Source : Izquierda Web
L’événement est organisé par la coordination Alianza Unidos World Action, qui rassemble des organisations de travailleurs de plateformes du monde entier, après avoir été proposé par le syndicat des livreurs SiTraRepA d’Argentine.
Le SiTraRepA a vu le jour en 2020 durant la pandémie, lorsque des livreurs argentins d’entreprises telles que Rappi et PedidosYa ont commencé à déposer une série de plaintes concernant les conditions de travail et d’embauche dans ce secteur, marqué par une grande précarité de l’emploi. Ils ont ainsi mis en place ce qui est aujourd’hui le premier syndicat national de cette nouvelle branche de travail, qui se bat pour être reconnu par le ministère du travail et qui compte déjà 2 000 membres dans tout le pays. En cours de route, les membres du syndicat argentin ont participé à plusieurs reprises au Forum contre l’ubérisation du travail à Bruxelles, peut-être le premier précurseur du Congrès des travailleurs de plateformes.
Un événement « refondateur »
Belén, secrétaire adjointe de SiTraRepA, a déclaré à IzquierdaWeb que le congrès de San Francisco constituera « un événement refondateur » pour les travailleurs du secteur. « Nous parlons d’une nouvelle branche de l’économie qui donne forme à un nouveau secteur de la classe ouvrière », a-t-elle déclaré, en faisant référence au phénomène de la « gig economy ».
Ces dernières années, les plateformes ont attiré l’attention internationale. Non seulement en raison de leur ascension fulgurante pendant la pandémie, mais aussi en raison des formes de contrats précaires dans lesquelles elles maintiennent leurs travailleurs. Des entreprises géantes comme PedidosYa et Rappi en Amérique latine, mais aussi Amazon et Uber au niveau international sont des cas exemplaires de ce nouveau « business model » basé sur la précarité.
Pour la secrétaire adjointe de SiTraRepA, le phénomène des plateformes a apporté « de nouveaux régimes d’exploitation » sur le marché du travail, mais aussi « de nouvelles formes d’organisation et de résistance » de la part des travailleurs du secteur.
Travailleurs du monde, unissez-vous !
Le congrès des travailleurs de plateformes sera le premier événement de ce type et rassemblera des travailleurs de plateformes du monde entier pour partager leurs expériences organisationnelles et syndicales. Ils espèrent ainsi renforcer la lutte pour les droits du travail dans cette nouvelle branche d’activité.
Le Congrès aura pour slogan : « Travailleurs du monde entier, unissez-vous ! Nous sommes des travailleurs, pas des collaborateurs ! Nous voulons des syndicats et les pleins droits du travail ! ».
« C’est l’idée principale », explique Emilse, attachée de presse de SiTraRepA, « de pouvoir partager nos expériences et de construire un plan de lutte internationale contre cette arnaque des sociétés d’applications ».
Des délégations de différents pays du continent américain, tels que les États-Unis, l’Argentine, la Colombie, le Mexique, l’Équateur, le Brésil et le Paraguay, participeront à l’événement. Des représentants des travailleurs des plateformes européennes seront également présents. Il s’agit d’organisations qui travaillent depuis des mois à la mise en place d’une coordination internationale des travailleurs du secteur, et qui luttent pour l’amélioration des conditions de travail et des législations dans leurs pays respectifs.
Parmi les invités au Congrès, certaines des figures les plus importantes du nouveau syndicalisme du XXIe siècle se distinguent. C’est le cas des travailleurs d’Amazon, qui viennent de gagner leur premier syndicat issu de l’organisation par la base aux États-Unis, et des travailleurs de Starbucks, qui marchent sur la même voie.
La lutte contre les géants de la précarisation
Le congrès de San Francisco comportera plusieurs discussions traitant des conditions de travail par application, de la législation du travail dans le secteur, dans une situation post-pandémique, de la coordination internationaliste de la lutte dans le secteur et des défis du syndicalisme de base au XXIe siècle. Outre les organisations syndicales et les travailleurs, des chercheurs et des conseillers juridiques spécialisés dans le travail de plateforme et la législation du secteur, qui fait actuellement l’objet de débats dans le monde entier, participeront aux débats.
Un rassemblement et une mobilisation dans les rues de San Francisco sont également prévus. La ville qui accueillera le premier congrès des travailleurs de plateformes est l’endroit où se trouvent le célèbre conglomérat de la Silicon Valley et des grandes entreprises du secteur comme Uber. Il y a quelques mois, cette entreprise multimilliardaire était dans l’œil du cyclone après le dévoilement des Uber files. La fuite massive de documents a révélé les tactiques de lobbying parlementaire qui ont permis à la multinationale de contourner le droit du travail dans des dizaines de pays.
Sans surprise, San Francisco (et la Californie) est l’un des endroits où les travailleurs de plateformes font entendre leurs revendications. Là-bas, les chauffeurs de l’entreprise Uber et d’autres applications comme Lyft, regroupés au sein de la Mobile Workers Alliance (MWA), prennent des mesures concrètes en vue d’une syndicalisation. Aujourd’hui, ils sont regroupés au sein de la California Gig Workers Union.
Il n’y a pas si longtemps, San Francisco a vu naître et se répandre l’empire des nouvelles technologies, avec certaines des entreprises les plus rentables (et responsables de la plus grande précarisation) de la planète. Outre Uber, des entreprises telles que Google, Facebook, Apple, Yahoo, Tesla, Twitter ou encore Rappi sont désormais implantées dans la région. Les fortunes des bourgeois tels que Mark Zuckerberg et Elon Musk se sont construites dans la Silicon Valley.
La « face B » de l’histoire de la Silicon Valley est la réalité de millions de travailleurs de plateformes, ceux qui produisent la fortune des grands capitalistes et qui, en retour, sont de plus en plus précaires. Mais les travailleurs des plateformes commencent à faire entendre leur voix.
« Nous constatons que dans le monde, il existe un secteur de travailleurs qui commence à s’organiser par la base, comme nous l’avons fait dans notre pays avec le SiTraRepA, en créant des syndicats de base, en s’organisant pour les droits du travail », déclare la secrétaire de presse du syndicat argentin, expliquant les raisons de l’appel au premier congrès des travailleurs de plateformes. « Il nous semble important de pouvoir aller au cœur de ce processus, qui se déroule notamment aux États-Unis, et aussi d’apporter notre expérience, de partager notre lutte contre les nouvelles formes d’exploitation qui accompagnent le travail sur plateforme ».
Il semble qu’en 2023, la ville de San Francisco sera le témoin d’importantes avancées syndicales et organisationnelles pour les travailleurs des plateformes.