
Syndicats et jeunesse en ordre de bataille
70 000 manifestant.e.s ont battu le pavé à Paris, 10 000 au Havre, 7000 à Bordeaux, 3000 à Rennes, Lyon et Lille, 1000 à Dunkerque, 4000 à Nantes. Les secteurs de mobilisation étaient variés, dans le public comme dans le privé.
Dans les transports, le taux de grévistes oscillait entre 40 à 50% à la SNCF. La RATP bus comptait 60% à 80% de grévistes, moins pour la RATP métro dont la date de la prochaine grève était fixée au 10 novembre. Dans l’aéronautique à Toulouse, des salarié.e.s d’Airbus, Safran, Thales, Daher Logistics et Sabena se sont mis en grève pour une augmentation de 10% des salaires.
Les lycéens et lycéennes des filières professionnelles appelaient à la mobilisation le 18 octobre également pour mettre à bas la contre-réforme du lycée professionnelle voulu par Macron, qui vise à livrer de la main d’œuvre pas chère aux entreprises. Depuis juillet, les lycées pro sont pour la première fois passés à moitié sous tutelle du ministère du Travail, alors que leur ministère historique est logiquement celui de l’Éducation. Macron veut que les élèves mineurs passent encore plus de temps en entreprise qu’au lycée. Les patrons ont tout à y gagner, la qualité de la formation tout à perdre. 60% du personnel des lycées professionnels était aussi en grève en opposition à cette contre-réforme particulièrement choquante.
Les lycées généraux se sont aussi mobilisés et les élèves organisant des blocus ont dû faire face à la brutalité policière, comme au lycée Joliot-Curie de Nanterre ou encore au Lycée Jean Macé de Vitry-sur-Seine. L’ensemble des enseignant.e.s de Jean Macé a voté la grève au lendemain de la garde-à-vue et du passage à tabac de deux élèves mineurs par la police.
La fin justifie les moyens : l’Etat prêt à toutes les violences pour enrayer la révolte
Ces derniers jours ont été marqués par une grande violence d’Etat : le service d’ordre (SO) de la CGT a été attaqué par les CRS pendant la manif du 18 à Paris. La vidéo montre que les camarades ont été salement matraqués alors qu’ils étaient simplement dans leur rôle de guider la manifestation. Six membres du SO ont été blessés, dont un qui a eu une plaie ouverte après avoir été frappé à la tête.
Plus grave encore, un gréviste de Réseau de transport d’électricité (RTE), Mathieu Poli, s’est suicidé le 17 octobre à l’âge de 29 ans alors que la cellule antiterroriste lui avait mis la pression dans le cadre de l’enquête sur la coupure de courant à Angers pendant la grève de juin (vidéo explicative). RTE avait porté plainte contre X contre ses propres agents grévistes. Quatre travailleurs avaient été mis en garde à vue le 4 octobre par la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) pour avoir stoppé momentanément le courant, un acte de revendication classique dans les mouvements sociaux de l’énergie. Mathieu Poli avait été auditionné le 7 septembre, puis avait été en arrêt pendant un mois. La CGT a publié un communiqué précisant le contexte de son suicide : «Il (Mathieu) avait été le premier à être convoqué au commissariat d’Angers le mercredi 7 septembre à la suite d’une action de grève le 2 juin. Comme d’autres collègues convoqués, Mathieu avait très mal vécu cette période de mépris, d’humiliation puis de répression en tout genre. » Pour l’instant nous n’avons pas d’informations sur d’éventuelles suites judiciaires.
La pression autoritaire infligée par l’Etat sur les salarié.e.s qui se préoccupent des bonnes conditions de travail, quand bien même c’est leur métier, trahit sa nervosité sur le contrôle des travailleurs. L’affaire Anthony Smith l’illustre parfaitement. Cet inspecteur du travail syndiqué à la CGT a été relaxé le 20 octobre 2022 après avoir été mis à pied et muté contre son gré en 2020. Il exigeait alors des masques FFP2 et des moyens de protection pour des aides à domicile. Cette demande était absolument nécessaire en pleine épidémie de Covid, mais le gouvernement Macron était alors dans le déni total des risques encourus et ne voulait surtout pas contraindre les employeurs. Suite à cette affaire, le chef de la Direction générale du travail a dû démissionner. Il a servi de fusible pour Élisabeth Borne, alors ministre du travail, qui avait validé les sanctions à l’encontre d’Anthony Smith.
La grève paie plus que les discours de l’Assemblée
Suite à la grève des travailleurs et travailleuses d’EDF dans les centrales nucléaires, qui pour certain.e.s a duré trois semaines, leurs salaires a été revalorisé de 5 à 10%, soit au moins 200€ de plus chaque mois. Les salaires les plus bas seront davantage augmentés. Chez Dassault et dans l’entreprise Transports Breger à Laval, les grévistes ont obtenu une augmentation des salaires respectivement de 7 % et de 5,5% en seulement un jour de grève. Le 17 octobre, 90% des effectifs camions sont restés au garage de ce transporteur routier en Mayenne. Le soir même l’accord a été signé. Les patrons ont besoin des salarié.e.s et pas l’inverse, l’aube de la crise énergétique est là pour rappeler que le rapport de force est dans le camp des travailleurs.
Hier dans la rue, jeudi on continu !
La CGT a lancé deux prochaines journées de grève nationale interprofessionnelle pour l’augmentation des salaires le jeudi 27 octobre et le 10 novembre. Elles seront aussi l’occasion de dénoncer le passage en force par 49.3 par le gouvernement du budget et du financement de la sécurité sociale. Un climat social est en train de se développer. A l’hôpital, des médecins demandent comment faire grève alors qu’ils ne se sont jamais mobilisés de leur vie. Les raffineries de Gonfreville en Seine-Maritime et celle de Feyzin dans le Rhône ont reconduit la grève samedi matin. Pour Gonfreville, la grève se poursuivra jusqu’à l’annonce des résultats de Total Energies pour le troisième semestre, soit le 27 octobre. Cela tombe bien, c’est le jour de la prochaine grève nationale interprofessionnelle. Nous fêterons ça ensemble dans la rue.
Malgré la chaleur anormale en cette saison l’hiver vient, c’est le moment de charbonner pour l’augmentation de nos salaires !
Sources :
Total, un gouvernement bis, Le Monde Diplomatique, août 2018
La grève illimitée e été votée aux urgence du CHU de Nantes, France Info