L’Etat français surenchérit sur sa politique raciste

Le meurtre de Nahel le 20 juin a déclenché des révoltes dans toute la France. Loin de vouloir apaiser la situation, la préfecture de police a interdit le rassemblement organisé par le comité « Vérité et Justice pour Adama » qui se tient chaque année à Beaumont pour exiger l'éclaircissement sur la mort dans la caserne de gendarmerie de Persan d’Adama Traoré en 2016. Cette manifestation a pour objectif de dénoncer les crimes racistes de la police, et ça dérange apparemment le gouvernement.

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Le couperet est tombé dans la soirée du 6 juillet, la préfecture de police a interdit le rassemblement pour Adama prévu le 8 juillet. Assa Traoré, porte-parole du collectif « Vérité et Justice pour Adama » a alors précisé qu’elle se rendrait place de la République le même jour pour marquer cette date.

L’Etat essaie de nous faire taire, la police tue

2000 personnes se sont réunies sur la place de la République ce samedi. La police et la gendarmerie ont immédiatement nassé le groupe de manifestant.e.s. Des personnes se promenant sur la place avec des tee-shirts “Vérité pour Adama” ont été sommées par les forces de l’ordre de payer une amende. Un cortège a emprunté le boulevard Magenta, et Assa Traoré a pu faire une prise de parole sur un abribus pour dénoncer l’atteinte du gouvernement au droit de manifester alors que les rassemblements pour Adama se sont toujours déroulés sans encombre.

Le prétexte de l’Etat est que la manifestation se serait passée dans un contexte “d’émeutes urbaines”. Alors comment réagir à la série de crime et d’agression raciste qui n’ont jamais cessé en France s’il n’est pas possible d’organiser de manifestations ? Le gouvernement français trahit une fois de plus le ressaut autoritaire de ces dernières années, qui semble s’accélérer, depuis la répression des mobilisations contre la loi travail de 2016, des gilets jaunes, du mouvement pour les retraites et aujourd’hui contre l’explosion de colère face aux meurtres racistes impunis.

La marche du samedi 8 juillet, calme malgré les provocations du gouvernement, s’est achevée par l’interpellation très violente par la BRAV-M de Youssouf Traoré, frère d’Adama, et de Samir Elyes, militant associatif des quartiers populaires. Les force de l’ordre se sont jetés sur Youssouf, comme en témoignent les nombreuses vidéos, tout en poussant une dame à terre avec leur bouclier et en violentant les journalistes. La garde-à-vue de Youssouf Traoré a dû être interrompue pour l’amener à l’hôpital. Il en est ressorti avec « une fracture du nez, un traumatisme crânien avec contusion oculaire, des contusions thoraciques, abdominales et lombaires révélatrices ». Le placage ventral qui a été infligé à Youssouf est la technique qui, prolongée, a probablement causé la mort de son frère. C’est un avertissement subtil de la police pour rappeler que l’Etat a tué, tu et pourra encore tuer. La police prétexte que Youssouf aurait commis un geste violent envers une commissaire de police. La famille Traoré subit depuis des années l’acharnement du gouvernement.

Ce même samedi 8 juillet, 500 personnes ont manifesté pour réclamer justice pour Alhoussein Camara, tué par arme à feu par un policier le 14 juin près d’Angoulême, dans l’indifférence des médias nationaux. Le meurtre de ce jeune homme de 19 ans qui se rendait à son travail dans la nuit n’a pas été filmé, d’où probablement le fait que ce fait n’ait pas déclenché la même colère que l’assassinat de Nahel. C’est aussi probablement parce que Alhoussein n’a pas le profil de la victime idéale pour les médias réactionnaires qui justifient les meurtres racistes de la police quand la personne assassinée détenait un casier judiciaire par exemple : Alhoussein était un jeune qui travaillait dur, se levait tôt, était tout seul dans sa voiture, dans une périphérie méconnue d’Angoulême. Donc en dehors de celles et ceux qui se mobilisent pour Alhoussein, c’est un silence de mort

