Toujours aucun chiffre officiel concernant le nombre de mort.es et blessé.es à Mayotte n’a été communiqué. Nous entendons des rumeurs de dizaines de mort.es selon la préfecture, plus d’une centaine selon les secouristes, ou encore le chiffre de 60 000 mort.es a même été évoqué.
Ce qui ressort est que trop de mahorais.es vivent dans des conditions précaires et dans des logements de fortune incapables de tenir face au cyclone. La situation actuelle n’est que le résultat de plus de 50 ans d’ingérence française aux Comores et dans l’Océan Indien. Face à la catastrophe, le gouvernement ne répond que par la violence coloniale.
Le 19 décembre, Emmanuel Macron est accueilli par les mahorais.es le huant et criant “Macron démission”, celleux qui ont pu lui parlé n’ont que témoigné de la situation de grande précarité qu’il y a à Mayotte : aucun accès à l’eau, à l’électricité et aux soins. Macron n’a su y répondre que par le mépris : “si ce n’était pas la France vous seriez 10 000 fois plus dans la merde”, la réalité est que si les mahorais.es sont aujourd’hui dans cette situation catastrophique c’est bien à cause de la France.
Mais comme dans chaque crise à Mayotte, il y a un bouc-émissaire tout-prêt à être ressorti : les comorien.nes sans-papiers. La député d’extrême-droite de Mayotte Estelle Youssoufa dit ainsi : “La destruction des bidonvilles (lors de l’opération Wuambushu) était pour la protection même des habitants qui habitent dedans. Ces bidonvilles sont devenus des cimetières à ciel ouvert avec ce cyclone”. Elle dit ensuite par rapport au manque de ressources de première nécessité pour les mahorais.es : ”des pillages et des exactions se seraient produits“, mettant sur les comorien.nes la faute de la pénurie organisée par l’État. Sur RMC, l’éditorialiste Barbara Lefevre dit : “La moitié de la population de Mayotte c’est des clandestins, et il faudrait qu’on leur fasse une minute de silence?”
Nous devrions donc comprendre que le bilan désastreux du passage de Chido est de leur faute, à cause de leur présence irrégulière à Mayotte, la France n’aurait donc aucune responsabilité dans le bilan.
La réalité est tout autre, Mayotte est le département le plus pauvre de France, 80% de la population vit sous le seuil de pauvreté, la moitié est sans-emploi, les services publics sont défaillants et très peu nombreux (à l’exception bien sur de la police) et les infrastructures vieillissantes, Mayotte était incapable de faire face à un cyclone aussi intense que Chido. Mais il n’était pas pour autant une surprise apparue à la dernière minute, dès le 9 décembre (soit 5 jours avant son arrivée à Mayotte) les prévisions météo avaient prévenu de son intensité et le 11 décembre Mayotte avait été placé en alerte cyclonique par plusieurs centres météo. Cependant, ce n’est que le 13 décembre à 22h que l’alerte rouge est déclarée par les pouvoirs publics français.
Ce n’est que le matin du 14 décembre que l’alerte violette est déclarée et que des centres d’hébergement d’urgence sont ouverts, mais les personnes les plus à risques qui vivaient dans les bidonvilles ont évité de les rejoindre par peur d’un piège pour les déporter, de plus aucun dispositifs n’avait été mis en place pour aller les chercher sur place, seul une alerte sonore en français (langue que beaucoup ne parlent pas) a été diffusée.
Même les habitations et infrastructures en dur n’étaient pas prêtes pour Chido, notamment le CHM (Centre Hospitalier de Mayotte), seul hôpital de l’île qui a vu une partie de son toit arrachée rendant toute une partie inutilisable en pleine situation de crise.
Suite au cyclone, le mercredi 18 décembre l’état de calamité naturelle exceptionnelle a été activé, censé donner le pouvoir aux autorités locales et se débarrasser de toute barrière administrative pour restaurer la sécurité, l’approvisionnement et la santé le plus rapidement possible. Mais rien n’a pu être mis en place depuis, avec quels moyens Mayotte est censée pouvoir gérer la catastrophe ? En réalité l’État français en est toujours le seul gestionnaire.
La seule cause d’un bilan si catastrophique est la politique coloniale de la France, qui n’a jamais cherché à protéger les mahorais.es, l’île ne lui servant que de poste avancée dans le canal du Mozambique. Depuis l’indépendance de la République des Comores, la France n’a pas cessé de la déstabiliser la plongeant dans une crise permanente, forçant des dizaines de milliers de comorien.nes à venir illégalement à Mayotte pour avoir accès au soin ou pour permettre à leurs enfants d’aller à l’école. Iels sont obligé.es de vivre dans des bidonvilles et subissent une véritable chasse à l’homme de la police, les contrôles d’identité sont omniprésents à Mayotte. Les services publics eux n’ont jamais été à la hauteur de la population, la plongeant dans une précarité structurelle ; les mahorais.es n’ont jamais eu leur mot à dire sur leur propre sort.
Dans la situation immédiate, il faut généraliser et rendre gratuit l’accès à l’eau et l’électricité, réquisitionner les biens de première nécessité des commerces, élargir l’accès aux soins pour toustes avec ou sans papiers, proposer des relogements immédiats et lever tous les dispositifs répressifs. Il faudra à terme la construction de logements aux normes paracycloniques dans un parc public avec concertation des mahorais.es, la modernisation de toutes les infrastructures et leur mise sous contrôle public de la collectivité, la réouverture des frontières avec le reste des Comores et la mise en place d’un processus de décolonisation pour rendre Mayotte aux Comores avec des réparations pour sortir le pays de la crise qu’il subit depuis 50 ans.
Pour cela, les mahorais.es devront s’opposer directement au gouvernement français, dépasser la narrative raciste de séparation des mahorais.es et des comorien.nes. Mayotte ne sera jamais reconstruite par l’Etat français mais par les comorien.nes et mahorais.es elleux-mêmes. Nous leur apportons toute notre solidarité.