Inès
Dans un discours de clôture du congrès de la Conférence des présidents d’université, Emmanuel Macron a sous-entendu un projet de privatisation des universités. Face à cette tentative de rendre les universités encore plus sélectives, luttons pour défendre la gratuité de l’enseignement supérieur. Mobilisons-nous pour une fac gratuite ouverte à toutes et à tous ce jeudi 3 janvier à l’appel de la rencontre inter-facs de Nanterre.
Quelques mots …
« On ne pourra pas rester durablement dans un système où l’enseignement supérieur n’a aucun prix […] financer un modèle qui est beaucoup plus financé sur l’argent public que partout dans le monde pour répondre à la compétition internationale ».
… qui en disent long
Emmanuel Macron nous donne ici un aperçu des mesures qu’il prévoit pour l’enseignement supérieur en cas de réélection. Durcir les conditions d’entrée à la fac et durcir les conditions à l’obtention du diplôme une fois la fac atteinte, c’est priver toute une frange de la population du savoir critique généré à l’université et cela signifierait, somme toute, la fin du service public d’enseignement supérieur.
Des boursiers ou des précaires trop nombreux ?
Aujourd’hui, contrairement à ce que dit le président en exercice, seuls 27% des étudiants sont considérés comme boursiers et, à ce titre, n’ont pas à payer de frais d’inscription. Pour le reste, il faut débourser entre 170 et 380 euros pour les licences et le doctorat. Pour les écoles d’ingénieurs, ces montants vont de 600 à plusieurs milliers d’euros ! Dans ces conditions, il est difficile de parler de « gratuité » au sein du service public. En effet, la quasi-totalité des étudiants paient leurs études et il est particulièrement méprisant d’affirmer le contraire quand on sait la hausse de la précarité qui se vit dans ce secteur !
Si le président est surpris : « nous n’avons jamais vu autant de précarité étudiante » mais qu’il se félicite par ailleurs : « c’est une fierté qu’un étudiant sur trois » soit boursier, il nous semble à nous que c’est un scandale ! Depuis des mois et des années, les syndicats étudiants demandent une réforme des bourses. Ils interpellent sans arrêt et alertent sur la précarité étudiante. Macron lui-même en a promis une sans jamais la mettre en place. Plutôt que d’éradiquer la précarité au sein de l’enseignement supérieur, il a décidé de s’en prendre aux pauvres à l’université. Bravo monsieur Macron !
Une sélection abjecte déjà à l’œuvre
Alors que le service public de l’enseignement supérieur doit, supposément être ouvert et, à ce titre, accueillir tout le monde, il laisse des étudiants sans affectation. Des étudiants qui ont candidaté sur toutes les plateformes : parcoursup, ecandidat, campus France se retrouvent chaque année aux portes des facs, privé d’éducation par le biais de la sélection sociale.
Face à la crise sanitaire, on observe que les étudiants étrangers sont la variable d’ajustement : ce sont eux dont on a augmenté les frais d’inscription en les faisant passer de 170 à 2770 euros (et 3770 pour le master) ! Trop souvent, ces étudiants sont poussés hors de l’université grâce à la sélection par l’argent.
Ces populations, qui sont les plus touchées par la précarité, se sont retrouvées à devoir endosser les emplois les plus durs et mal payés et les moins protégés pendant la crise sanitaire. Cela explique sans doute à notre président pourquoi « 50% des étudiants ne se présentent pas à leurs examens ».
Les budgets n’augmentent pas alors que les effectifs explosent ce qui entraîne inévitablement une dégradation des conditions d’accueil. Pour remédier à cela, le gouvernement met en place un système de sélection basé sur le hasard pour que les étudiants se sentent floués. Ceci fait, il est facile de justifier une sélection basée sur les notes soit disant non discriminantes, qui demeure un système de sélection. Celle qui ne fait pas au hasard mais choisie attentivement qui est « méritant » et bien sûr, qui ne l’est pas.
Nous voulons que l’université soit capable d’assumer pleinement son rôle de service public et cela passe par l’ouverture à toutes et à tous aux enseignements dispensés à l’université. Au sein des facs en France, c’est seulement 10% d’enfants d’ouvriers ou jeunes issus des quartiers populaires. Ne leur devons-nous pas le droit à l’enseignement ? S’ils tiennent le coup malgré la précarité de leur situation économique et tous les efforts qui seront exigés d’eux, ne leur devons-nous pas le droit à être eux aussi, des diplômés du supérieur ? L’éducation ne doit pas être un privilège mais d’un droit fondamental pour toutes et tous.
Une privatisation de l’enseignement
Pour soutenir l’université publique il faudrait une hausse du budget qui permettrait d’accueillir de nouveaux élèves dans de meilleures conditions, rénover de vieux bâtiments, recruter de nouveaux profs, créer de l’emplois… Mais manifestement, les gouvernements qui se sont succédés s’y refusent pour ne pas creuser la dette. Ils ont préféré la sélection (comme vu au-dessus) mais aussi la privatisation progressive, justifiée par l’excellence ; il faut être compétitif sur le classement de Shanghai, briller à l’international, attirer les meilleurs profils…
Pour cela il faudrait, selon notre président, une augmentation généralisée des frais d’inscription pour tous et toutes. Des centaines de milliers de jeunes n’auront plus accès à l’université et pour les quelques-uns qui s’y risqueront, ce sera au prix d’un surendettement avec les conséquences que nous pouvons constater dans d’autres pays tels que le Royaume Uni ; des remboursements se terminant 10 ans et parfois même 20 ans après la fin des études. Ce que nous laisse entrevoir ces propositions, c’est une université où tout est à vendre, où tout a un prix.
Mettre un prix sur l’enseignement supérieur c’est donner un prix au savoir et à la connaissance. Ce prix sera donné par les banques qui nous prêteront ou non en fonction de notre parcours et de la valeur qu’elles donneront à notre avenir ! Ce seront aux banques de faire la sélection entre ceux qui étudient et les autres. Ce sera faire peser le prix de l’enseignement sur les étudiants et les étudiantes.
Il faut en effet un investissement dans l’enseignement supérieur mais il doit venir de l’Etat, pas des étudiants et pas des banques.
Un projet pour l’université
On veut nous faire croire à une université d’excellence sans taux d’échec ou d’abandon, qui corresponde au marché du travail qui n’a pas besoin de tous les diplômés en lettre ou en art que produisent aujourd’hui les facs, et qui bien évidemment, ne creusera pas la dette du pays. Tout cela grâce à la sélection juste et au prix de l’éducation pour tous.
Mais l’université est un des rares espaces où subsiste encore une forme de liberté de l’innovation, d’accès au savoir. Éduquer la population dans son ensemble c’est lui donner des armes, des outils critiques, des méthodes et des références intellectuelles scientifiques qui seront ensuite utiles à l’ensemble de la société pour créer du changement, de la nouveauté, de l’innovation.
Mais c’est surtout un lieu clef de la transformation sociale. Le pays entier a besoin de ces lieux qui sont capables de transformer des enfants d’exclus en diplômés du supérieur. C’est bel et bien de nos facs que sortent des gens capables de penser le monde de demain en des termes révolutionnaires.