmatique à peu de frais pour Poutine en Russie, Orbán en Hongrie, Erdoğan en Turquie et pour bien d’autres réactionnaires à travers le monde. Cela constitue une régression incroyable en Europe, alors que le Danemark était le premier pays du monde à ouvrir le mariage pour tous en 1989, suivi par beaucoup d’autres chaque année.

Aux Etats-Unis, Trump a annoncé sa volonté de mettre fin à ce qu’il qualifie de « délire transgenre » : refus de renouvellement de passeport, retours en arrière annoncés sur un changement d’état civil déjà effectué, jusqu’à la confiscation de documents d’identités par les autorités américaines. Des femmes trans détenues sont aussi transférées vers des prisons pour hommes.

L’ignoble Pinkwashing d’Israël

Au déclenchement de l’offensive militaire d’Israël à Gaza, nous avons été horrifié·es premièrement par l’ampleur des massacres, mais aussi par la mise en scène de l’extermination du peuple palestinien. Des soldats brandissant le drapeau LGBTI pendant l’invasion de Gaza ont publié des photos sur les réseaux sociaux avec pour message : « Le tout pre­mier dra­peau de la fier­té LGBT his­sé à Gaza »

Cette instrumentalisation du drapeau des luttes LGBTI pour véhiculer l’idée que les Gazaoui·es seraient toustes des réactionnaires islamistes est insupportable. Pourtant, en Israël, le seul droit des gays et des lesbiennes, c’est de pouvoir dépenser leur argent dans les boîtes de nuit de Tel-Aviv. Le mariage homosexuel n’est par exemple pas autorisé en Israël. C’est pourquoi nous accusons Israël de pinkwashing : soit la récupération par des Etats ou des entreprises des luttes LGBTI à des fins publicitaires.

Migrer pour éviter la peine de mort et subir la répression en Europe

Dans de nombreux pays du monde, l’homosexualité et la transidentité sont réprimées par la loi, jusqu’à la peine de mort, mais aussi socialement avec des lynchages ou des viols collectifs. Les LGBTI qui prennent la route de l’exil pour éviter la mort se trouvent confronté·es à de plus en plus de difficultés pour obtenir le droit d’asile en Europe. Les services instructeurs exigent des preuves dégradantes, comme le fait de prouver leur orientation sexuelle par des photos, ou encore de justifier par des documents qu’iels étaient nommément menacé·es de mort, même pour les pays d’origine où la peine capitale est de rigueur. 

Mais certains discours décoloniaux vont pourtant parfois utiliser l’argument fallacieux que l’homosexualité aurait été introduit par les colons dans le Sud global avec pour objectif de déviriliser les hommes pour les dominer. C’est pourquoi il est primordial de structurer notre pensée avec les outils du marxisme. Avec toutes les théories fumeuses et réactionnaires qui circulent, où l’on va entendre que le grand capital est contrôlé par les juifs et les homosexuels par exemple, se former à la critique de l’impérialisme et du capitalisme auprès des révolutionnaires est fondamental pour se garder de désigner des boucs-émissaires. L’étude de l’histoire du mouvement LGBTI nous apprend qu’elle est intimement liée à la lutte des classes.

 

Une histoire des luttes LGBTI dès 1917

Les droits LGBTI ne commencent pas après l’avènement du mouvement LGBTI avec Stonewall mais au moins dès 1917 en Russie. Lors des premières semaines de leur prise du pouvoir, les bolcheviks retirent le délit d’homosexualité du Code pénal, en décembre 191, permettant à des couples homosexuels de s’unir dans la foulée. En 1922, l’interdiction d’occuper des emplois publics pour les homosexuel·les est supprimée. En 1926 les personnes trans peuvent librement faire changer la mention du sexe sur leur passeport.

Les recherches sur les personnes transgenres menées en Russie à partir de 1917  pressentent que le genre n’est pas un système binaire homme-femme mais qu’il représente un spectre mouvement venu d’en bas. Mais Staline s’empresse de mettre fin à tous ces progrès en 1930, prônant la famille « traditionnelle » et incitant les femmes à produire des petits soldats.

