
A l’occasion du 1er mai, le Nuevo MAS a organisée sa Convention Nationale, où la pré-candidate Manuela Castañeira a réitéré l’appel aux forces du Frente de Izquierda y de Trabajadores Unidad (FITU) à mettre en place une candidature unifiée de l’extrême gauche afin de donner une réponse commune à la crise politique en cours en Argentine. Le Nuevo MAS s’également adressé à la CGT pour que celle-ci appelle à la grève générale contre la misère salariale et les mesures d’austérité du gouvernement.
Cette convention a également permis de s’accorder sur un programme anticapitaliste pour les prochaines élections présidentielles. Voici le programme qui été voté lors de cette Convention:
7 mesures anticapitalistes face à la crise en Argentine
Nous présentons ci-dessous un plan de mesures anticapitalistes face à l’effondrement économique de l’Argentine. Ce programme est conçu à partir des besoins des travailleurs, des jeunes, des femmes, des LGBTI et des retraités. Il faudra le mettre en œuvre dans les 100 premiers jours du gouvernement avec le soutien de la mobilisation populaire.
1- Salaire minimum de 500 000 pesos (2 000 euros) indexés mensuellement
Le salaire moyen selon les dernières données officielles (quatrième trimestre 2022) était de 80 mille pesos. On peut estimer qu’il se situe actuellement autour de 110 000 pesos. Parallèlement, les dernières données de l’INDEC indiquent que le panier de base total (alimentation et services, mais sans le loyer) pour une famille type est de 192 000 pesos. Par ailleurs, le pays compte 35 % de travailleurs informels, dont les salaires sont inférieurs au salaire moyen. En outre, les dernières données disponibles sur la pauvreté pour 2022 estiment que 40 % de la population se trouve dans cette situation, et que ce chiffre est 50 % plus élevé pour les enfants et les adolescents. Un nouveau phénomène se répand dans le pays : bien que les taux de chômage « baissent », il ne suffit plus d’avoir un emploi conventionnel pour ne pas être en situation de pauvreté.
La mesure des 500 000 pesos comme plancher pour tous les travailleurs, indexée sur l’indice de l’inflation, structure notre programme anticapitaliste parce qu’elle est basée sur l’apport d’une solution au problème le plus profondément ressenti par les travailleurs : la misère salariale. L’augmentation généralisée des salaires par décret permettrait de pallier les indices désastreux de perte de salaire et de pauvreté auxquels nous ont conduits les gouvernements des dernières décennies. De plus, cela stopperait la fourberie capitaliste qui augmente tous les jours les prix, avec une inflation annuelle supérieure à 100% ! La seule façon de ne pas perdre la face est de lier les salaires à l’inflation et de les actualiser mois par mois (indexation) pour mettre fin à la spéculation des grands entrepreneurs qui augmentent les prix de la vie en dépit des salaires.
A la suite de ce constat, notre proposition de salaire minimum comporte plusieurs dimensions :
- Souveraineté : c’est une mesure de souveraineté parce qu’elle oblige les grandes entreprises industrielles, agro-exportatrices et extractivistes à augmenter le pourcentage d’argent destiné aux salaires. Par cette voie, l’intention est de retenir les dollars qui fuient à l’extérieur.
- Anti-dollarisation : renforcer la monnaie nationale (aujourd’hui très dévaluée) comme moyen d’échange interne. Cette mesure est censée protéger la souveraineté monétaire, ainsi que de
- Favoriser les intérêts des majorités du pays : Amélioration immédiate et généralisée des revenus des travailleurs. Rupture de la dynamique de la précarité en favorisant la sortie du 40 % de la société de la pauvreté et stimuler la consommation et la production. Elle comprend également les pensions détruites des personnes âgées aux personnes âgées.
- Fin de la précarité : Avec le salaire minimum de 500 000 dollars, nous promouvons la formalisation immédiate de l’emploi de tous les travailleurs informels. Notamment les contractuels ou qui veulent se déguiser en « indépendants » (comme ceux qui travaillent dans le secteur de la livraison). Entamer des sanctions pénales pour toute entreprise qui ne respecte pas le droit du travail et l’expropriation de toute entreprise qui licencie ou ferme. En ce qui concerne les petites et moyennes entreprises, nous promouvons l’aide de l’État pour qu’elles puissent s’adapter à ces critères afin de les aider dans cette situation de crise économique et sociale.
