Brésil : Lula dépasse Bolsonaro dans les sondages, mais un ballotage est possible et dangereux

Grâce à la politique d’inaction de la bureaucratie de Lula, la tâche centrale de la conjoncture (se mobiliser dans les rues pour vaincre Bolsonaro) reste encore en suspens. Le 7 septembre, jour de l’indépendance du Brésil, Bolsonaro essayera de faire un acte de soutien à ses intentions putschistes. Il est nécessaire de se mobiliser dans les rues contre Bolsonaro et son monde. 

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Paru originalement dans Esquerda Web, le 1 septembre 2022.

 

Selon les derniers sondages, le début de la campagne et le débat présidentiel télévisé n’ont pas été suffisants pour modifier d’une manière significative la course électorale : la polarisation entre Lula (PT) et Bolsonaro (PL) se maintient. Pour cette raison, il y a des indices politiques, sociaux et économiques qui montrent la possibilité d’un second tour. 

Le plus récent sondage publié par Genial/Quaest le 1 septembre, montre le panorama suivant : Lula (44%), Bolsonaro (32%), Ciro (PDT, 8%), Simone Tebet (MDB, 3%), Vera Lúcia (PSTU, 1%) et Felipe D’Avila (Novo, 1%). Même si la perspective d’une amélioration de la situation économique ou d’une intervention d’un candidat pouvait produire des modifications, le sondage n’a pas présenté de grands changements.

De cette manière, Lula devance Bolsonaro de 12 points, mais si on prend en considération les «votes valides» Lula obtiendra le 51% et Bolsonaro le 37%. Ainsi, le candidat du PT pourrait gagner au premier tour, mais il y a d’autres facteurs qui pourraient amener à la réalisation d’un ballotage. L’amélioration de la situation économique, la poussée d’une troisième candidature ou encore la dynamique de mobilisations de rue, pourraient faire évoluer la situation politique. C’est-à-dire, tous les indices nous amènent à dire qu’il y aura un second tour, comme d’habitude au Brésil. 

 

Un débat sans la gauche socialiste

Le débat présidentiel du dimanche 28 août, organisé par des entreprises comme le groupe Bandeirantes, a été marqué par la tension de la polarisation électorale, par la misogynie de Bolsonaro et par l’absence d’une alternative réelle de gauche indépendante. Au-delà du débat en soi, une violente confrontation entre des sympathisants de Lula et des sympathisants de Bolsonaro a eu lieu dans une autre salle. Seulement six candidats ont été invités au débat, plusieurs candidats de gauche ont été écartés de la discussion. 

On pouvait s’attendre à la difficulté de Lula à traiter le sujet de la corruption et de Bolsonaro pour parler de la pandémie. Mais au-delà de cela, le débat a montré très clairement que la troisième voie ne lâchera pas jusqu’à la fin du premier tour, ce qui contribue à la possibilité de réalisation du second tour. Nous avons observé Lula (un candidat qui a fait une alliance de conciliation de classe avec Alckmin) totalement à la défensive par rapport aux attaques contre la corruption de ses gouvernements. Le leader du PT n’a proposé aucune solution concrète aux problématiques des travailleurs et des opprimés, il s’est présenté par contre comme un candidat de confiance pour la classe dominante. 

Jusqu’ici il n’y a rien de nouveau. Mais, même quand Lula a eu l’opportunité d’exprimer une certaine nuance progressive quand Tebe lui a demandé s’il allait former un gouvernement avec parité de genre, il a raté le tire avec une evasive méritocratique en disant qu’il allait choisir son équipe selon les «compétences». 

Malgré la performance honteuse de Lula, Bolsonaro a été le perdant du débat, parce qu’il s’est fait remarquer par sa misogynie explicite. La journaliste Vera Magalhães lui a posé une question sur la vaccination, à laquelle il a répondu avec une attaque misogyne déplorable : «Vous vous couchez en pensant en moi. Vous avez une passion pour moi. Vous faites des accusations mensongères contre moi. Vous êtes la honte du journalisme bresilien.» Ensuite, il a lancé une attaque méprisante contre la candidate Tebet : «Arrêtez avec ce délire, faites de la politique, dites de choses sérieuses. Ne restez pas avec ce petit jeu de mimimi.» 

