
Ce vendredi 20 mai le nouveau gouvernement Macron était annoncé : 14 ministres ont été reconduits sur les 27 noms qui le composeront sous la direction d’Elisabeth Borne, deuxième femme a être désignée première ministre sous la Vème république. Mais cela ne change rien : l’ultra-libéralisme peut trouver autant de figures opportunes, les réformes anti-sociales, la corruption, la répression et l’impunité restent au rendez-vous.
Une femme désignée première ministre, un espoir progressiste ?
C’était le choix de Macron : désigner une femme à la tête du gouvernement pour donner, entre-autres, l’illusion d’une démarche progressiste tout en satisfaisant les ailes conservatrices de LREM. Elisabeth Borne, deuxième femme a être nommée ministre sous la Vè République, marque l’ambition de la macronie pour le second mandat, qui cherchait déjà, à la fin du premier volet, à se distinguer de figures trop politiques, plus gênantes, comme Edouard Philippe. Macron, qui avait précédemment nommé le technocrate Jean Castex, nomme aujourd’hui son alter-ego féminin, elle-même précédemment ministre des transports, de la transition écologique, puis du travail. La passation s’est d’ailleurs passée dans une ambiance convenue, pleine de gracieux remerciements pour les services de l’ex-ministre, érigé en « bon père » dévoué à l’administration.
Mais Elisabeth Borne, pour les travailleurs, la jeunesse, tout comme ses prédécesseurs, est surtout le synonyme de l’ultralibéralisme dont elle s’est déjà illustré par la privatisation de la SNCF en 2018. La nouvelle première ministre était, alors, ministre des Transports. La réforme de la SNCF, qui a acté d’un pas de plus vers la précarisation des salariés avec la fin du statut de cheminot et l’ouverture à la concurrence, avait suscité un mouvement de mobilisations et de grèves historiques dans les transports qui ont secoué le pays durant plusieurs mois, avec le soutien de nombreux secteurs comme l’éducation.
Rien de progressiste, ni encore moins de féministe, dans ce choix, qui ne reflète en définitivement que le croisement entre le chef de file des ultra-libéraux et une carriériste adaptable aux institutions tant que celles-ci servent son portefeuille. Et en l’occurrence, vu les nombreuses reconduites, tout un système de récompenses a été mis en faveur des plus imbuvables de l’ancienne macronie, ce qui annonce le ton pour les nouveaux arrivants.
Darmanin, Dupont-Moretti, Attal, Le Maire, Riester… Tous unis contre les travailleurs
Entre les reconductions et les nominations, rien de nouveau sous le soleil : LREM garde ses pièces-maîtresses tout en essayant de donner bonne conscience avec, notamment, la nomination de Pap Ndiaye en ministre de l’éducation.
Gérald Darmanin, lui, reste au ministère de l’intérieur, récompensé pour ses bons et loyaux services tels que la Loi Sécurité-Globale et la loi Séparatisme, et toujours protégé malgré les plaintes pour viol et abus de faiblesse. Dans la même veine, Eric Dupont-Moretti, le grand ami des chasseurs aux prises avec la justice pour prise illégale d’intérêts, est reconduit encore à la tête de l’institution en tant que ministre de la justice. Deux reconductions qui sont une déviance ouvertes aux victimes des violences sexistes et sexuelles et en faveur du maintien du système de corruption dans la justice. Quant au ministère du travail, c’est Olivier Dussopt qui en hérite après avoir exercé au ministère des Comptes publics, alors qu’il est poursuivi pour prise illégale d’intérêt et corruption.
Parmi les autres têtes reconduites, que ce soit avec Bruno Le Maire, chantre de l’entreprenariat, nommé au ministère de l’économie, ou Franck Riester, ancien ministre de la culture contre lequel de nombreuses grèves contre la destructuration du service public ont marqué la fonction, envoyé au commerce extérieur, les têtes d’affiches semblent s’être déplacées d’un poste à un autre, symptomatique, s’il fallait encore le démontrer, du partage sans gêne des principales institutions du pouvoir public entre les mains d’une minorité de parvenus dont certains ont de sérieux problèmes avec la justice.
Un profil, décrié par l’extrême-droite, est venu contraster ces nominations : Pap Ndiaye, connu pour ses contributions dans les Black Studies, en rupture avec le conservateur Blanquer et déjà qualifié d’islamogauchiste dangereux par Le Pen. Cette désignation, interprétée par beaucoup comme le résultat de la pression exercée à gauche par Mélenchon, ne doit cependant pas masquer les plans qui se dessinent, comme le montre également la nomination de Sylvie Retailleau au ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche : favoriser les actionnaires et le patronat passera également par des réformes délétères dans l’éducation. Macron l’a déjà annoncé à demi-mot : il s’agit de fournir une main-d’œuvre de plus en plus en jeune et plus rentables dans les secteurs qui ont du mal à recruter, tandis que pour l’enseignement supérieur la privatisation a déjà été amorcée sous le premier mandat.
Réforme des retraites après les législatives et le n’importe-quoi des directions syndicales
Alors que les législatives ne sont pas encore passées, Elisabeth Borne a d’ore et déjà annoncé qu’elle souhaitait repousser l’âge légal de départ à la retraite de 64 à 65 ans. Habituée aux bras de fer sur les contre-réformes qu’elles mène, elle sait déjà, au vu des précédentes grèves qui ont paralysé l’Ile-de-France en 2019, que les discussions s’annoncent épineuses. Un contexte dont semble avoir conscience le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, qui a déjà demandé à la première ministre de construire les bases d’un « dialogue » sur les prochaines réformes.
Or, pour rappel, la complicité des directions syndicales s’était déjà manifestée par le calendrier de grève dite « perlée » lors de la réforme des retraites, qui consistait à faire grève quelques jours prédéterminés dans la semaine, ce qui a notamment laissé l’opportunité aux supérieurs de réorganiser les calendriers en employant de la main-d’œuvre externe dans les transports pour remplacer les grévistes.
Et aujourd’hui la CGT, en « remerciant » Jean-Pierre Mercier et en éjectant la CGT PSA Poissy de la confédération, joue le jeu du patronat qui s’accommode bien que les travailleurs les plus combatifs soient purgés pour leurs « méthodes », à savoir l’auto-organisation des travailleurs face aux réformes d’ampleur qui les menacent la pratique de la grève reconductible. Ce ne sont évidemment pas celles qui plaisent au patronat et aux ministères, mais auxquelles ils faudra réfléchir bientôt au vu de ce qui est annoncé.