2- Un plan massif de travaux publics pour reconstruire le pays face à l’effondrement capitaliste et mettre fin au chômage
Aucun gouvernement n’a été capable à ce jour de créer les conditions minimales du développement économique. Le pays manque toujours d’infrastructures de base : il manque de grands ports, d’un réseau ferroviaire et routier adapté aux besoins de l’économie, d’une flotte marchande maritime et fluviale propre, d’une production d’énergie continue et durable. À cela s’ajoutent le déficit de logements (le crédit hypothécaire est pratiquement inexistant en Argentine) et le besoin de développement hydrauliques pour l’énergie (barrages) et pour la prévention d’inondations et de la sécheresse (canalisation). Pendant ce temps, dans la province de Buenos Aires, les “services publics » s’effondrent. Ni la capitale ni les grands centres urbains de l’intérieur du pays ne sont épargnés par cette dynamique.
Tous les exemples de développement économique récent, partout dans le monde et sous des régimes sociaux très différents, montrent que la croissance économique ne peut être stimulée sans un plan ambitieux de travaux d’infrastructure publique.
Nous visons à résoudre les problèmes structurels qui affectent à la fois la production et le commerce (routes, chemins de fer, ports, pipelines, etc.). Parallèlement il faut améliorer les services d’approvisionnement industriel et l’équilibrer avec celui des concentrations urbaines.. En même temps, il comprend un plan massif de logement et d’urbanisation.
Pour ce faire, nous proposons de porter l’investissement dans les travaux publics à 30 % (contre 19 % actuellement) du budget de l’État, financé par l’impôt sur le profit des entreprises ainsi que des impôts sur les grandes fortunes. Il en faut des mesures fiscales qui n’affectent pas les poches des travailleurs, c’est-à-dire, celles qui vont à l’encontre de la régression fiscale qui prévaut dans le pays, ainsi que l’incorporation massive d’un travail de qualité.
Cette mesure de souveraineté impliquerait de réorienter les milliards de dollars destinés au paiement de la dette avec les organismes de prêt internationaux et aux créanciers privés et les réorienter à la résolution des problèmes structurels du pays. Il nous faut un strict contrôle des travailleurs, de leurs organisations et des usagers, afin d’éviter tout profit personnel, privé ou étatique au détriment des intérêts collectifs des larges majorités.
3- Le choc anti-inflationniste et anticapitaliste
Le mot choc a été réintroduit face à l’ampleur de la crise que traverse le pays, mais dans la bouche des factions libérales et du péronisme ainsi que Milei, il signifie un ajustement drastique et un traumatisme social dans ses différentes versions. Concrètement, ils parlent de réforme des retraites et du travail, de la fin des investissements dans la sécurité sociale (allocations, pensions, etc.), de la liquidation des quelques travaux publics existants, de la suppression des subventions à la consommation d’énergie et à l’utilisation des transports, et de la destruction de l’éducation et de la santé publiques déjà détériorées. Tout cela en supposant que l’inflation et les maux du pays sont dus au fait que la population vit (même dans la crise sociale dramatique dans laquelle nous nous trouvons) « bien au-dessus de ses moyens ».
Nous proposons au contraire de mettre fin à l’inflation en 6 mois grâce à une série de mesures chocs anticapitalistes qui protègent les intérêts des majorités sociales.
- Gel des prix : Dans le pays, 20 grandes entreprises, pour la plupart des multinationales, contrôlent 75% des prix dans les rayons, et seulement 6 grandes chaînes de supermarchés concentrent 80% de l’offre alimentaire au public. Il s’agit d’une poignée d’hommes d’affaires qui augmentent les prix quotidiennement et jouent avec la faim des gens pour augmenter leurs profits. Nous proposons un gel immédiat des prix sous contrôle citoyen, et une peine de prison pour ceux qui menacent la santé et la nutrition de la population.
- Expropriation et emprisonnement des spéculateurs et des fugitifs : La ressource financière la plus stratégique du pays, les devises étrangères, est entre les mains des fraudeurs, des spéculateurs et des escrocs. Le cas de l’entreprise Vicentin n’est pas la pomme pourrie mais un échantillon du modus operandi de toute une classe sociale. Il s’agit des hommes d’affaires agricoles, industriels et extractivistes qui possèdent plus de 400 milliards de dollars (PIB) à l’extérieur du pays. Face à une crise économique et sociale d’une telle ampleur, la spéculation financière et la dévaluation ne peuvent pas être autorisées. Tous les mécanismes d’escroquerie par surfacturation ou sous-facturation sont des manœuvres qui fonctionnent avec la connivence de tous les gouvernements et que jusqu’à présent elles vont à l’encontre des intérêts des travailleurs et, par conséquent, du pays. Cela doit avoir des conséquences pénales et économiques pour mettre fin à tous les méfaits du Vicentin.
