
Traduction de Izquierda Web.
Le 24 janvier était une journée historique marquée par la présence dans les rues de 300 000 personnes à Buenos Aires ainsi que des grandes mobilisations à l’intérieur du pays.
Ce n’était pas seulement une journée nationale mais aussi internationale. Ce même jour, des manifestations de soutien se sont tenues devant les ambassades argentines de Paris, Toulouse, Los Angeles, Madrid, Valence, Barcelone, Berlin ainsi que dans 80 autres villes du globe. Une immense vague de syndicats, d’assemblées locales, d’associations, d’organisations politiques de l’extrême gauche se sont réunis dans tout le pays pour crier : À bas le DNU ! À bas la loi omnibus ! Non au protocole répressif de Patricia Bullrich !
Un premier cri massif de remise en question du gouvernement a été poussé. Celui-ci n’a pas réussi à imposer son “protocole anti-manifestations”. Ce contournement du protocole démontre la détermination des manifestants. La puissance des traditions militantes du pays représenteront un défi plus difficile à éradiquer. Il ne suffira pas de signer un simple bout de papier pour étouffer ou faire taire ce cri.
Nous avons assisté à une immense démonstration de force qui constitue un premier pas pour contrer les attaques du gouvernement. Il est nécessaire de continuer la mobilisation, malgré le refus de la CGT d’appeler à une nouvelle journée de manifestation.
Le gouvernement accuse le coup
En réponse aux mobilisations, le gouvernement s’est empressé de minimiser la puissance de ce cri qu’il évalue comme un « échec retentissant ». Le ministère de l’intérieur se dit satisfait de la participation de “seulement 40 000 personnes” et se félicite de l’application du protocole anti-manifestations. Réaction attendue et risible.
Plus concrètement, les mobilisations ont contraint le gouvernement dans l’avancement de ses projets. La première conséquence des mobilisations est le report du jeudi 25 au mardi 30 janvier du traitement de la Loi Omnibus à la Chambre des Députés. Le gouvernement se trouve pour l’instant en difficulté pour réunir une majorité pour faire passer la loi. Il est clair que cela complique l’offensive du gouvernement qui est pressé de faire passer cette loi avant que sa popularité (et donc sa marge de manœuvre) ne soit sérieusement affectée.
Deuxièmement, immédiatement après la mobilisation, la Justice Fédérale a déclaré la nullité de 6 articles du chapitre travail du DNU, parmi lesquels se trouvent : la flexibilisation des conventions collectives, l’article à propos de l’ultra-activité, l’interdiction des assemblées, la possibilité de licencier face à une action syndicale et l’interdiction des grèves dans les activités considérées comme essentielles. Si le DNU n’est pas approuvé par le Parlement, ces articles dors et déjà instaurés, en urgence par décret, seront rejetés.
Troisièmement, l’augmentation du prix des transports publics dans l’Aire Métropolitaine de Buenos Aires (AMBA), prévue pour les premiers jours de février a été suspendue par mesure de précaution, en raison des irrégularités.
Bien qu’aucune de ces mesures ne renversent l’offensive du gouvernement, elles sont des signes qui montrent que la mobilisation ouvrière et populaire peut sérieusement la fragiliser, la freiner ou la contraindre.
Milei est déterminé à mettre en œuvre son projet, qui est une sorte de « réforme globale » à la teneur anticonstitutionnelle. Ce projet cherche à bouleverser tous les aspects de la vie quotidienne et de la réalité sociale des millions de travailleurs et des secteurs populaires du pays. À cette fin, le président propose un « régime d’exception » aux pouvoirs arbitraires qui touche toute la société sur plusieurs fronts : économique, démocratique, social ou encore artistique et culturel.
La « croisade” incarnée par Milei est soutenue par la bourgeoisie dans son ensemble, mais la journée du 24 janvier a montré que le rapport de force entre les classes sociales ne permet pas de concrétiser la volonté du gouvernement Milei. Les travailleurs argentins sont prêts et déterminés à lutter pour leurs droits sociaux et démocratiques. Dans ce décalage entre les prétentions du gouvernement et le niveau de résistance des travailleurs en Argentine, la journée de grève a montré qu’il est possible de stopper le gouvernement Milei.
