Le marxisme et la transition socialiste. Volume I : État, pouvoir et bureaucratie

Introduction au premier volume du nouveau livre de Roberto Sáenz. Une étude exhaustive sur l'expérience du XXe siècle et les leçons qu'il a laissées pour les révolutions socialistes à venir.

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Kazimir Malevich. La moisson du seigle, 1911

L’édition a été reportée de quelques mois pour un certain nombre de raisons techniques, mais elle sera bientôt publiée au format pdf gratuitement pour être partagée internationalement par les militants socialistes révolutionnaires et les universitaires intéressés par la tradition de Marx et Engels et celle du marxisme révolutionnaire dans son époque classique (Lénine, Léon Trotsky, Rosa Luxemburg, Antonio Gramsci et Christian Rakovsky).

Il s’agira évidemment d’une approche critique qui, en plus de nos classiques et d’auteurs marxistes contemporains que nous ne nommerons pas ici, vise à sauvegarder les contributions de marxistes anti-staliniens «oubliés» tels que Christian Rakovsky, Karl Korsch, Hal Draper, Karel Kosík, Pierre Naville, Raya Dunayevskaya, Moshe Lewin, Victor Serge, Tony Cliff, Ernest Mandel, Nahuel Moreno, Ernst Bloch, George Breitman, Daniel Guérin, Ágnes Heller, Evald Ilyenkov, Roland Lew, Karol Modzelewski, Maximilien Rubel, Léon Sedov, Lucio Colletti, Cornelius Castoriadis, Tamás Krausz, et même des écrivains comme Panaït Istrati, André Gide, Vassili Grossman et d’autres. Ces intellectuels marxistes et révolutionnaires ne figurent généralement pas dans les académies, ni même dans les maisons d’édition marxistes d’Amérique latine. [2]Sur la base du travail de quelque 120 auteurs et de l’expérience pratique et historique des révolutions d’après-guerre, ainsi que du militantisme révolutionnaire quotidien des quarante dernières années (national et international), principalement au sein de la classe ouvrière et de la jeunesse, nous avons produit cet ouvrage.[3]

Il s’agit d’un ouvrage en deux volumes, dont le premier traite de manière générale des problèmes de l’État en transition et le second des problèmes de l’économie de la transition socialiste.

Notre premier volume sera publié dans les prochaines semaines en format numérique et bientôt en espagnol, portugais, anglais et français.

Sans plus attendre, nous vous laissons avec le chapitre introductif du premier volume de notre travail.

 

1- Marx et le stalinisme

La théorie de l’État chez Marx et Engels est fondamentale pour revenir sur le bilan du stalinisme. Il y a deux façons d’aborder cette théorie qui, comme nous le savons, n’a pas été systématisée par nos classiques.

La première est liée à l’approche théorique de la question, notamment chez Marx. Il est notable que, théoriquement et historiquement, cette approche s’est de plus en plus enrichie, révélant plusieurs angles : le problème de la séparation entre l’État et la société, la question du caractère de classe de l’État bourgeois comme «junte qui administre les intérêts communs des capitalistes», le problème de l’appareil d’État et du «gouvernement au rabais» que l’expérience de la Commune de Paris avait soulevé, le caractère parasitaire de l’État, dénoncé par Marx sous Louis Bonaparte comme suçant le sang de la société, etc…, [4] ces angles d’approche sont complémentaires.

En résumé, les deux aspects dominants de l’élaboration classique de l’État, complémentaires mais non identiques, sont, d’une part, le caractère de classe de tout État, c’est-à-dire une institution aux mains de la classe ou de la couche dominante pour tenir en échec les exploités et les opprimés, comme c’est le cas de l’État capitaliste ou de la dictature du prolétariat, par laquelle la classe ouvrière exerce le pouvoir à l’exclusion de la bourgeoisie (les droits de propriété de cette dernière lui sont retirés, de même que la citoyenneté). Et d’autre part, fondamental pour la transition en ce qui concerne la classe ouvrière elle-même, le problème du caractère distinct de l’État par rapport à la société exploitée et opprimée, par exemple sous le capitalisme, où l’État apparaît comme une abstraction censée représenter l’ensemble de la société (l’abstraction du citoyen par rapport à la personne privée dans la société civile), ou dans l’État ouvrier, dans la dictature du prolétariat, avec le danger d’une bureaucratie remplaçant la classe ouvrière dans l’exercice du pouvoir.[5]