Mais si juin est aujourd’hui le mois des marches des fiertés LGBTI, c’est pour commémorer les émeutes de Stonewall en 1969. La confrontation entre militant·es LBGTI avec l’armée et la police a toujours été forte dans tous les pays.

La police aux Etats-Unis dans les années 60 rentre dans les bars souvent tenu par des mafias, embarque les gens et parfois les violent dans les commissariat (lire l’excellent roman Stone Butch Blues de Leslie Feinberg sur le sujet).  Ce soir-là à Greenwich Village, la police menotte une lesbienne butch qui appelle la foule à se révolter. Marsha P. Johnson, une femme trans noire, commence à jeter des briques. Puis c’est l’émeute, 2000 manifestant·es affrontent 400 policiers. A ce moment-là, c’est comme si les LGBTI allaient décider de s’organiser pour gagner leur droit à vivre.

En France, dans les années 70 se forment des collectifs pour les droits des femmes comme le MLAC (Mouvement pour la liberté de l’avortement et de la contraception), et aussi des groupes tels que le FHAR (Front homosexuel d’action révolutionnaire) ou les Gouines rouges. La solidarité de classe amènent les lesbiennes à militer avec les femmes hétérosexuelles pour l’avortement, contre le viol etc. Gisèle Halimi fait reconnaitre la loi pour l’avortement et contre le viol avec plusieurs procès, dont celui des deux jeunes lesbiennes belges violées à Marseille. Plus tard, Krivine, porte-parole de la LCR, sera le premier politicien à venir à une Pride. 

La communauté gay dans les années 80 s’auto-organise pour lutter contre le VIH et démontre la capacité de notre classe à prendre ses affaires en main, contrairement au castes bourgeoise qui réagissent tardivement, condamnant à mort des millions de personnes. 

Malgré cette terrible épidémie qui frappe la communauté gay dès 1981, de jeunes militant·es communistes vont avoir l’idée dans l’Angleterre de Thatcher de lancer une collecte pour la grande grève des mineurs britanniques. Iels fondent « Lesbians and Gays Support the Miners » pour soutenir financièrement les grévistes qui s’opposent à la fermeture de vingt mines de charbon, de mars 1984 à mars 1985. Iels vont récolter 20 000 livres. Le journal tabloïd le Sun utilisa, pour discréditer cette solidarité l’expression « pits and perverts » : les puits de mine et les pervers. LGSM détourne le stigmate en donnant se nom au concert de solidarité organisé à Londres en 84, pendant lequel les mineurs affirment leur soutien au combat des homosexuel·les. En 1985, une importante délégation de mineurs participa à la Pride de Londres. 

 

Notre fierté, c’est de lutter contre le capitalisme

Nos objectifs d’intervention par la lutte LGBTI sont de dénoncer le capitalisme, de nous mobiliser pour nos conditions de vie au-delà de l’agenda de juin. Les capitalistes jouent de nos statuts précaires de jeunes, d’immigré·es, de personnes LGBTI, pour se débarrasser du code du travail par l’ubérisation. Les LGBTI ne galèrent pas seulement à trouver un travail déclaré et correctement rémunéré, mais aussi à accéder à la santé, au logement. Beaucoup de personnes transgenres migrantes sont en situation de prostitutions faute de pouvoir trouver un emploi stable, c’est pourquoi nous voulons l’instauration de quotas d’emplois pour les personnes trans par exemple et une politique inclusive des personnes trans. La lutte des travailleuses et travailleurs sans papiers, demandeuses et demandeurs d’asile, pour leur régularisation fait partie intégrante de nos combats.

Le mot d’ordre de la Marche des fiertés LGBT+ de Paris du samedi 28 juin est : « Contre l’internationale réactionnaire, Queers de tout pays, unissez-vous ! ». Nous souhaitons construire une Pride sans les sionistes et les flics. Le groupe juif gay et lesbien de France, Beit Haverim, n’a rien à faire dans nos espaces de luttes alors qu’un génocide est en cours au nom d’une idéologie colonisatrice. 

