L’État marche à l’envers face à l’urgence de la crise climatique

Face à l’urgence climatique, l’État continue à préférer les intérêts destructeurs des capitalistes de l’automobile, de la finance et de l'agrobusiness plutôt que notre santé.

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Cette semaine, l’Assemblée nationale et la justice ont fait une démonstration de leur rôle de protection des intérêts fossilistes de l’État français et des grands capitalistes en faisant passer une décision de justice et trois lois écocidaires à contre-courant de l’urgence écologique et climatique. Pour protéger le profit de la bourgeoisie, le gouvernement continue de nous mener dans l’impasse du productivisme et de l’extractivisme.

 

L’A69 continue son chantier par la force face à la mobilisation des militant•es

Le mercredi 28 mai le tribunal administratif de Toulouse sur appel de l’État a autorisé la reprise des travaux de l’autoroute A69 entre Toulouse et Castres après les avoir déclarés illégaux, les forçant à arrêter le chantier le 27 février dernier.

Mais cette décision de justice n’est que temporaire, la décision de l’appel sur l’impact environnemental et la nécessité du projet ne tombera qu’en fin d’année, d’ici là le gouvernement compte faire passer une loi « relative à la raison impérative d’intérêt public majeur de la liaison autoroutière entre Castres et Toulouse », elle rendrait définitive la reprise des travaux et autoriserait de manière rétroactive les arrêtés préfectoraux interdits par le tribunal. La loi vient d’être rejetée par le camp présidentiel pour supprimer les différents amendements de la gauche et pour envoyer le dossier en commission mixte paritaire avec le Sénat où elle aura plus de chance de passer intacte. L’État français et les différents capitalistes qui profiteront du projet déploient tout l’arsenal judiciaire face aux militant•es écologistes et les nombreuses années de lutte contre le projet.

La « Liaison Autoroutière entre Castres et Toulouse » dite autoroute A69 dont le chantier a démarré en 2023 fait l’objet d’une importante opposition de la part du mouvement écologiste et du mouvement social ; en cause un projet représentatif du fossilisme de l’État français face à la crise climatique au même titre que l’aéroport de Notre-Dame des Landes et les méga-bassines. Dans le Tarn, un des nouveaux départements victimes de sécheresse – depuis 2022, ses réserves en eau sont à sec chaque été – un tel projet d’artificialisation des terres paysannes et de destruction de la biodiversité locale sur plus de 50 km est purement écocidaire, en plus de la nature « tout-voiture » du projet, alors que la ligne ferroviaire Toulouse-Castres est une des plus délaissées de l’aire urbaine, sa modernisation figure dans les revendications des opposant•es de l’A69. En provoquant aussi la colère sociale, plus de 500 hectares de terre ont été expropriés aux habitant•es et aux paysan•nes au profit d’ATOSCA, concessionnaire du projet, avec l’aide de l’État et de sa police pour les délogements et destructions d’habitation ; l’A69 a su se construire comme un des projets publiques les plus combattus de ces dernières années en permettant la convergence des différents opposants.

Au pilotage du projet se trouve ATOSCA, entreprise spécialement créée pour l’A69, financé par le Groupe NGE (4ème entreprise du BTP en France) très lié à Vinci, on retrouve dans ses actionnaires « Tarn Sud Développement » qui investit 100 % de son capital dans NGE, cet actionnaire est lui-même financé par le groupe pharmaceutique Pierre Fabre, principal lobbyiste du projet depuis 30 ans. Ou encore QUAERO Capital, un fonds d’investissement qui a fait fortune sur fond de la crise de 2008, on retrouve à sa tête des anciens de chez Rothschild et de la Banque européenne, ainsi que d’autres fonds d’investissement et groupes faisant leur profit sur la transition écologique. Tous ces acteurs proches de dirigeants politiques français (principalement PS et Renaissance) ont pu faire passer leur agenda et leurs intérêts dans les nombreuses années de préparation du projet en obtenant clauses, protections et permis illégaux. Si ATOSCA affirme que l’A69 n’est financé qu’avec 23 % d’argent public, les comptes restent dans l’obscurité ne permettant pas de le vérifier.

L’argument principal des défenseurs de la reprise des travaux est que le chantier est déjà commencé et bien avancé, qu’il ne faudrait pas laisser derrière des terres détruites inutilement, mais les militant•es prévoyaient déjà quoi faire de ce nouvel espace avec le projet « Une Autre Voie ». Le ministre des transports a déjà annoncé un important dispositif de répression policière pour protéger la reprise du chantier face aux militant•es qui se sont remobilisé d’urgence. C’est dans le Tarn à Sivens en 2014 qu’est mort assassiné par la police Rémi Fraisse, militant contre le projet de barrage hydraulique dans le département.

