Traitée comme un fait divers dans la presse nationale la condamnation de prison ferme pour Priscilla Majani est presque passée sans faire de bruit. Cette maman de 48 ans a dû se battre en clandestinité pour éloigner l’enfant de son agresseur qui n’a pas été jugé coupable en 2011. Alain Chauvet, son ex mari et père de la victime, a dénonce Priscilla pour calomnie. Cependant, les juges n’ont par reconnu cette accusation et la peine sur elle a été allégée mais sans aucune poursuite envers l’agresseur.
Le cas nous fait remémorer l’affaire Duhamel qui a déclenché le phénomène #meetooinceste et qui a rendu visible une réalité statistique encore en hausse : 1 de dix français ont été victimes d’inceste dont la proportion des femmes reste majoritaire, puisque 8 sur 10 sont des femmes. La législation oblige encore les victimes de prouver leur non consentement. Le maintien de l’autorité parentale lors qu’un parent est accusé d’inceste ou de viol est en vigueur. Cette réalité demeure malgré des recommandations faites par des organismes spécialisés comme la Ciivise (Commission Indépendante sur l’Inceste et les Violences Sexuelles faites aux Enfants), crée par le gouvernement lors de l’affaire Duhamel en 2021. Néanmoins l’organisme a effectué des recommandations qui n’ont pas été prises en compte.
Il ne s’agit pas d’un cas isolé
Ce n’est pas un cas isolé, les études montrent une proportion assez alarmante des personnes victimes d’inceste en France, une chiffre qui peut toucher environ 6,7 millions de français. De même, les enquêtes menées depuis quelques années démontrent que ce phénomène n’est pas isolé, au contraire, c’est le pain quotidien pour des mères qui veulent protéger leurs enfants.
« Nombreux récits recueillis par Le Monde ces derniers mois, émanant de mères ayant perdu toute confiance dans les institutions après des accusations d’inceste formulées par leurs enfants contre leur père, qui se retournent contre elles. Les similitudes entre ces dossiers interpellent, au point que la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise), qui a rendu, jeudi 31 mars, ses recommandations intermédiaires, avait déjà publié un premier avis, le 27 octobre 2021, s’alarmant du sort de ces « mères protectrices » venues en nombre témoigner auprès d’elle. » (Le Monde)
« J’aurais fait comme elle »
Le mouvement féministe a riposté de façon immédiate à travers les réseaux sociaux avec le hashtag #PriscillaMajani accompagnée de la phrase « j’aurais fait comme elle » en soutenant l’action de Priscilla pour protéger sa fille. De nombreuses artistes ainsi que de personnalités célèbres ont soutenu la campagne lancée par la comédienne Eva Darlan à travers leurs réseaux et il y a eu une vague de soutien à Priscilla Majani partout. Son cas devient un icône de l’acharnement de la justice patriarcale envers les mères protectrices. Cette demande de justice représente la situation de toutes les victimes re victimisées par l’État et par ses tribunaux judiciaires qui mettent en avant le principe d’alimentation parentale au lieu de la prise en compte des témoignages des enfants.
Il faut un plan de bataille pour en finir avec l’impunité patriarcale
Loin des belles promesses d’égalité et d’être « la grande cause » du gouvernement, sous la Macronie, la situation des femmes n’a pas changé. Les statistiques d’inceste ne font que s’accroitre et dans plusieurs médias on parle d’une certaine « culture d’inceste » très répandue en France. Malheureusement, il ne s’agit pas des habitudes qu’on puisse donner l’attribution de culturelles. Le viol n’est pas une culture c’est le exercice d’un pouvoir très concret et spécifique sur le corps d’une autre personne. Il s’agit de la soumission à l’autorité et du sens de propriété exercé sur les personnes, c’est l’expression d’une inégalité matérielle et concrète installée socialement.
Alors pour bien renforcer cette place pour les femmes, le gouvernement agit au quotidien en précarisant les femmes. De cette manière, elles sont plus contraintes de la dépendance économique. Porter plainte c’est de plus en plus difficile pour les victimes. Même s’ils sont accusés de viol et d’agressions sexuelles, les hommes d’état restent toujours dans leurs fonctions. Il s’agit d’un message très clair : l’état participe activement à installer l’idée que le viol et l’inceste ne sont pas si graves que ça.
Organisons-nous pour que la condamnation soit collective
Dans le milieu artistique et du cinéma le constat a été fait il faut que la riposte s’étale socialement avec une politique d’intervention immédiate. En suivant l’exemple de ces collectifs artistiques il faut que les différentes organisations féministes et de travailleuses se mobilisent aux côtés des victimes et de leurs familles afin d’obtenir justice et d’installer dans le débat public des cas comme celui de Majani. Précisément parce que nous ne faisons pas confiance à l’État patriarcal ni à sa justice il faut une condamnation sociale massive et dans la rue pour que la peur change enfin de camp.
Sources
- Rapport IPSOS 2020 http://aivi.fr/doc/Ipsos_Face_a_l’inceste_Rapport.pdf
- Le combat des « mères protectrices » face à l’inceste de leurs ex-compagnons, disponible sur https://www.lemonde.fr/police-justice/article/2022/03/31/le-combat-des-meres-protectrices-face-a-l-inceste-de-leurs-ex-compagnons_6119958_1653578.html