Ciro Gomes a été considéré comme l’un des meilleurs candidats du débat : il s’est présenté comme un candidat «pacifiste», une alternative à la polarisation, qui s’est attaqué à Lula et à Bolsonaro avec la même vigueur. Il s’agit d’un candidat bourgeois national-développementiste qui se réclame «democratique», mais qui nuit au débat national parce qu’il met Bolsonaro et Lula dans un plan d’égalité. 

Jusqu’à la question de Magalhães, le débat était beaucoup plus favorable à Bolsonaro qu’à Lula. Cependant, à partir de cette question, Tebet (la grande gagnante du débat selon beaucoup d’analystes), une candidate néolibérale issue d’un parti historiquement réactionnaire, prend toute sa place face à la misogynie de Bolsonaro et face à la négative de Lula à la parité de genre. La sénatrice qui pense que «le féminisme n’est ni de gauche, ni de droite» est devenue soudainement la grande défenseure des femmes. Nous rappelons qu’il s’agit d’une femme politique qui avait voté pour l’impeachment contre Dilma Roussef en 2016. 

Tebet est comme Ciro, une candidate de la classe dominante qui ne fait pas la différence entre une candidature de conciliation des classes (Lula-Alckmin) et une candidature néofasciste (Bolsonaro-Braga Neto) qui promet des attaques contre les droits les plus élémentaires de la classe ouvrière. Il n’est pas étrange, car Tebet est issue des secteurs bourgeois, responsables de l’impeachment, les contre-réformes, la prison de Lula et l’élection de Bolsonaro. 

 

Sans mobilisation directe, le danger putschiste augmente 

La croissance de 3 points de Ciro et le rôle d’importance de Tebet lors du débat montrent que certaines fractions de la classe dominante vont insister jusqu’au bout avec la «troisième voie». Cette dynamique confirme la possibilité d’un second tour qui pourrait donner lieu à une situation encore plus polarisée, dans laquelle Bolsonaro renforcerait ses tentatives putschistes. 

Avec le rapport des forces entre les classes qui existe actuellement, le problème réside dans la question suivante : la défaite électorale indiscutable de Bolsonaro dans les urnes (ce qui pourrait éviter une tentative putschiste) dépend de la défaite de Bolsonaro dans les rues. Pour ce faire, il faut répondre aux problématiques de la classe ouvrière (la famine, la pénurie, le chômage, la violence) avec de politiques anticapitalistes. 

Cette perspective va à l’encontre de l’intervention de Lula lors du débat de Globo, le premier débat télévisé de la campagne. Le candidat de la conciliation des classes propose de trouver des solutions en appelant au passé, sans mobiliser la classe ouvrière et les secteurs opprimés pour lutter pour leurs revendications et pour défaire Bolsonaro et ses menaces putschistes. 

Socialisme ou Barbarie et la «Bancada Anticapitalista» insistent sur la nécessité de vaincre Bolsonaro avec la mobilisation en unité d’action de la classe travailleuse et des opprimés, avec un programme pour faire face à leurs besoins. 

Dans cette conjoncture d’incertitudes, il est nécessaire que la gauche socialiste et anticapitaliste, malgré l’existence des plusieurs candidatures, arrive à se mobiliser collectivement pour impulser la mobilisation de rue, en toute indépendance des patrons et des bureaucrates. 

Il est nécessaire d’organiser et d’exiger dans chaque lieu d’étude, de travail et dans chaque quartier que Lula, le PT, la CUT et toutes les directions du mouvement de masses appellent à une journée de lutte dans la rue le 7 septembre, contre la famine, la pénurie, le chômage et le putschisme. 

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