Le premier congrès international des travailleuses et travailleurs de plateformes s’est tenu aux États-Unis

Ce texte est une traduction d’un article écrit par Juan Pablo Pardo, membre de la coordination internationale du congrès des travailleurs de plateformes et du SiTraRepa (Syndicat des Livreurs d’Argentine).

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Une rencontre historique

Du 24 au 27 avril 202 en Californie, aux États-Unis, s’est tenu le premier congrès international des travailleuses et travailleurs des plateformes. Ces quatre jours de débats, d’actions de lutte et de bilan ont fait avancer la coordination et l’organisation internationale de ce nouveau secteur de travail.

Ce congrès est fondateur pour les travailleuses et travailleurs des plateformes dans le monde. Pour  la première fois, iels ont organisé une réunion internationale par et pour les travailleurs. En Californie, nous avons rencontré des camarades de 17 pays de 3 continents. Iels représentent l’activisme international de ce nouveau secteur de la classe ouvrière qu’est le travail par plateforme. Nous nous sommes réunis en Californie pour discuter, organiser et planifier la manière de poursuivre et de développer notre lutte pour le droit du travail et notre organisation syndicale dans le monde entier.

Le congrès a été organisé au siège du California Gig Workers Union et du SEIU 721 (syndicat des employé.e.s du service public du Sud de la Californie). Nous avons pu compter sur l’aide des camarades de ces syndicats avec SiTraRepa pour coordonner et réaliser ce premier congrès.

Ils ont été rejoints par des expressions du nouveau syndicalisme aux États-Unis : des délégations de l’Amazon Labor Union, du Starbucks Workers Union, des travailleuses et travailleurs de McDonald’s, d’Amazon Flex, de Peet’s Coffee, et d’autres.

Une délégation de SiTraRepA est venue d’Argentine avec d’autres organisations américaines du Brésil, d’Équateur, du Mexique, de Colombie et du Paraguay. En Europe, des camarades d’Italie, d’Allemagne, du Danemark, de Belgique, de Suède et d’Espagne ont participé. Pour l’ Asie, la participation des Philippines, du Népal, de Hong Kong et de Taïwan a été remarquable.

 

Un congrès riche en débats et en actions

Les débats ont été organisés autour de quatre ateliers couvrant les différentes problématiques des travailleuses et des travailleurs des plateformes dans le monde. Le premier atelier a traité des conditions de travail, qui sont les mêmes partout dans le monde. Le deuxième groupe a abordé la nouvelle vague de syndicalisme de base qui déferle sur le monde, dans le domaine du travail sur plateforme mais aussi  d’autres secteurs, comme l’Amazon Labor Union et de Starbucks Workers United. Le troisième atelier a abordé les différentes réglementations légales existantes et en cours de discussion dans le secteur. Le dernier groupe a réfléchi à la manière de renforcer l’organisation internationale des travailleuses et travailleurs des plateformes.

Par ailleurs, des actions de lutte ont marqué le déroulement du Congrès dans la rue. Le lundi 24 avril, un grand cortège s’est tenu devant le palais de justice de Californie pour soutenir l’appel à la Cour suprême contre la scandaleuse Proposition 22. Il s’agit d’une proposition clairement anticonstitutionnelle dont le contenu antisyndical est très réactionnaire puisqu’elle permet aux entreprises de classer les chauffeuses et chauffeurs de livraison dans la catégorie des entrepreneu.r.se.s indépendant.e.s.

Le lendemain, nous avons témoigné notre solidarité internationale en manifestant devant le consulat argentin avec des délégations du monde entier pour soutenir la demande de reconnaissance de SiTraRepA.

Le jeudi a commencé par une manifestation des travailleurs et travailleuses à l’aéroport de San Francisco, sur le parking où les chauffeurs attendent leurs courses.

L’action de clôture du Congrès a été une caravane qui a bloqué les rues devant le siège d’Uber, l’entreprise emblématique de ce modèle de précarité. Sur place, nous avons tenu une conférence de presse dans laquelle nous avons exprimé nos principales revendications. L’intervention de la camarade Emilse Icandri de SiTraRepA, pour la coordination internationale, a conclu cette action.

L’assemblée des travailleurs du Congrès a pris plusieurs résolutions importantes. Tout d’abord, une déclaration de principes a été rédigée. Elle dénonce tous les principaux problèmes des travailleuses et travailleurs des plateformes du monde et propose une  manière de lutter pour y faire face.

En même temps, un plan d’action a été voté. Il consistera à la coordination et au déploiement simultané d’actions au niveau international. L’objectif est de montrer la force de ce mouvement de travailleuses et travailleurs dans le monde entier.

