Soutien à Gisèle Pelicot : la honte doit changer de camp !

Un procès historique dans la lutte contre les violences sexuelles.

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Apres la stupeur et l’horreur connues par ses proches à cause de la violence exercée par Dominique Pelicot, qui a été raconté par sa propre fille, Caroline Darian, dans le livre “Et j’ai cessé de t’appeller papa”, nous assistons aujourd’hui à l’ouverture d’un procès historique avec plus de 50 mises en cause pour viol sur la meme victime, Gisèle Pelicot. Le livre sorti en 2022 s’ajoute à d’autres récits comme “La familia grande” de Camille Kouchner qui continuent à faire vivre le #Metoo français. 

Son nom peut devenir un symbole de lutte contre la culture du viol, contre la soumission chimique et contre le mépris medical de la santé des femmes. Sans rentrer dans les détails sordides de la violence vécue par Gisèle entre 2011 et 2020 de la part de son mari et de presque une centaine d’hommes, dont seulement 51 sont en procès, le choc perdure de savoir que les accusés proviennent de toutes classes et milieux sociaux et qu’il ne s’agit pas de plus de 50 “malades mentaux” mais d’hommes assez bien adaptés à notre société.

La courage de Gisèle est souvent souligné quant à sa décision de demander la publicité du procès en refusant le huis clos, pour mettre la lumière non pas sur elle-même mais surtout sur les accusés, donnant corps au slogan “la honte doit changer de camp”. 

Depuis le début des audiences le 2 septembre, les yeux du monde se tournent vers la France. Après la “joie féministe” de vendre à l’international une cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques ou nous remplaçons dans la devise le mot “fraternité” par “sororité”, nous retournons à la réalité du pays : celle de la violence sexiste et sexuelle. Selon le rapport de la CIIVISE, 3,9 millions de femmes (14,5%) et 1,5 million d’hommes (6,4%) ont été confrontés à des violences sexuelles avant l’âge de 18 ans, ce qui représente au total 5,4 millions de personnes. En ce qui concerne la violence conjugale, le Ministère de l’intérieur déclare avoir reçu 244.000 plaintes en 2022. Ce chiffre sous-estime le phénomène en le restreignant seulement aux victimes qui déposent plainte. Le Ministère estime qu’il s’agit d’une femme victime sur quatre qui franchissent ce pas.

Pas tous les hommes, mais 51 quand même

Depuis l’ouverture des audiences plusieurs éléments ne cessent de faire scandale. Cette semaine notamment, les propos tenus par les avocats de la defense sur les éléments constitutifs d’un viol au niveu du Code Penal et la necessité de prouver devant la Justice la volonté de violer. Selon un des avocats “il y a viols et viols”. 

Ces propos ont réactivé la discussion sur la necessité d’introduir de façon plus claire dans la définition légale du viol la notion du consentement et pas seulement restreindre le viol à l’exercise de la violence, la menace, la surprise ou la contrainte. 

S’ils peuvent se permettre de remettre en question des viols qui sont filmés, dont les preuves sont incontestables, les femmes dans la France entière se demandent : et qu’est qui se passe avec les agressions qui ne sont pas documentées et enregistrées minutieusement par les agresseurs eux-mêmes ? La réponse est malhereussement la norme dans le traitement judiciare des violences sexuelles, une écrasante majorité des plaintes pour viol sont classés sans suites et beaucoup d’affaires de viol sont recalifiées comme simples délits d’agression sexuelle et pas jugées comme des crimes. Le traitement de la justice renvoie à une forme sociale d’impunité de la violence sexuelle. 

Les propos tenus dans les médias concernant l’affaire ne sont pas mieux. La parole des victimes est très souvent remise en question et les hommes veulent absolument obtenir des déclarations selon lesquelles “ce ne sont pas tous les hommes”. 

 

En finir avec le patriarcat nécessite un mouvement d’ampleur pour questionner le système

Nous ne sommes pas tous et toutes égales face à la violence. Nous vivons tous et toutes dans le patriarcat, un système d’organisation sociale qui nous opprime et qui violente les corps des femmes particulièrement. Un système qui organise la domination et accorde aux femmes un rôle subordonné aux hommes. Un système dont le capitalisme s’en sert pour s’approvisionner en travail domestique non rémunéré qui rend les femmes dépendantes au foyer et à la tâche de faire des enfants, en demandant maintenant un peu plus d’effort car nous devons nous rendre disponibles pour “le réarmement démographique”. Un système qui dévalorise la place sociale des femmes sur plusieurs plans et notamment sur celui de la production puisque leurs travaux sont très souvent moins bien rémunérés. En France chaque année, le média Les Glorieuses estime à partir de quelle date le travail des femmes n’est plus rémunéré. Pour 2024, la date est le 8 novembre à partir de 16h48.

Nous nous sommes rendus à Paris au rassemblement Place de la République, suite à l’appel de quelques personnalités qui a été relayé par des associations féministes comme le Planning Familial, la Fondation des Femmes et Nous Toutes. 

Avec une écrasante majorité de femmes présentes samedi 14 septembre pour exprimer leur soutien à Gisèle mais aussi aux autres victimes, et pour formuler des revendications. Une demande claire et forte d’implication des hommes dans la lutte à été ennoncée dès le debut de l’appel car la culture du viol et son impunité provoque beaucoup de mal. Comment une centaine d’hommes n’ont pu, à aucun moment, se poser des questions sur les messages en ligne proposés par Dominique Pelicot ou sur des viols commis sur une femme “endormie” ? Combien de personnes durant toutes ces années de violence ont su et n’ont rien dit ? 

Lors des prises de parole, un appel à une loi intégrale contre la violence a été annoncé par Anne-Cécile Mailfert, présidente de la Fondation des Femmes. La Fondation des Femmes estime qu’il faut 3 milliards d’euros pour des programmes d’aide aux victimes, de protection de l’enfance et de protection des victimes de violences sexistes et sexuelles. 

Nous sommes aussi pour l’implantation effective et masive de l’éducation à la vie affective et sexuelle, outil qui devient fondamental dans le repérage par l’école des situations de violence sexuelle contre les enfants mais aussi qui devrait servir à diminuer la reproduction de la violence machiste dans nos sociétes. 

Seule l’organisation des concernées, les femmes, de toutes origines, organisées dans un mouvement puissant qui demande l’appui des autres secteurs opprimés en lutte pourra acquérir de telles revendications. Un mouvement qui tranforme la stupeur et le dégoût face aux récits de viol qui s’ajoutent les uns aux autres en une colere organisée pour obtenir nos revendications. Le développement d’un tel mouvement profondément politique entraîne la possibilité de politiser massivement les femmes, de les intéresser à l’ensemble des question politiques, et, nous l’espérons, de se rallier aux autres secteurs opprimés pour en finir avec toutes formes d’exploitation, objectif impossible dans le futur pourri que le capitalisme du XXIe siècle nous propose aujourd’hui. Notre avenir nous appartient ! 

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