Cette dernière problématique est centrale dans l’approche de la transition socialiste, car si dans les approches traditionnelles la dictature du prolétariat est une forme de domination de classe par rapport aux anciennes classes dominantes, on ne souligne pas assez que, par rapport à la classe ouvrière elle-même, les formes séparées d’État sont le symptôme que quelque chose ne va pas dans la transition (Trotsky, chapitre III de La Révolution trahie). L’État n’est pas résorbé dans la société, mais c’est le contraire qui est vrai : de manière exagérée, la société est «étatisée» (ce n’est pas par hasard que Trotsky a fait remarquer que, contrairement à Louis XIV, qui affirmait «Je suis l’État», Staline semblait affirmer «Je suis la société»). Dans notre travail, nous développerons en détail la problématique de l’étatisation des catégories de l’économie politique et même de l’étatisation de bien d’autres instances du social dans l’État bureaucratique (ce qui n’est pas la même chose que de passer à la catégorie du totalitarisme, dépourvue de nuances).

Au-delà de ce qui précède, et des divers biais que l’on trouve dans le marxisme classique à propos de l’État, on peut dire que la théorisation la plus développée de l’État se trouve chez le jeune Marx : dans La question juive (1844), dans l’Introduction à la critique de la philosophie de l’État de Hegel (1843), et surtout, brillamment, dans la Critique de la philosophie de l’État de Hegel (1843), un texte majeur et injustement peu parcouru.

La critique de Hegel porte sur divers aspects théoriques et méthodologiques de l’État. Marx avait en tête une «double critique» de l’État prussien tel qu’il se présentait au début du 19ème siècle, ainsi que de la conception de Hegel sur cet État, conception que, paradoxalement, Marx considérait comme une approche novatrice (une analyse non conservatrice ; le positionnement politique de Hegel par rapport à cet État était une autre question). Cette approche moderne rendait compte de certains traits généraux de l’État capitaliste émergent, avec sa division caractéristique entre l’État et l’économie, sa particularité générale «d’abstraction politique», c’est-à-dire la séparation entre l’individu dans sa capacité économique au sein de la société civile et le citoyen au niveau de la sphère politique, la problématique de la bureaucratie d’État, etc.

Cette séparation caractéristique de l’État et de la société exploitée et opprimée sous le capitalisme conduit d’ailleurs à une réflexion sur la nécessité d’y mettre fin : l’État cesse d’être une forme distincte et tend donc à sa propre dissolution, un aspect éclairant pour la transition socialiste.

Marx fait une critique méthodologique de Hegel dans le sens de l’inversion du sujet et du prédicat chez ce dernier. [6]Chez Hegel, l’État est le sujet des relations sociales, et la société civile et la famille en sont les prédicats, et non l’inverse, comme c’est le cas dans la réalité : l’État est un sous-produit de la société qui est irrémédiablement empêtrée dans les contradictions sociales et de classe qui le rendent nécessaire .

Il ne fait aucun doute que, dans le même temps, l’État réagit sur la société, c’est un aspect important pour comprendre les expériences anticapitalistes du siècle dernier.

En gardant à l’esprit le problème de la séparation entre l’État et la société, Marx fait des remarques pertinentes, comme lorsqu’il affirme que «la démocratie est à la fois une forme et un contenu». Qu’entend-il par là ? Que lorsque la société est présente dans l’État, lorsque ce que l’État représente est la société elle-même, lorsque les deux termes sont mis sur un pied d’égalité, l’État perd sa nécessité ; son existence devient superflue : il cesse d’être une forme distincte, se liquidant lui-même en tant qu’État.

Marx fait des remarques acerbes sur la bureaucratie prussienne et la bureaucratie en général lorsqu’il dit qu’elle est un «tissu d’illusions pratiques». Cela renvoie à l’idée que la bureaucratie n’a pas d’autre choix que d’administrer les personnes réelles et la société de chair et de sang en dehors d’elle, dans la société civile. Les problèmes de la bureaucratie ne seraient pas les siens, pour ainsi dire, mais les questions matérielles inscrites dans les relations sociales, que la bureaucratie soumet à son formalisme, à son administration. Dans Le Nouveau Cours, Trotsky reprend cette idée en soulignant que la bureaucratie est l’administration des personnes et des choses.

