Source : NPA
Ils voulaient se faire entendre, c’est réussi. Avec 11,77% au soir du 15 mars, Philippe Poutou et son équipe ont gagné leur ticket pour le second tour. Du jamais vu pour un scrutin où l’on ne connaît qu’un seul tour depuis 1947. Philippe Poutou, tête de liste « Bordeaux en luttes » y voit un signe. « Bordeaux évolue, la gentrification, l’écartement des couches les plus pauvres… et pourtant il y a tout un milieu populaire qui existe à Bordeaux. »
Pour lui qui a défilé dans la rue au temps des gilets jaunes, il y a eu alors les signes d’une cassure sociale, peut-être l’une des clefs de sa présence au second tour. « Le mouvement des gilets jaunes à Bordeaux, c’est sûr, il laisse des traces. Il est la révélation d’une cassure sociale, pas qu’à Bordeaux, mais girondine. Il s’est exprimé dans cette élection, ça traduit un changement dans la tête des gens. »
La crise comme révélateur
Evidemment, le 15 mars, il y a eu la satisfaction d’arriver au second tour. Mais, la crise sanitaire s’est tout de suite imposée. « Ça nous a conforté dans tout ce qu’on disait lors du premier tour. L’urgence sociale, le service public de santé… Finalement, la crise sanitaire a révélé à quel point la société n’était pas du tout adaptée pour répondre aux besoins des gens.»
Alors le porte-parole de la lutte anticapitaliste repart de plus belle. « Ça ne va vraiment pas. Trop de chômage, trop de précarité, des gens qui n’arrivent pas à se loger, à se soigner correctement, qui n’arrivent pas à manger correctement,. Nous, c’est déjà ce qu’on a envie de dire.
On a deux candidats qui ne parlent quasiment pas de ça. On est là pour essayer de montrer qu’y compris à Bordeaux, qui est une ville bourgeoise, avec ses jolies façades, il y a une situation de misère et de précarité au quotidien. On veut le faire exister dans cette campagne. La crise sanitaire a montré que les personnes plus fragiles étaient en danger. De ce point de vue là, il n’y a pas eu de réponse.»
Alors quelle est celle de l’équipe de »Bordeaux en luttes» ?
Pour répondre à la violence de la crise, ses deux opposants ont ajouté un degré de plus dans lutte contre la précarité et une attention renforcée à l’écologie, dans leur programme, version deuxième tour de la campagne. Peu convaincant pour le candidat Poutou. « On voit Florian à Bordeaux parler de choses dont il ne parlait jamais avant. Les circuits courts, les espaces verts, on le voit discuter des pistes cyclables. Maintenant ce sont des fous du vélo ! On a l’impression que le monde d’après, il va être pareil.»
Exister politiquement
Philippe Poutou a envie d’exister au sein du conseil municipal. Pas question dans ces conditions de se désister. « On est comme plein de monde, on aimerait bien que la droite soit dégagée de Bordeaux. Sauf que c’est plus compliqué que ça, parce qu’on voudrait bien que ce soit une politique plus sociale et anti-libérale. Avec Hurmic et le PS, on n’a pas d’illusion.»
Avec 11,77% des suffrages au premier tour, Philippe Poutou n’accédera pas au fauteuil de maire mais il assume sa démarche « On veut des élus, on veut faire entendre cette voix au »Parlement bordelais», on veut même créer un groupe qui peut influencer, pousser.» Philippe Poutou s’amuse à appeler le conseil municipal le « Parlement bordelais» car c’est l’impression que lui donne le lieu, l’assemblée en place…
Mais les électeurs vont-ils à nouveau lui faire confiance pour le second tour ou choisir une autre option, à savoir faire barrage à la droite ? « On pense que tout est possible. On peut avoir un tassement du résultat avec la pression du vote utile. On aimerait bien avoir une équipe à quatre, une grosse équipe. L’objectif, c’est de maintenir un minima et améliorer un petit peu, et même beaucoup, on n’e serait pas contre ! »
De cette mobilisation à hauteur du premier tour dépend aussi donc l’identité du futur maire. « Alors, notre présence au deuxième tour, ça peut arranger Nicolas Florian ! On est désolés, c’est pas ça qu’on voulait !!!
Ils ( Pierre Hurmic et Nicolas Florian, NDLR), se disent qu’on est leur chance. Mais on fait quoi ? On se tait, on s’en va parce qu’on voudrait pas déranger les deux ? On peut emmerder beaucoup plus Florian en étant élus ,on est prêts à mener un combat, on est des militants et on a des liens directs avec tout le tissu associatif. »
Ses opposants lui renvoient l’image d’un combattant politique qui s’appuie sur les grands thèmes nationaux, argument développé par l’écologiste Pierre Hurmic, l’ancien candidat à l’élection présidentielle apporte une réponse. « On est politique, ça c’est sûr et on le revendique. Mais on est aussi localiste que lui ( Pierre Hurmic NDLR ).
On sait très bien la difficulté que les gens ont pour payer leur loyer au Grand Parc à Bacalan, aux Aubiers, les menaces d’expulsion, on est plus que lui dans les squats. »
Pour aboutir, il faut que les électeurs se mobilisent et Philippe Poutou le reconnaît, il entend souvent un même discours des Bordelais croisés dans sa campagne : « Les élections, ça ne change rien » A lui de les faire changer d’avis.