
Après l’arrestation le 19 mars du maire d’Istanbul, Ekrem İmamoğlu, suivie de son incarcération le 23, les Stambouliotes se sont soulevé·es massivement contre la dictature qu’Erdoğan cherche à imposer. Les prochaines présidentielles turques sont en 2028.
Une contestation plurielle pour la démocratie
İmamoğlu est le candidat du Parti républicain du peuple (CHP), fondé par Mustapha Kemal Atatürk. Le CHP dirigeant les cinq principales villes du pays (notamment Ankara et Izmir), il est le principal parti d’opposition à Recep Tayyip Erdoğan. C’est un parti bourgeois, laïque et nationaliste, toujours rataché à la Deuxième internationale. Si le dirigeant du CHP, Özgür Özel, se pose en organisateur des manifestations et compte bien engranger sur cette vague pour son parti, une révolte bien plus large et radicale pourrait faire chanceler le régime autoritaire d’Erdoğan.
Le syndicat Egitim-Sen a appelé à une journée de grève chez les professeurs de plusieurs établissements le 25 mars. Les étudiant·es soutiennent en ne se rendant plus en cours. Pourtant les centrales syndicales sont dépassées par les évènements et n’organisent pas la lutte. La jeunesse peut elle se mettre en capacité de dynamiser la révolte.
La jeunesse est dans la rue
A Ankara et Istanbul le mardi 8 avril, plusieurs milliers d’étudiant·es ont manifesté malgré les 300 arrestations de jeunes et la perte de vitesse du mouvement en raison de l’Aïd et des fermetures d’universités.
La jeunesse se mobilise aussi en réaction d’une inflation de 93 % cette dernière année. L’enseignement supérieur fait face à des attaques budgétaires. La solidarité entre enseignant·es, étudiant·es et lycéen·es peut s’inscrire dans la durée pour opposer une contestation solide face à la société islamiste réactionnaire et capitaliste qu’Erdoğan cherche à maintenir, et entrainer d’autres secteurs.
La Turquie retrouve le chemin de la révolte après 2013
Ce mois de contestation représente le plus grand mouvement de Turquie depuis le soulèvement de Gezi sur la place Taksim en 2013.
Pour éviter que ne se reproduise cet élan vers la démocratie de 2013 pendant lequel les Stambouliotes se rassemblaient chaque soir pour débattre, le gouvernement a octroyé un congé exceptionnel de neuf jours. Il espérait ainsi que les contestataires se mettent au vert loin de la ville et de son agitation politique. Si le gouvernement d’Erdoğan peut gagner du sursis, la colère s’accumule dans toutes les franges de la population, frappée par l’inflation et la privation de liberté.
La question est maintenant de savoir quelle direction politique peut amener la fronde à faire tomber Erdoğan et à lancer la bataille pour un territoire laïque et socialiste ? Alors qu’Abdullah Öcalan à appelé, depuis la prison où il est détenu depuis 26 ans, à dissoudre le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) à la condition que les Kurdes obtiennent des garanties légales et démocratiques, quelques 282 autres militant·es ont été arrêtés depuis février. C’est le cas de Mehmet Türkmen, dirigeant du syndicat des travailleurs du textile, du tissage et du cuir et de Şenol Karakaş, dirigeant du parti socialiste révolutionnaire des travailleurs, DSIP, lié au parti de l’opposition (voir article).
Si Ekrem İmamoğlu doit être immédiatement libéré et libre de se présenter aux élections, la révolte doit déboucher sur une grève générale pour donner une chance d’aboutir aux revendications des travailleur.euses et de la jeunesse, et tendre vers une assemblée constituante.
Solidarité avec celleux qui luttent pour dégager Erdoğan le tyran !
L’an dernier pour le 1er mai, le gouvernement turc avait déployé un arsenal de 42 000 policiers et mis les transports publics à l’arrêt (dans une ville complètement congestionnée) par peur d’une révolte. Plus de 210 interpellations avaient eu lieu. Depuis 2013, le haut lieu de contestation que symbolise la place Taksim est interdit aux manifestations. Que ce prochain premier mai soit le dernier pour Erdoğan et sa politique autoritaire et réactionnaire !
La persécution du peuple Kurde, des opposant·es politiques, des femmes et de l’ensemble de la classe ouvrière doit cesser ! Le règne d’Erdoğan depuis 2003 n’a que trop duré, nous envoyons toutes notre solidarité à celles et ceux qui occupent les rues pour le dégager, vers une Turquie laïque et socialiste.
Sources :
www.contretemps.eu/turquie-crise-politique-et-mouvement-democratique/