La bureaucratie est donc l’expression politique et étatique des corporations de la société civile. Mais, paradoxalement, la bureaucratie, sous-produit des corporations, se transforme en corporation et commence à les affronter ; elle commence à affirmer ses propres intérêts.

Marx introduit ici l’idée que la bureaucratie tient l’État comme propriété privée, concept repris par Rakovsky pour comprendre le processus de bureaucratisation en URSS : la bureaucratie tend à se donner des fondements dans la société. Et Marx joue, dans sa critique de Hegel, avec l’idée dialectique que toute conséquence qui lutte contre ses causes revient sur elles. Pour nous, cette idée est essentielle pour comprendre que la bureaucratie n’est pas dans tous les cas simplement le personnel d’une classe sociale fondamentale.

Marx conclut sa critique de Hegel en abordant le sujet de l’entail estate, une forme absolue de propriété privée qui outrepasse les lois du marché. C’est une forme extrême de propriété privée, parce qu’elle est caractérisée comme une forme absolue de propriété, bien que la propriété privée capitaliste n’ait pas de restrictions à l’achat et à la vente au-delà de la volonté des propriétaires. Dans le cas présent, ce n’est pas le cas : le droit de propriété est établi pour empêcher la subdivision des terres et, en ce sens, il ne découle pas du marché libre. En vertu d’un mandat institutionnel, la propriété de la terre doit revenir au premier né de sexe masculin.

La réflexion de Marx est que cette forme de propriété s’impose au-delà de la volonté des êtres humains : il y a une inversion totale des rapports sociaux où les choses, la propriété privée de la terre avec sa logique propre contre la subdivision territoriale, s’impose aux désirs ou à la volonté des gens ; une autre forme de fétichisme, d’inversion des rapports réels. C’est ce qui a entraîné l’entail : la terre était invariablement donnée au premier enfant mâle. Il faut savoir que l’emphytéose est une forme de propriété privée précapitaliste, car elle introduit un critère qui empêche le libre fonctionnement du marché.

La théorie de Marx sur l’État et la bureaucratie, son développement dans le dos de la société et, en opposition, l’engagement radical-démocratique-socialiste pour une prise en charge de la société par elle-même, tendent à la disparition de l’État en tant que tel après le passage par la dictature du prolétariat ; ils laissent des éléments essentiels pour une approche critique de l’expérience du vingtième siècle.

Passons maintenant au volet plus classique mais non moins important de la théorie marxiste de l’État : le caractère de classe de l’État, le fait que l’État soit celui de la classe dominante, une «superstructure» dérivant de la structure de classe de la société. La classe dominante dans les rapports de production est dominante dans l’État. Sa fonction générale est d’assurer la reproduction de ces rapports de production et, dans le cas du capitalisme, d’assurer les conditions générales de cette reproduction : les forces répressives et les lois qui la rendent possible, ainsi que les formes de domination politique et les investissements dans des infrastructures trop coûteuses pour être entreprises par des capitalistes individuels (Marx donne l’exemple des chemins de fer dans le premier volume du Capital, cet immense travail d’infrastructure de son époque ; il introduit le concept de «conditions générales de l’accumulation capitaliste» pour se référer à ce type de travail).

Le caractère de classe de l’État est lié à un autre aspect de l’État ou du semi-État prolétarien dans la transition, celui de la dictature prolétarienne en tant que dictature de classe. L’État prolétarien, la dictature prolétarienne, pris ici comme synonymes – nous verrons dans notre travail que cette assimilation entraîne sa complexité – est la dictature de la classe ouvrière une fois que les capitalistes ont été expropriés. La classe ouvrière est censée dominer au niveau de l’État et dominer au niveau de la production.

Tous ces développements sont devenus complexes. Et avec la bureaucratisation de la révolution, la bureaucratie a cessé de dépendre de la classe ouvrière. L’État a été décaractérisé et est revenu à la structure sociale elle-même, liquidant, à notre avis, le caractère ouvrier de l’État.

