Dans le film d’Olivier Besancenot et Nico Dix “Rouge, la couleur qui annonce le journal”, nous sommes à la Rotographie à Montreuil, dans le temps présent, pour une série d’entretiens avec les militant.es. A l’époque, les militant.es se sont embarqué.es dans l’aventure de transformer l’hebdomadaire Rouge, journal de la Ligue Communiste Révolutionnaire, en quotidien. Cette aventure a duré 3 ans. Son premier numéro est sorti en mars 1976.
Des débats des années 70 qui font écho aujourd’hui
Deux groupes de personnes réalisant le journal sont filmés : les camarades qui manoeuvraient les machines pour l’impression et les camarades qui étaient à la rédaction du journal. Au fur et à mesure que le film avance, cette division entre travail manuel et travail intellectuel se présente comme une problématique qui risque de briser les liens de camaraderie au sein de l’organisation. De même, le fait que les camarades développent une tâche pour l’organisation en qualité de permanent.es ou de salarié.es de l’organisation posait la question de la nature de la relation de travail. Le débat sur les permanent.es reste toujours d’actualité pour les organisations : leur lien avec la classe ouvrière et les potentielles aliénations liées à certaines tâches militantes.
Un autre aspect de la période illustré par le documentaire est la réflexion féministe et la place des femmes dans la société. Nous parlons de la France des années 70, du MLF, du procès de Bobigny, du procès de Aix-en-Provence, entre autres. Les camarades nous montrent des tâches considérées comme masculines dans le monde de l’imprimerie et de la rotographie faites au sein du travail de la Roto de Montreuil tant par des hommes que par des femmes, sans distinction. Mais des réflexions sur la maternité et la division entre la vie personnelle et la vie et l’engagement militant des femmes et des hommes se sont poursuivies dans les récits de camarades femmes qui ont participé à construction du quotidien Rouge.
Le militantisme et les besoins historiques de la classe
A plusieurs reprises, tant dans le film que dans les échanges qui ont suivi la projection au Cinéma Méliès à Montreuil, les camarades semblent avoir été marqués par une définition de la période : ‘“L’Histoire nous mord la nuque”. Cette définition de Daniel Bensaïd marque sa caractérisation de la période post mai 68 où ils pensaient que la révolution arriverait prochainement. Cette actualité de la révolution inspirait et demandait des efforts colossaux pour rattraper la politisation et donner des réponses aux secteurs de masses de la classe ouvrière.
Ce que nous pouvons tirer comme leçon est l’importance de la caractérisation de la période qui permet une intervention adaptée aux tâches révolutionnaires nécessaires à mettre en œuvre dans un moment déterminé ; et sur une note optimiste, la valorisation du savoir-faire militant. Nous sommes reconnaissant.es des efforts volontaristes qui ont été déployés de la part des camarades pour accomplir, pendant quelques années, une expérience de construction d’un organe politique au service des luttes et du développement de la conscience de classe.