 

Les ZFE, un cadeau pour les patrons de l’automobile pas pour la planète

Le même jour mercredi 28 mai, c’est l’Assemblée nationale qui vote sur la fin des ZFE (Zones à Faibles Émissions) à 98 voix, principalement de LFI et du RN contre 51 de la majorité, mettant fin à une réglementation qui a toujours peiné à être mise en œuvre, la faute à un manque d’investissement financier, en en faisant une punition contre les plus précaires de notre classe plutôt que contre les gros pollueurs.

La suppression des ZFE, fait partie du PLS (Projet de Loi de Simplification de la vie économique) mis en place en avril, un projet de dérégulation rédigé principalement par la droite sénatoriale et le ministère de la Simplification, il inclut entre autres une réglementation plus souple sur la préservation de la biodiversité lors des chantiers, la fin de la consultation publique pour les grands projets industriels (mise en place par Michel Barnier en 1995), l’accélération de la construction de data centers ou encore la suppression de l’Office Français de la Biodiversité. Un nouveau projet fossiliste adopté à l’Assemblée une semaine à peine après que l’État ait échappé à sa condamnation sur la pollution de l’air par le Conseil d’État.

L’objectif fondateur des ZFE est la diminution du taux de particules fines émises par les pots d’échappements des véhicules thermiques dans les grandes agglomérations. Les véhicules anciens étant ceux qui en émettent le plus, les ZFE sont censées encourager le renouvellement du parc automobile par des véhicules hybrides ou électriques, un investissement impossible pour les classes populaires, principales détentrices des véhicules anciens. Empêcher les plus précaires d’entre nous d’utiliser leur voiture, c’est leur bloquer l’accès à la ville, à l’isolation dans les quartiers populaires de banlieues, empêcher d’aller vers le centre c’est bloquer l’accès au travail et aux offres d’emploi. 

Les ZFE sont profondément anti-sociales, elles cherchent à faire payer le prix de nombreuses décennies de pollution automobile à celleux qui polluent le moins, à celleux qui ont la même voiture depuis des années et qui ne peuvent pas se permettre de voyager régulièrement en avion. Les plus riches qui peuvent changer de voitures plus régulièrement pour des modèles émettant moins de particules fines mais qui émettent plus de gaz à effet de serre sont les moins touchés par les ZFE. Très peu de moyens ont été investis pour que les classes populaires puissent s’équiper de véhicules plus « verts », ils ne leur restaient qu’à prendre un crédit sur plus années pour pouvoir continuer d’aller travailler, ou d’effectuer ses trajets la boule au ventre de se faire contrôler.

En ne cherchant que la réduction du taux de particules fines et le renouvellement du parc automobile, les ZFE ne s’en sont jamais prises aux causes de la pollution. La solution proposée de transition vers l’hybride/électrique ne prend pas en compte l’impact environnemental de l’extraction des métaux rares nécessaire à la production de batteries pour ces véhicules, de l’impact sur la santé des habitant•es des pays d’extraction, du bilan carbone engendrée par les chaînes de production mondialisées.

Les ZFE sont un projet dans l’esprit du « tout-voiture », elles ne cherchent qu’à refaire passer à la caisse des millions de travailleur•euses plutôt que de diminuer la nécessité de la voiture ; en parallèle des ZFE, aucune augmentation des budgets des transports en commun n’a été mise en place, aucun projet de désenclavement des quartiers populaires contraint à se déplacer en voiture.

Derrière les ZFE se cachent les mêmes intérêts des grands patrons de l’automobile françaises que les augmentations des frais de douanes à 35 % sur les véhicules électriques chinois, si les ZFE auraient bien pu faire baisser le taux de particules fines, l’impact environnemental du renouvellement de millions de véhicules que nécessitait leur mise en place n’avait rien d’écologique. Aucune mesure cherchant à défendre les intérêts économiques d’un des secteurs les plus polluant sur Terre ne peut être écologique, seules des initiatives qui remettent en question le capitalisme et les intérêts de la bourgeoisie pourront permettre d’éviter la catastrophe.

 

La loi Duplomb, sauver un modèle agricole à bout de souffle

La loi Duplomb du nom du sénateur LR Laurent Duplomb, ancien lobbyiste de la FNSEA et membre de la direction de Sodiaal, la 3ème coopérative agricole française, doit viser à renforcer la compétitivité de l’agriculture française face aux importations étrangères. Cette loi coécrite avec la FNSEA risquait d’être fortement altérée par plus de 3000 amendements déposés par la gauche de l’Assemblée, pour éviter cela, les députés macronistes ont préféré voter contre leur propre loi, pour éviter la lenteur du débat de chacun de ces amendements et l’envoyer telle qu’initialement écrite en commission mixte paritaire avec le Sénat où elle aura plus de chance d’être adoptée.