Quoi qu’il en soit, ce qui nous intéresse ici, c’est que les deux approches de l’État, l’État comme séparé de la société et l’État comme expression de la classe économiquement et socialement dominante, se complètent dans l’approche marxiste de l’État et sont des outils à utiliser de manière subtile et non mécaniste – contrairement au mécanisme avec lequel ils ont été utilisés dans de nombreux cas – pour évaluer les leçons des expériences non capitalistes du siècle dernier.

La théorie marxiste de l’État a d’autres facettes ou angles complémentaires que nous développerons dans notre travail. Mais ce sont les deux aspects théoriques les plus classiques qu’il faut mettre en œuvre pour comprendre le processus de transition et les leçons du siècle dernier.

Comme deuxième plan d’approche, il y a les éléments concrets-historiques de l’État, et même anthropologiques. Cet angle a plusieurs jalons dans l’œuvre marxiste, comme Le 18e Brumaire de Louis Bonaparte, La lutte des classes en France, Révolution et contre-révolution en Allemagne, La guerre civile en France et les textes d’anthropologie historique de Marx et Engels en relation avec les sociétés communautaires. [7]C’est le cas du précieux texte engelsien L’origine de la famille, de la propriété privée et de l’État (1884) et des Notes ethnologiques de Marx (1881-83), extrêmement riches et auxquelles Marx a consacré une énergie importante dans les dernières années de sa vie, ainsi que des notes tout aussi prolifiques des Grundrisse, des Formes préalables à la production capitaliste (1857-58) et même des notes anthropologiques faites par Marx et Engels dans le premier chapitre de L’idéologie allemande (1846). Il s’agit de textes d’inscription inégale dans lesquels est abordée la problématique des différents rapports de production et des états historiques : les différents types d’états et leurs divers rapports à l’économie.

C’est précisément ce que nous voulons souligner dans cette note introductive : l’approche de l’État par Marx et Engels est une approche historique d’une institution vouée à la disparition : une institution historique qui a subi des modifications concomitantes aux différentes formations économico-sociales qui ont marqué l’expérience humaine. Cet État, abordé de manière concrète, c’est-à-dire historique, revêt des formes diverses en fonction de la transformation des rapports sociaux et des modes de production. [8]Cet État n’existait pas dans les formes communautaires antérieures d’organisation humaine.[9]

Signalons que le concept de mode de production est de toute façon un concept stylisé, une sorte de «type idéal» wébérien. [10]C’est pourquoi nous préférons utiliser le concept de formation socio-économique pour l’analyse des sociétés en transition ou dont la transition a été bloquée au siècle dernier. Ce dernier concept permet de parvenir à l’objet concret-historique que l’abstraction du mode de production laisse de côté. [11] Ce dernier «modèle» reste, répétons-le, un «type idéal» : il n’y a pas de «mode de production» en dehors des traits caractéristiques communs aux diverses formations économico-sociales d’un même type.

Cet angle est important pour une approche critique des expériences non capitalistes du siècle dernier, pour comprendre qu’il n’y a pas qu’un seul type d’État – les États de classe proprement dits – mais aussi proprement des «formes bureaucratiques d’État» comme l’État «asiatique» (en réalité sa portée était universelle) et les États bureaucratiques non capitalistes du siècle dernier, [12] de même que, dans la perspective du communisme, des sociétés sans État et sans classes sociales exploitantes peuvent aussi exister – ont existé historiquement – (Rosa Luxemburg a été la seule socialiste révolutionnaire de l’âge d’or à se préoccuper de cette question, dans Introduction à l’économie politique).

Au total, l’approche historique de l’État et des classes sociales montre qu’il n’y a rien de rigide ou de schématique dans leur évolution. Toute approche doit être historiquement concrète, loin de tout mécanisme.

 

[1] Dans diverses parties du monde, par exemple au Brésil, le stalinisme ou les courants staliniens commencent à nouveau à se développer au sein de l’avant-garde, face à la confusion qui règne quant à la perspective socialiste et même à la barbarie que représente aujourd’hui le capitalisme. Des auteurs à la mode, comme Domenico Losurdo, récemment décédé, défendent Staline et le stalinisme dans son œuvre.

Pendant ce temps, Louis Althusser, philosophe du stalinisme tardif, est toujours en vogue dans les académies, philosophe du stalinisme tardif qui se fait adouber par divers courants qui se nomment «socialistes révolutionnaires» et qui sont précisément ceux qui se demandent «à quoi sert le bilan du stalinisme» ?

