
Malgré la victoire du Nouveau Front Populaire au nombre sièges à l’assemblée, Macron a décidé de nommer un gouvernement issu d’une minorité de l’Assemblée. Cette décision légale et constitutionnelle est un usage de l’arsenal autoritaire prévu par les textes de la Ve République tout comme l’usage systématique du 49.3. La nomination de ce nouveau gouvernement proche de l’extrême-droite est le signe d’une démocratie bourgeoise à bout de souffle et d’un patronat qui prépare les travailleur.euses à la répression et à l’austérité.
La Ve République, une arme contre la démocratie
Après le quinquennat de François Hollande, le système bipartiste officieux PS-LR effondré a laissé la place à “l’extrême-centre, ni de gauche, ni de droite” de Macron, chargé de reprendre en main les affaires de la bourgeoisie face à une instabilité prochaine de polarisation entre une extrême-droite montante et les néo-réformistes.
Macron commence son premier mandat dans un contexte de reprise de la lutte des classes côté ouvrier, commencée dès 2006 contre le CPE puis face aux politiques réactionnaires de Sarkozy et aux trahisons de Hollande et de son gouvernement PS-EELV. Il utilise rapidement l’arsenal autoritaire de la constitution qui permet à l’exécutif de décider à la place du parlement, un système bonapartiste qui met les intérêts de la nation et de la bourgeoisie au-delà de la volonté démocratique populaire.
Des institutions comme le conseil constitutionnel, le Sénat et la justice sont profondément anti-démocratiques et ne servent que de couverture pour légitimer les décisions de l’exécutif. La Ve République n’est pas une république parlementaire mais une république présidentielle. Dans l’État bourgeois, le pouvoir n’appartient pas aux politiciens, ils ne sont que des exécutants de la bourgeoisie. La Ve République, avec son fonctionnement présidentialiste, donne tout le pouvoir à l’exécutif, libre d’appliquer la politique de la bourgeoisie encore plus facilement que dans les autres démocraties parlementaires. La division des pouvoirs n’est qu’une illusion, le législatif ne sert pas à faire contrepoids et la justice est subordonnée à l’exécutif.
La Ve République est née d’un coup d’État militaire de De Gaulle en pleine guerre coloniale. La nouvelle constitution qu’il a lui-même rédigé avait un objectif principal : préserver la place de la France à l’international dans la nouvelle période de Guerre Froide et de décolonisation. Encore aujourd’hui, les affaires étrangères sont l’affaire du seul exécutif. Les nations capitalistes pauvres tombent dans la dictature, comme l’Allemagne et l’Italie suite à la Première Guerre mondiale. Il était ainsi nécessaire pour la France en perte de son empire colonial de se tourner vers un régime plus autoritaire. Si la France a su remodeler et préserver cet empire, la constitution de la Ve République contient l’arsenal autoritaire nécessaire en cas de perte de cet empire et de perte de vitesse de la France face aux nouveaux impérialistes. On explique ainsi la montée de l’extrême-droite dans les nations européennes et la convergence programmatique du néo-libéralisme vers cette dernière. Il faut organiser et armer notre classe face à la montée de l’autoritarisme et non l’envoyer dans le piège des solutions institutionnelles comme le Front Populaire en 1936 qui a même réprimé sa propre base ouvrière et l’a ainsi désarmé face à la guerre et l’arrivée de Pétain.
La VIe République, un projet bourgeois
Encore aujourd’hui, la gauche ne propose que des solutions institutionnelles face à la montée de l’autoritarisme et de l’extrême-droite : voter plus, pointer les abstentionnistes, désigner le Parlement comme terrain principal où porter nos revendications. Tout ce que propose la gauche institutionnelle est un retour à une république plus parlementaire à l’image de la IIIe et de la IVe. Le projet de VIe République de LFI ne servirait qu’à donner à ses représentants une place majoritaire certaine au sein d’un tel système pour devenir un véritable parti de gouvernement. Les cadres de LFI comptent arriver à ce résultat par une procédure de destitution vouée à l’échec, par des bagarres en commissions parlementaires et des appels à manifester uniquement en soutien à des projets de lois et de motions, sans aucune organisation des masses.