Le gouvernement s’enferre dans une violence sourde et meurtrière 

Des manifestations pour dénoncer les crimes racistes ont eu lieu partout en France, autorisées en dehors de la région parisienne, rassemblant près d’un millier de personnes à Marseille par exemple. Avant le 8 juillet, une autre manifestation à Paris avait été interdite, devant l’hôtel de ville le 30 juin. Deux rassemblements avaient quand même eu lieu, avec 200 personnes sur la place de la mairie de Paris et environ 1500 place de la Concorde et sur le jardin des Tuileries. Les forces de l’ordre ont poursuivi les manifestant.e.s sur la rue de Rivoli.

Dans les banlieues, les manifestant.e.s ont été très violemment réprimé.e.s. L’Etat a déployé son arsenal répressif, sur le terrain avec le Raid (faisant référence à un assaut militaire, et acronyme de Recherche, Assistance, Intervention, Dissuasion), le GIGN (groupe d’intervention de la gendarmerie nationale) et les Brigades de Recherche et d’Intervention (BRI) puis au tribunal. Et si les moyens civils avaient été dépassés, l’Etat aurait probablement commandité l’intervention de l’armée. Les interpellations se sont enchaînées de peines lourdes en comparution immédiate.

L’intervention toujours plus brutale des forces de l’ordre continue de tuer. La mort de Nahel et de Alhoussein n’a pas provoqué la remise en question de la police. En témoigne la mort de Mohamed retrouvé gisant au pied de son scooter à Marseille dans la nuit du 1er au 2 juillet. L’autopsie indique que Mohamed, âgé de 27 ans, a reçu un tir “type flashball” au thorax. Dans son téléphone, la dernière vidéo filmée est celle d’une interpellation policière le soir même. En Meurthe-et-Moselle, le jeune Aimène Bahouh, est dans le coma artificiel après avoir reçu d’après le parquet, un tir “type beanbags” (“sac de haricot”, des micro-plombs) utilisé par le Raid. Le tribunal judiciaire de Val-de-Briey a ouvert une enquête en flagrance pour « violences avec arme par personne dépositaire de l’autorité publique », confiée à l’inspection générale de la police nationale (IGPN).

 

Pas de paix

La colère qui s’est déclenchée dans les banlieues suite au meurtre de Nahel s’est beaucoup porté sur l’Etat, par les incendies de commissariats, de véhicules de police, de mairies ou d’écoles. Des supérettes ou des magasins de vêtements ont aussi été attaqués. Les vidéos de personnes qui n’étaient pas des insurgé.e.s mais qui sont allées se servir de produits de première nécessité de quelques dizaines d’euros dans les magasins frappent par le sentiment de précarité dans ces quartiers. Depuis la mort de Zyed et Bouna en 2005 à Clichy-sous-Bois, rien n’a changé. La police continue de terroriser les jeunes dans les quartiers, les gens ont toujours peu de perspectives de s’en sortir avec des emplois formels, les crimes racistes ont toujours cours. Par ailleurs, les mouvements organisés comme la lutte pour les retraites n’ont pas trouvé non plus de débouchés. Les contestations qui cherchent des moyens de luttes alternatives, comme les Zones à défendre ou les actions proposées par le mouvement écologiste radical, sont elles aussi criminalisées par l’Etat.

L’Etat qui défend le capitalisme montre qu’il ne veut pas négocier sur quoi que ce soit. Le gouvernement ne donne pour avenir que le patriotisme, l’autorité, le chacun-pour-soi sans rien en échange. Que la société se mobilise pour plus de solidarité, pour les retraites et les services publics par exemple, contre le racisme, pour le climat, la réponse est toujours un tir tendu de flashball.

Nos colères ne doivent ne faire qu’une pour balayer cet Etat policier, et proposer des alternatives à cette société capitaliste et raciste insoutenable. Rassemblons nos luttes pour être toujours plus nombreuses et nombreux à nous organiser pour mettre hors d’état de nuire le bras armé du capitalisme. Les capitalistes et leurs sbires n’auront pas de paix.

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