Ces dernières semaines le pays andin été l’objet de la une des journaux mondiaux suite à la crise carcérale qui traverse depuis 2020. La situation s’est aggravée le 9 janvier après la fuite de José Macias Villamar, dirigeant du gang “Los choneros”. Le président à déclaré 60 jours d’état d’urgence dans le pays et ensuite une déclaration formelle de “conflit armé interne”.
De la révolte populaire à la militarisation dans un clin d’oeil
Plus d’une vingtaine d’organisations criminelles ont été identifiées et restent dans la cible des forces de l’ordre. Le résultat de la politique sécuritaire mise en place a comme bilan plus de mille personnes mis en arrestation pour supson de terrorisme, 5 terroristes abatues, une vingtaine des fugitifs capturés et des centaines des voitures volées recuperées. La réponse régionale comme international ne se pas fait attendre pour mener aux cotés de gouvernement équatorien, la “lutte contre le terrorisme et le crime organisé”.
Cependant, comment expliquer la violence dans le pays? Afin de comprendre la situation il faut considérer les éléments qu’en préalable ont convergé et ont contribué à une vraie dégradation sociale et démocratique en cours.
Il n’y a pas comme la situation actuelle pour témoigner à quelle point l’appareil d’État est devenu une “simple coquille”, vidée depuis l’année 2017 pendant la présidence de Lenin Moreno. La chute du prix du pétrole frappe durement le pays en raison de son économie mono dépendante et sans sources diversifiées des revenus. La gestion traître mais notamment fantôme de Moreno n’a pas donné de résolution dans le plan économique sinon tout au contraire : En 2019 le conseil exécutif du Fonds monétaire international (FMI) valide son quatorzième accord avec l’Équateur. Le document impose une série de conditions et de réformes en échange du versement à Quito de 4,2 milliards de dollars (3,8 milliards d’euros) au cours des prochaines années, ainsi que de 6 milliards (5,4 milliards d’euros) en provenance d’autres institutions. Parmi les conditions établies par l’organisation le gouvernement devait établir des mesures austericides, parmi lesquelles figurent l’augmentation du prix de carburant. Cette mesure à déclenché un énorme mouvement de rébellion populaire qui s’est vu “stoppé” par la crise sanitaire.
Le gouvernement de Moreno tient la route en s’alignant sur la doxa néolibérale et opte pour la défense des grands intérêts privés du pays, avec un pilotage déficient de l’économie. Le système de sécurité sociale s’est effondré, ce qui a favorisé la plus forte dégradation des conditions de vie de l’Amérique Latine pour la période. Dans un contexte de développement de l’économie informelle et de manque de travail, les symptômes d’une profonde crise apparaissent déjà en 2021 avec les premières émeutes à l’intérieur des prisons lors de bagarres entre gangs qui prolifèrent des assassinats à l’intérieur comme à l’extérieur des prisons.
L’arrivée de Guillermo Lasso, figure de la banque locale à la présidence n’a pas changé l’orientation. Il a remis sur la table la hausse de prix de l’essence dans la perspective d’obtention d’un nouveau prêt du FMI ainsi que des réformes visant à flexibiliser le travail et faciliter les licenciements. Suite à son apparition dans la liste des fraudeurs du fisc révélé par les Panama Papers il s’ouvre une nouvelle crise politique. Tout cela a favorisé l’ancrage de la criminalité au sein des institutions politico-judiciaires puisque le frère du président était même impliqué.
Sous couvert de lutter contre l’insécurité et les violences résultant du développement des organisations criminelles en compétition pour le contrôle des certaines zones du pays, Lasso profite pour avancer des politiques antiterroristes afin de contenir la mobilisation populaire assez fortes particulièrement chez le mouvement des femmes, de la jeunesse et du mouvement indigène. Il proclame pour la première fois l’état d’urgence pour 60 jours dans certaines régions. Le président maintient cette stratégie tout au long de son mandat, sans que le résultat ne soit concluant. Suite aux impasses répétés entre le parlement et le chef de l’État, ce dernier déclare « la mort croisée » une figure constitutionelle qui dissout le parlement et convoque aux nouvelles élections en 2023. Elles ont été remportées par le jeune milliardaire Daniel Noboa, fils du grand patron de la banane. Ce représentant de la centre-droite fait face à la première crise carcérale de son mandat avec la déclaration d’état d’urgence et la militarisation du pays, deux mesures aujourd’hui approuvées par une bonne partie de la population.