Il y a une incohérence entre les positions de LFI de dépasser la Ve République antidémocratique et en même temps de jouer son jeu d’attendre une solution par ses institutions et les élections. LFI accepterai d’appliquer son programme tout n’en étant élu que par une minorité de la population, c’est une position contradictoire. Le programme du NFP et la nomination de Lucie Castets au poste de première ministre manquaient de légitimité par les votes, selon les critères même de LFI qui revendique la proportionnelle. Il ne fallait alors pas organiser de manifestation pour soutenir la nomination de Lucie Castets mais contre la Ve République anti-démocratique.
Ce n’est donc pas une surprise qu’à la sortie des élections, le NFP ait abandonné ce qu’il lui a pourtant donné naissance : la lutte contre l’extrême droite. Comment lutter efficacement contre l’extrême droite en défendant une victoire dans un système anti-démocratique, en omettant le fait qu’en comptant les voix à la proportionnelle, le FN a fait de meilleurs pourcentages que le NFP. Les défenseurs de la VIe République soutiennent soudainement la Ve, cherchent à destituer Macron pour le remplacer et gouverner avec les mêmes outils. En se jetant dans l’arène institutionnelle, la gauche a dû opérer une convergence vers les idées réactionnaires, racistes et nationalistes pour défendre ses sièges.
Le projet de VIe République est bourgeois car il ne s’oppose pas au capitalisme et cherche seulement à mieux le gérer. Le fonctionnement de son assemblée constituante serait ultra-bureaucratique, s’appuyant sur une participation volontaire de la population et donnant aux municipalités un rôle de présidence de forums citoyens locaux où l’on s’exprime par doléances. Il n’y aurait pas de suppression de la fonction présidentielle et de fusion de l’exécutif et du législatif ; un gouvernement serait formé par le groupe majoritaire à l’assemblée, représentant donc encore seulement une minorité de la population. Les forums citoyens seraient eux un lieu investi seulement par les militant.es de parti et non par l’ensemble de la population. Une telle VIe République obtenue sans mobilisations et organisation des masses ouvrières ne serait pas investie par ces dernières, gagnée par une victoire minoritaire aux élections elle est vouée à être un nouvel outil pour l’extrême-droite.
Le gouvernement des travailleur.euses et le Programme de transition
Nous devons par la rue imposer le gouvernement des travailleurs et travailleuses qui sera ouvertement en confrontation à la dictature de la bourgeoisie, il est à construire par la lutte pour que l’extrême-droite n’y ai pas sa place.
Cette position démocratique est nécessaire dans la période actuelle où les éléments objectifs de la révolution socialiste, la crise et les guerres sont présents mais l’élément subjectif, la conscience de classes des masses ne l’est pas encore. Nous devons porter ces revendications démocratiques et s’en servir pour élever la conscience de notre classe, mener la lutte pour la démocratie, prouver que seules les méthodes des révolutionnaires sont les bonnes pour défendre les intérêts de la classe ouvrière.
Il faut s’organiser pour défendre et gagner des droits démocratiques qui renforcent la lutte de notre classe face à la bourgeoisie et donneront aux révolutionnaires plus de terrain pour leur lutte. Le gouvernement des travailleur.euses s’inscrit dans la période de transition vers le socialisme. Il devra ainsi coexister un temps avec l’État bourgeois, le patronat et sa propriété privée. Cette période de confrontation égal à égal entre le prolétariat et la bourgeoisie, nous devrons la mener à la dictature du prolétariat face à la dictature fasciste de la bourgeoisie.
Ce gouvernement n’aura qu’une assemblée constituante unique regroupant les pouvoirs exécutif et législatif. Le poste de président, les ministères et le Sénat sont abolis. La constituante représente à la proportionnelle le résultat des élections générales organisées tous les deux ans ; toute personne ayant été élu sous la Ve République ne peut pas s’y présenter ; les différents mandats ne sont pas cumulable, un même mandat ne peut pas être reconduit et les élu.es sont révocable à tout moment. Les élu.es touchent une indemnisation égale au salaire moyen. Les tribunaux bourgeois sont remplacés par des tribunaux populaires avec des juges élu.es et un jury. La police est remplacée par une milice ouvrière. Des comités d’usines et de surveillance des prix sont mis en place localement.
La lutte contre la Ve République est indispensable dans la période actuelle pour organiser notre classe. Il est nécessaire de faire tomber cette République par la force de la mobilisation et de la grève. Le gouvernement des travailleurs et des travailleuses issu de la lutte n’est pas un objectif final mais une tâche transitoire vers la révolution socialiste.