La loi est composée des six articles suivants :

 

Article 1 : fin de la séparation de la vente et du conseil des produits phytosanitaires, les vendeurs de ces produits pourront réaliser pour les agriculteurs les audits d’autorisation à utiliser leurs produits.

Article 2 : autorisation de l’utilisation de produits contenant des néonicotinoïdes et de l’épandage par drone. Les néonicotinoïdes sont des pesticides attaquant le système nerveux des êtres vivants à son contact direct ou indirect – incluant donc la consommation humaine de ces aliments causant lymphomes et cancers – interdits en 2018 pour des raisons de santé publiques mais également pour son effet meurtrier sur les populations d’insectes pollinisateurs dont 40 % ont disparus en vingt ans.

Article 3 : facilitation de l’élevage intensif, hausse du quota à partir duquel une inspection est nécessaire (de 40 000 à 85 000 pour les volailles).

Article 4 : création d’une possibilité de recours face aux contestations au dédommagement de perte de récoltes des assurances agricoles.

Article 5 : Faciliter la construction de méga-bassines et réduire la définition des zones humides pour diminuer leur protection.

Article 6 : diminution du pouvoir judiciaire de l’OFB.

 

Une réponse agroproductiviste pour répondre à la crise de l’agriculture, à la colère paysanne, les grands patrons du secteur pointant la régulation écologique comme fautive de la dégradation de la condition paysanne, proposent des solutions écocidaires pour y faire face, celles-ci vont seulement leur permettre d’augmenter leur profit sur le dos des agriculteur•trices qu’ils exploitent.

Dans un contexte de concentration des profits de l’agriculture, les petites coopératives paysannes se font absorber par les grosses coopératives agro-industrielles : Agrial, InVivo, Sodiaal, des coopératives milliardaires propriétaires chacune de dizaines de marques de produit alimentaire et de filiales privées, le secteur se retrouve dans la situation où le nombre de coopératives ne cesse de diminuer mais le chiffre d’affaires ne cesse d’augmenter. La loi Duplomb s’inscrit dans la politique cherchant à imposer le modèle d’agriculture industrielle face au modèle paysan.

Mais des solutions écologiques à la crise paysanne existent, elles nécessitent cependant de sortir du modèle productiviste et de s’attaquer frontalement aux profiteurs et aux pollueurs, c’est la proposition de la Confédération Paysanne face à la loi Duplomb : « Il est faux de dire que cette proposition de loi répond aux attentes du « monde agricole ». Il est au service d’un système agro-industriel qui est déjà responsable de la disparition de centaines de milliers de paysan•nes et de fermes en France. Si elle est adoptée, elle constituera une atteinte très grave à l’agriculture paysanne, celle qui relocalise, installe, respecte les sols et préserve la ressource en eau et rend possible la souveraineté alimentaire. Pour lever réellement les « entraves » au métier, il faut enfin mettre en place les outils qui permettent de garantir un revenu agricole et de stopper l’accaparement du foncier agricole. » 

 

Face à la destruction, une écologie anticapitaliste ouvrière et paysanne

Les différentes prévisions indiquent une hausse de +4 °C d’ici 2100, si le ministère de la Transition écologique a le 10 mars adopté un Plan National d’Adaptation au Changement Climatique, celui-ci n’a que très peu de valeur juridique et d’autorité sur les décisions gouvernementales, les différentes annonces du gouvernement Macron dans la dernière période sont à l’opposé de l’urgence environnementale. Les projets polluants et destructeurs de la biodiversité sont protégés légalement mais pas le programme écologique, les capitalistes pollueurs agissent en toute illégalité se sachant toujours protégés par un État à leur service. Les différentes mesures de « transition écologique » entreprises par l’État ne sont que des objectifs numéraires à atteindre et isolés les uns des autres, mais il est impossible de combattre les particules fines sans combattre les gaz à effet de serre et la destruction des écosystèmes. Dans le contexte actuel nous devons continuer à faire pression par tous les moyens judiciaires et légaux à notre disposition pour imposer nos revendications, bloquer les projets destructeurs, faire imposer la loi aux entreprises polluantes, gagner des victoires pour notre camp et imposer des défaites aux capitalistes.

Nous sommes convaincu•es que pour éviter la catastrophe et sauver la planète, la seule solution sera de s’en prendre directement aux causes : à la production chaotique du capitalisme et les intérêts de sa bourgeoisie contraire à ceux de la nature. Une telle perspective ne sera réalisable que par une alliance entre les producteurs travailleurs et les consommateurs contre nos exploiteurs communs ; avec une planification démocratique de la production et de la société dans l’intérêt de la majorité, ainsi nous pourrions produire seulement ce qui est nécessaire à nos besoins à l’échelle locale pour supprimer les transports polluant, supprimer le gaspillage et l’obsolescence et prendre nous-mêmes en main les politiques de santé publique.

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