- Monopole du commerce extérieur : le manque de dollars répond à la possibilité pour les capitalistes de gérer les devises créées dans le pays par l’exploitation conjointe des ressources naturelles et de la classe ouvrière. La spéculation et la fuite des devises expliquent une partie du déficit en dollars du pays. Pour mettre fin au bi-monétarisme et à la spéculation monétaire des grands entrepreneurs et agro-exportateurs, ainsi qu’ à la fuite des devises, il faut décréter le monopole du commerce extérieur et de la banque avec l’Etat comme intermédiaire, le tout sous le contrôle des travailleurs pour garantir les intérêts du pays.
4- Retenue de 50% sur les exportations agricoles et réforme fiscale progressive
D’après les données disponibles sur la collecte des impôts, près de 50% des recettes proviennent de la TVA et de l’impôt sur les revenus (salaires), c’est-à-dire de la poche des travailleurs. En revanche, les retenues à la source sur le commerce extérieur ne représentent qu’un maigre 8,8 %. C’est une honte qui démontre le caractère régressif de la fiscalité en Argentine (le système fiscal argentin est l’un des plus régressifs au monde).
Par conséquent, afin de financer l’amélioration drastique des conditions de vie de la population, nous proposons d’inverser le système fiscal, de sorte que ce soient les grands capitalistes qui soient les plus taxés.
Outre l’augmentation à 50% des retenues agricoles, nous proposons l’élimination de la TVA, qui affecte fondamentalement la consommation des travailleurs, ainsi que l’élimination de l’impôt sur les salaires (un héritage de Domingo Cavallo auquel aucun gouvernement n’a osé toucher au cours des 20 dernières années).
Toutes les activités minières doivent également être nationalisées sous le contrôle des travailleurs, tout en incorporant des critères écologiques pour l’exploitation minière, et en progressant en même temps vers une YPF détenue à 100 % par l’État sous le contrôle des travailleurs.
5- Impôt sur les grandes fortunes et les profits des capitalistes pour lutter contre les inégalités
En Argentine, 106 familles possèdent une fortune de 100 millions de dollars ou plus. Et seulement 0,4% de la population concentre 61% de la richesse privée du pays. L’Argentine est l’un des pays au monde qui perçoit le moins d’impôts sur les grandes fortunes, loin derrière la France, l’Allemagne, les États-Unis et la plupart des pays d’Amérique latine.
Nous proposons d’appliquer un véritable impôt progressif permanent (et non un impôt ponctuel) sur les grandes fortunes et les profits capitalistes, avec l’application d’un droit fiscal pénal afin que l’essentiel des recettes fiscales soit investi en faveur des travailleurs et au détriment des fortunes amassées par une poignée de grands capitalistes.
6- Nationalisation des services publics sous le contrôle des travailleurs et des usagers
Au milieu de la discussion soulevée par le gouvernement et par tous les chefs politiques sur la nécessité d’augmenter les tarifs, le désastre auquel a conduit la gestion privée du service d’électricité a été mis en évidence. Avec des vagues de chaleur historiques, 40 % de la population a souffert d’une coupure de service généralisée, suivie de jours et de semaines pendant lesquels des milliers d’utilisateurs sont restés sans service en raison d’un désinvestissement chronique évident. Un mécanisme par lequel le secteur privé maximise ses profits tout en comprimant les infrastructures en difficulté au point de les détruire.
Les services d’électricité, d’eau et de gaz devraient être considérés comme des droits sociaux. Pour assurer leur fonctionnement et garantir le droit à une vie digne, nous proposons, comme les voisins l’ont demandé pendant l’été, la nationalisation sous le contrôle des travailleurs et des usagers, seul moyen de garantir que leur financement et leur fonctionnement ne soient pas administrés selon la logique du profit capitaliste, mais dans l’intérêt de la majorité.
7- Rupture de l’accord avec le FMI
La crise du pays est inséparable de l’escroquerie convenue entre Macri et le FMI et approuvée par le gouvernement d’Alberto Fernandez. Il s’agit d’une dette frauduleuse documentée, qui n’est considérée comme « légale » que parce qu’elle est détenue par les grandes puissances capitalistes qui en tirent profit, tout en redoublant la soumission du pays à l’impérialisme. Il n’est pas possible de construire un pays souverain avec un avenir si nous restons enchaînés aux agences de crédit internationales. Assez de profiter du pays au profit des intérêts privés des pays impérialistes et des secteurs de l’économie qui leur sont alliés.
Nous proposons de rejeter la poursuite des accords d’escroquerie réalisés par l’État et le patronat. Il faut rompre avec le FMI, cesser de payer la dette extérieure et mettre toutes les ressources au service des besoins sociaux et de la reconstruction de l’infrastructure nationale.