Enfin, nous avons voté la continuité à cette construction issue du Congrès. La mise en place d’une organisation permanente a été adoptée. Elle comprend une Coordination Internationale qui a pour but d’organiser une prochaine rencontre en 2024. Nous parions qu’elle sera bien plus grande et comptera sur la participation d’un nombre plus important encore de délégations internationales.

 

Premières conclusions

À l’issue de ce congrès, nous pouvons déjà tirer quelques conclusions. Tout d’abord, les entreprises de travail sur plateforme, qu’il s’agisse de Pedidos Ya ou Rappi en Argentine, d’Uber, Lyft, Deliveroo, Just Eat ou de bien d’autres dans le monde, fonctionnent de la même manière. Leur modèle d’entreprise repose sur trois principes : la négation de la relation de travail, d’où découle l’absence totale de droits pour les travailleu.r.se.s et, enfin, la démesure des politiques antisyndicales menées dans ces entreprises. Aujourd’hui, elles sont le fer de lance de l’avancée du capitalisme du 21ème siècle qui s’attaque aux droits gagnés par les travailleuses et travailleurs au cours des deux cent dernières années.

La réunion internationale s’est illustrée par une qualité de discussion bien plus élevée que lors des événements précédents sur le travail “à la demande”. Le seul débat était alors de savoir si nous sommes des travailleu.r.se.s ou des indépendant.e.s, comme le proposent les entreprises, ou si nous devrions supplier les parlementaires de rédiger un règlement qui reconnaisse certains droits. Cette fois-ci, nous avons débattu de la manière dont nous nous organisons pour obtenir nos revendications.

Le débat est allé au-delà des simples frontières syndicales. Il a intégré un ensemble de définitions de classe bien plus claires : la reconnaissance de l’identité des travailleu.r.se.s des  plateformes en tant que tel, l’absence de bénéfice mutuel avec les entreprises et le fait que le seul moyen d’obtenir nos droits est de renforcer nos syndicats et nos organisations. La coordination internationale, avec un travail de base et une lutte dans les rues, est un grand premier pas.

Cette rencontre fut une véritable école de lutte, avec des échanges instructifs entre collègues militant.e.s et organisations du secteur venus de 17 pays. La réunion a ouvert un espace de débat, un agenda de travail et a généré beaucoup d’enthousiasme pour la construction de cette coordination internationale.

La possibilité de développer cet outil de lutte est vaste. Le congrès est une rencontre de militant.e.s du monde entier qui combattent les attaques capitalistes les plus avancées du 21ème siècle sur les conquêtes de la classe ouvrière. Notre perspective va au-delà du syndicalisme. Elle n’est pas seulement revendicative, elle porte une projection internationaliste, de classe et profondément anticapitaliste.

Il est clair qu’il existe aux États-Unis un processus riche de recomposition de la classe ouvrière, qui peut être historique et qui reprend les traditions de classe de ce pays, qui remontent à plusieurs décennies. Ce congrès était directement lié à ce processus, qui connaît différentes expressions dans le monde, en particulier aux États-Unis. Il est également ressorti qu’un débat politique plus complexe est en cours dans le pays, en ce qui concerne une perspective politique d’indépendance de la classe.

Pour illustrer ce témoignage, voici une petite anecdote symptomatique à cet égard : le voyage à San Francisco a été effectué avec une compagnie aérienne syndiquée à presque 100 %. Avant le décollage, les travailleuses et travailleurs présent.e.s dans l’avion ont salué les participant.e.s au congrès. Iels ont exprimé leur soutien à l’action contre Uber, à la revendication de syndicalisation et au rejet des pratiques antisyndicales.

Les perspectives ouvertes par ce Congrès sont prometteuses. Nous sortons d’une semaine de débats, d’organisation, d’action et d’enthousiasme, qui a défini un agenda de travail international. Ce calendrier est soutenu par un travail syndical de base pour renforcer l’organisation dans le monde, dans le but d’imposer nos revendications à ces entreprises qui sont le fer de lance du capitalisme du 21ème siècle contre les droits du travail et la syndicalisation.

Le SiTraRepA est extrêmement fier d’avoir œuvré à la mise en place de ce Congrès et repars plein d’énergie pour tout le travail qui se profile à l’horizon. La perspective de la lutte est immense. Grâce à l’organisation et au combat de la base, nous allons construire un mouvement mondial qui défendra tous les droits des travailleu.r.ses des plateformes. Cette lutte est internationale, c’est pourquoi, comme nous l’avons dit dans ce Congrès :

Travailleu.r.ses des plateformes du monde entier, unissons-nous !

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