La jeunesse en détresse
Au troisième trimestre 2023, le taux de chômage a atteint 3,8 %, selon l’INEC. Au niveau national, c’est à Quito que l’on trouve le plus grand nombre de chômeurs. Selon les chiffres publiés le 24 octobre par l’Institut national des statistiques et des recensements (INEC), 54,4 % des personnes employées en Équateur travaillent dans le secteur informel de l’économie d’ici septembre 2023. Un élément à tenir compte dans ce contexte c’est sans doute la situation spécifique de la jeunesse qui a rencontré tout au long des ces années très peu d’opportunités de survie et des perspectives de future.
En Équateur, un jeune sur quatre (24,1 %) âgé de 18 à 29 ans ne travaille pas et n’étudie pas. Ce pourcentage passe à 36,9 % pour les femmes, 35,5 % pour les jeunes afro-équatoriens, 27,5 % pour la population paysanne et 26,3 % dans les zones urbaines. Les jeunes se retrouvent avec des opportunités extrêmement limitées, sans accès effectif à l’éducation ou à l’emploi. La situation est plus grave chez les femmes et les peuples et nationalités. La pauvreté, l’émigration, la violence et l’insécurité se reproduisent dans ce contexte en raison du manque d’options et limitent la capacité de développement personnel des jeunes.
Lors d’une enquête révélée par The Telegraph, le journal va décrypter plus en détail l’action de la mafia albanaise -sans pour cela oublier les liens avec les cartels colombiens et mexicains- , celle qui a pris le contrôle des principaux itinéraires d’acheminement de la drogue de l’Équateur vers l’Europe. L’enquête insiste sur le travail de captation dans la jeunesse et l’installation des « écoles du crime » à Guayaquil. Elle décrit le port principal comme « un point d’expédition clé dans la filière albanaise » et qui « est devenu le dernier épicentre de la violence liée à la drogue dans le monde ».
Selon le rapport, le recrutement se fait auprès des enfants de 10 ans qui se réunissent dans les cours et des quartiers pauvres de la ville pour apprendre à manier et à ratisser une arme à feu. D’après les médias britanniques, il s’agit là de la première étape pour les jeunes tueurs à gages en herbe qui rejoignent les gangs qui se disputent le marché croissant de la cocaïne en Europe. D’après les témoignages recueillis par un journal local, les jeunes adolescents sont recrutés même à l’intérieur des centres d’internement des mineurs. « Une fois qu’ils ont été isolés, ce qui est le cas des mineurs, parce qu’ils ont un statut juridique et ne peuvent être traités comme des adultes, les organisations les exposent à des substances, les rendent dépendants et les exposent à être recrutés pour la vente, la commercialisation et, de la même manière, ils sont utilisés pour d’autres crimes ».
Plus de droits, moins de violence
Ce sont les éléments principaux qui composent le tableau d’une situation qui chaque jour s’actualise avec un nouveau chef de gang qui s’échappe, des voitures qui crament dans les principales villes et des fakes news autour de la prise des plateaux des télés qui contribuent à créer de la panique et la méfiance de la population.
Dans notre perspective, la politique sécuritaire du gouvernement de Noboa a tort parce qu’elle se veut résolutive par la force et en toute abstraction du fond des événements qui composent cette crise. Dans ce contexte, la politique de Noboa semble assumer des postures bonapartistes, militaristes et répressives en contraignant tout droit démocratique élémentaire de la population. Une situation qui ne fait que bénéficier l’application de n’importe quelle politique.
A cela s’ajoute qu’il cherche à endetter encore le pays afin de construire des prisons d’extrême sécurité dans les différentes zones du pays. Pour faire financer tout ça, il prétend encore aller vider les poches des travailleurs et des travailleuses en augmentant la TVA actuellement du 12 au 15% dans un contexte d’extrême précarité.
Il est évident que la solution ne passe pas par la répression sinon pour s’attaquer aux problèmes structurels, une amélioration générale des conditions de vie, comme l’accès à l’éducation, travail et logement.
La vraie souveraineté peut seulement exister de la main de l’émancipation révolutionnaire de la société , par l’organisation de base des jeunes, des femmes et des travailleurs. Il n’y a pas de sortie possible en suivant la feuille de route marquée par l’impérialisme et le FMI. Le pays a eu assez de misère et de répression.
Une solution, révolution ! Socialisme ou barbarie !
Sources :