Les grévistes exigent un véritable plan de bataille
Le cri des grévistes dans la rue était “CGT escucha, queremos plan de lucha” (Traduction : CGT, écoute, nous voulons un plan de lutte).
La CGT n’a pas voulu reconduire la grève, se limitant à appeler les députés à “bien voter”. À proprement parler, la construction de la journée du 24 a été la confluence de plusieurs événements. D’abord, le 20 décembre, lors de la première mobilisation contre Milei, les associations et la gauche, face à l’opération de menace de Bullrich, ont contourné “le protocole anti-manifestations”. Ils réussissent à tenir un rassemblement sur la Place de Mai et donnent un premier coup de frein aux tentatives répressives du gouvernement. Immédiatement après l’annonce du DNU, des centaines de casseroles ont retenti dans tout le pays en signe de désapprobation. Par la suite des assemblées locales réunissant des travailleurs et des voisins ont émergé contre cette politique.
Dans ce contexte, la CGT a dû appeler à une mobilisation le 27 décembre au cours de laquelle elle s’est limitée à faire défiler uniquement les secteurs liés à la bureaucratie syndicale pour éviter que des centaines de milliers de travailleurs ne se mobilisent.
En outre, des organisations artistiques et culturelles se sont levées pour faire face à la tentative d’éliminer toute expression indépendante et à la censure de leur travail. Un cri unitaire émerge dans les mobilisations : Grève, grève, grève générale !
Dans ce cadre, la CGT s’est vu forcée d’appeler à la grève du 24 janvier, un événement sans précédent qui s’inscrit seulement 45 jours après l’entrée en fonction du gouvernement. La direction de la CGT est contrainte de mobiliser pour répondre à la pression de la base, mais aussi pour défendre leurs intérêts économiques menacés par Milei.
Ceci a entaché cette journée qui conserve malgré tout son caractère historique. La CGT, soucieuse de préserver sa gouvernabilité et d’éviter les débordements, a appelé à des débrayages à partir de midi, garantissant partiellement et de manière fragmentaire la présence des travailleurs sur leur lieu de travail. Néanmoins, des centaines de milliers de personnes ont pris la grève à bras le corps, se mobilisant à la fois dans différents espaces mais aussi de manière spontanée, inondant complètement la Plaza de los Dos Congresos vers ses alentours et l’Avenue 9 de Julio.
Où allons-nous maintenant ?
La situation de ces jours-ci évolue dans un rapport de force entre l’intransigeance du gouvernement et la première réponse massive des travailleurs. La dureté de l’attaque de Milei, l’aggravation de la situation économique nationale et les méthodes absolument antidémocratiques avec lesquelles ils essaient de s’imposer, ont provoqué la réaction que nous avons connue le 24 janvier.
Cependant, il n’y a pas de solution intermédiaire. Il faut mettre en échec le plan de contre-réformes, d’austérité et de répression de Milei, en renversant le DNU, la loi Omnibus et le protocole anti-manifestation. Pour cela, nous devons exiger la continuité de la grève à la CGT sous la forme d’un plan de lutte qui commence par une grève générale active de 24 heures, et ce de toute urgence. Nous ne pouvons pas faire confiance au Parlement et à la Justice.
Nous devons miser sur les assemblées, les plénières de délégués, et sur toutes les formes d’organisation de la base qui renforcent les revendications et préparent le terrain pour écraser la bureaucratie syndicale, si elle tente d’établir une conciliation avec le gouvernement.
Notre parti s’est mobilisé dans tout le pays. Nous avons organisé un grand cortège à Buenos Aires, aux côtés du SiTraRepA (Syndicat des travailleurs de plateformes), de travailleurs de la culture organisés autour du collectif « Unides x la Cultura », d’associations et d’autres partis politiques d’extrême gauche.
Mardi 30 janvier, nous nous mobiliserons à nouveau au Congrès, pendant que les députés traiteront la loi omnibus. Cet appel unitaire réunira des dizaines d’organisations qui se mobilisent depuis le 20 décembre.
Pour l’heure, il faut promouvoir toutes les instances possibles d’auto-organisation et de soulèvement par le bas. Il faut organiser des réunions ouvertes pour faire le bilan de la journée du 24 et pour débattre auprès des larges secteurs sur les perspectives de lutte pour vaincre Milei, son plan d’austérité et son régime autoritaire.