[2] L’auteur de cet ouvrage, issu des classes moyennes, a travaillé plusieurs années en usine et a vécu près de vingt ans dans un quartier populaire du Grand Buenos Aires. C’était mon université.

[3] Le contexte de ce deuxième volume se trouve dans Dialéctica de la transición. Plan, mercado y democracia obrera, 2011, izquierda web, cet essai peut être lu comme un «complément» à ce premier volume jusqu’à ce que le second volume paraisse l’année prochaine.

[4] La reconstruction de Paris entreprise par le baron von Haussmann sous le règne de Louis Bonaparte n’était pas strictement parasitaire, mais elle était controversée. La reconstruction avait un caractère de classe évident et s’est terminée par un scandale financier, ce qui n’enlève rien au fait que, d’une certaine manière, elle a embelli et donné de la magnificence à la «Ville Lumière».

[5] «A la suite de Marx et d’Engels, Lénine voit le premier trait distinctif de la révolution dans le fait qu’en expropriant les expropriateurs, elle abolit la nécessité d’un appareil bureaucratique pour dominer la société (…) En son temps, cette critique était dirigée contre les socialistes réformistes (…) ; aujourd’hui, elle est dirigée contre les idolâtres soviétiques et leur culte de l’Etat bureaucratique, qui n’a pas l’intention de s’éteindre » (Trotsky : 2008 : 55).

[6] C’est l’éducation d’Engels dans L’origine de la famille, de la propriété privée et de l’État lorsqu’il insiste sur le fait que l’État n’est pas un «caprice», mais un développement nécessaire à un certain stade de la société humaine.

[7] Voir notre anthropologue Engels, izquierdaweb.

[8] Il est intéressant de noter comment l’œuvre de Marx retrouve sa pertinence dans ses différentes «extensions» en fonction des circonstances historiques et politiques. Il a été souligné que, ce n’est pas une coïncidence, cela s’est produit dans les années 1950 et 1960 avec les travaux du jeune Marx sur les problèmes de la bureaucratisation des révolutions anticapitalistes. Aujourd’hui, en revanche, de nombreux chercheurs se concentrent sur l’œuvre tardive de Marx, pour ainsi dire, compte tenu de l’importance qu’il accorde à l’étude des sociétés situées en dehors de l’Occident capitaliste, de ses notes ethnologiques, de sa sensibilité écologique, etc.

[9] Il y a des caractéristiques qui constituent un mode de production particulier. Mais en réalité, chaque formation sociale concrète présente une certaine combinaison de modes de production. Ce n’est que dans sa forme pure et idéale qu’il existe un mode de production homogène.

[10] Pierre Rousset fait un constat précieux en indiquant qu’il faut cesser de considérer ces sociétés comme si elles avaient été «transitionnelles vers le socialisme» et ne les considérer que comme des «sociétés transitionnelles», un constat pour rompre avec le mécanicisme de l’environnement.

[11] Lorsque l’économiste marxiste Michel Husson parlait de «capitalisme pur» pour désigner les caractéristiques actuelles du capitalisme (remises en cause dans la nouvelle étape que nous traversons en cette troisième décennie du XXIe siècle, bien que toujours dominantes), il sous-entendait que le capitalisme néolibéral ressemble à l’idéaltype du capitalisme. Nous utilisons cet exemple pour préciser que toute formation historico-sociale concrète est «plastique» : elle a des caractéristiques qui lui sont propres et qui, en s’en abstrayant, en cherchant ce qui est commun dans la diversité des différentes formations capitalistes, aboutissent au concept de mode de production spécifiquement capitaliste dont Marx a parlé pour comprendre qu’il est déjà basé sur des mécanismes qui lui sont propres : l’exploitation économique de la main-d’œuvre salariée. C’est-à-dire une forme d’exploitation strictement économique, non fondée sur la violence ou l’appropriation par le vol pur et simple, qui caractérise l’accumulation capitaliste primitive. La problématique des formations économico-sociales et leur rapport avec le concept de mode de production sera développée dans nos travaux.

[12] Sa belle approche se termine ainsi : «La noble tradition du passé lointain a ainsi tendu la main aux efforts révolutionnaires de l’avenir » (2015 : 76). Luxemburg fait ici référence à l’importance stratégique de l’étude des communautés primitives.

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