L’association FLAG !, qui regroupe des policiers LGBT, n’a pas non plus le droit de cité dans la marche de celles et ceux qui luttent contre l’oppression, dont le bras armé est bien la police, hier comme aujourd’hui. 

La présidente LR d’Ile-de-France, Valérie Pécresse, s’est offusquée de l’affiche choisie pour la Pride et a annoncé que la subvention prévue ne serait pas versée. Tout est prétexte à retirer les subventions pour la lutte contre les LGBTIphobies. Le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, a surenchérit déclarant que l’affiche est « de l’incitation à la violence ».  Le vice-président du RN Sébastien Chenu a lui écrit : « Femme voilée, homme blanc martyrisé et caricaturé en facho, soutien à la Palestine, alors que les homos, bis et trans y sont massacrés… voilà les marqueurs d’extrémistes ». Il est pourtant évident aux yeux de toustes aujourd’hui que le premier à massacrer les LGBTI de Palestine, c’est le gouvernement d’extrême droite d’Israël.

En 2021, le rassemblement de collectifs LGBTI radicaux ont permis d’organiser une Pride sans flics et sans sionistes, dans le contexte de fin de crise du Covid.

En Argentine, la mobilisation des militant·es LGBTI a arraché le mariage égalitaire en 2010, suivi d’une loi d’identité de genre sur laquelle l’extrême droite de Milei n’a pas les moyens de revenir. Un réseau militant très structuré a permis d’obtenir des quotas dans le public pour les personnes trans et a su mobiliser massivement, rendant difficile les reculs. Le collectif féministe Las Rojas a activement milité ces combats. Les LGBTI et leurs soutiens se sont aussi mobilisés hors agenda habituel pour organiser une Pride contre les politiques de Milei cette année. Ces luttes menées en indépendance de classe sont un exemple pour construire des mouvements qui mettent en échec les gouvernements réactionnaires. 

Dans un contexte actuel de crises économiques et de guerres, la jeunesse représente un pôle dynamique qui marque le contrepoids de la tendance globale vers les alternatives d’extrême droite. Les LGBTI sont aussi déjà la cible des Etats qui marchent à la guerre,  les injonctions de Macron à « réarmer démographiquement la France » ou autres déclarations en témoignent. 

Si les extrêmes droites s’inspirent les unes des autres à l’international, notre mouvement porte une solidarité qui dépasse les frontières. Nous devons faire entendre nos slogans révolutionnaires et défendre notre politique d’intervention dans le monde du travail. Parce qu’aujourd’hui encore, des étranger·es homosexuels sont tabassés dans les rues de Paris, des travailleur·euses sont licencié·es par leur patron homophobe ou transphobe, les travailleur·euses trans peinent à trouver du travail. 

Les combats LGBTI sont profondément internationalistes : dans tous les pays du monde, les travailleur·euses LGBTI luttent pour leur survie et créent des réseaux de solidarité. A l’heure où Israël, qui ne donne aucun droit aux LGBTI, instrumentalise nos luttes pour massacrer les Palestinien·nes et les Iranien·nes, confronter le pinkwashing est vital. 

Intervenir dans le mouvement LGBTI et réciproquement, faire rentrer les luttes LGBTI dans nos lieux d’étude ou de travail, c’est aussi lutter contre les LGBTIphobie qui peuvent parfois empoisonner notre propre camp.

Notre fierté, c’est de lutter avec notre classe pour toustes les opprimé·es !

Rejoins le cortège de Las Rojas le 28 juin à Paris, à 13h métro Palais Royal Musée du Louvre.

 

Sources :

Dan Healey, Homosexual Desire in Revolutionary Russia

Inter LGBT  www.marchedesfiertes.org

www.alternatives-economiques.fr/virulente-croisade-transphobe-de-donald-trump/00114342

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