
En onze ans, l’enquête sur les trois militantes du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) tuées par arme à feu à Paris n’a pas abouti. Ankara a fait classer ce parti comme organisation terroriste par tous les pays alliés de la Turquie, dont l’Union Européenne en 2002. L’assassin est présupposément un agent infiltré des services secrets turcs, décédé quelques semaines avant son procès en 2016.
La manifestation du 6 janvier avait pour objectif de dénoncer les crimes non élucidés, mais aussi de défendre les idées politiques portées par le mouvement Kurde.
Femme ! Vie ! Liberté !
Le slogan politique kurde Jin Jîyan Azadî retenti spontanément dans la foule, en hommage aux militantes kurdes féministes et dirigeantes politiques assassinées à Paris. Ce slogan a été rendu célèbre à travers le monde après l’assassinat de l’étudiante kurde iranienne Jîna Mahsa Amînî, le 16 septembre 2022.
Un important dispositif de service d’ordre est mis en place pour accéder à la manifestation. Les Kurdes savent qu’iels ne peuvent compter que sur elleux-mêmes pour assurer leur sécurité. La manifestation commence par des prises de paroles, comme celle d’un représentant d’une association arménienne qui rappelle la guerre au Haut-Karabakh et le génocide Arménien, jamais reconnu par les gouvernements ultranationalistes turcs.
Des slogans de soutien à la Palestine sont entonnés. La dimension internationaliste de la lutte Kurde résonne particulièrement dans cette période de guerres et d’âpres luttes féministes.
Une manifestation anti-impérialiste
Les manifestant.es sont venu chanter leur colère et exiger la levée du secret défense pour que les meurtres soient jugés correctement. Mais les Kurdes ont bien conscience que les gouvernements français ne veulent pas se frotter à la Turquie qui appartient à l’OTAN.
Le Conseil démocratique kurde en France (CDK-F) qui organise la marche chaque année regroupe 26 associations de la diaspora kurde. 300 000 Kurdes vivent aujourd’hui en France. Cette organisation défend le projet de confédéralisme démocratique, système politique du Rojava (Ouest-Kurdistan, Syrie). Des manifestant.es portaient des drapeaux à l’effigie d’Abdullah Öcalandu, leader de ce mouvement et détenu en Turquie depuis 1999.
Partout dans les cortèges circule “Erdogan assassin, Macron complice ! ” et “Erdogan Terroriste ! ”. Le cortège du CDK-F composait la plus grande partie du cortège à l’avant. De nombreuses organisations politiques Kurdes et internationalistes composait la seconde parti de la manifestation, avec le MKP (Parti communiste maoïste de Turquie et Kurdistan du Nord), le MLPD (Parti marxiste-léniniste d’Allemagne), Bir-Kar et ICOR (Coordination internationale des partis et organisations révolutionnaires), et le cortège de l’Union des femmes socialistes (SKB) rassemblants des Turques et Kurdes en France. Enfin, les organisations françaises composaient la troisième partie avec l’UCL, Ensemble!, Solidaires, le NPA B, RP, le PCF, le PS et la CGT notamment. Le cortège de l’Union Communiste Libertaire scandait “Face à l’impérialisme, ne nous laissons pas faire ! Autodéfense populaire !”.
Un autre triple assassinat de Kurdes, issu de la xénophobie … et de la main d’Erdogan ?
Le vendredi 23 décembre 2022, une autre tragédie avait frappé la communauté Kurde avec le triple meurtre de Mîr Perwer, Emine Kara et Abdulrahman Kizil (voir l’article paru sur notre site le 11 janvier 2023).
Dix ans après l’assassinat de Fidan Doğan, Sakine Cansız et Leyla Söylemez, trois autres militant.es sont abbatu dans le centre Ahmet-Kaya. Le suspect arrêté avait déjà commis une attaque raciste et avait été condamné pour « pour tentative d’homicide volontaire dans un camp de migrants » à Paris en 2021. Cette attaque, dix ans presque jour pour jour après le premier triple féminicide à Paris, interroge. La même semaine, un dispositif d’écoute avait été découvert par la police, et détruit par elle, dans une voiture dans la rue du centre kurde.
« Femme, vie, liberté ! »
Cette manifestation du 6 janvier, féministe, internationaliste, antiimpérialiste résonne particulièrement dans cette période. Nous venons d’achever une année marquée par le soulèvement en Iran, le déclenchement de la guerre en Palestine et au Haut-Karabakh, la poursuite de la guerre en Ukraine, et toujours la même complaisance de nos Etats capitalistes vis-à-vis des tyrans.
La résistance politique des Kurdes en Turquie, en Iran, en Irak, en France nous montre que nous pouvons nous battre partout contre l’impérialisme. Comme nous pouvions l’entendre samedi dans la rue : “Contre l’impérialisme, notre riposte est internationaliste !”.
Article de SoB du 11 janvier 2023
Article de SoB du 2 janvier 2024
Lien vers l’évènement : https://cdkf.fr/evenement/levez-le-secret-defense-jugez-les-commanditaires/