Les recherches des disparu.e.s continuent à Valence et ses alentours. Alors que la chaleur monte, l’espoir de retrouver les centaines de victimes des inondations en vie s’amenuise. Le phénomène DANA ou « Depresión Aislada en Niveles Altos » (dépression isolée en haute altitude), la goutte froide, était annoncé depuis 5 jours quand il a frappé Valence et ses environs.
Des partis politiques et syndicats exigent la démission de Carlos Mazón et du gouvernement de la généralité de Valence, tandis que 400 000 personnes n’ont plus d’eau potable, et 150 000 habitations sont sans électricité. Des mesures d’urgence sont exigées par la population, qui a pris les choses en main pour aider les victimes.
Les responsabilités de cette catastrophe sont de différentes natures : celle, mondiale, de l’exploitation capitaliste qui provoque le changement climatique ; celle de la politique d’aménagement sous Franco ; celle des élus et du patronat local à la stupidité et à l’avidité meurtrières. Cette tragédie n’est pas singulière : le cocktail explosif d’un capitalisme sans merci et d’aveuglement volontaire des puissants aggravent les catastrophes partout dans le monde.
Le détournement de fleuves, une manie franquiste à laquelle les travailleurs de l’Èbre ont dit non
En 1957, la crue du fleuve valencien, la Turia, avait causé la mort d’au moins 81 personnes à Valence. Le gouvernement de Franco avait alors décidé de détourner le fleuve dans la partie sud de la ville, composée de vergers. Les travaux colossaux de dix ans qui s’en sont suivis ont modifié le cours du fleuve. Mais en supprimant les méandres naturels du fleuve, la vitesse de l’eau est accélérée.
Puis, pendant 55 ans, l’agglomération de Valence s’est étendue sur les 9 000 hectares de vergers du sud, soit la superficie de Paris intra-muros. D’un part l’eau ne peut plus s’infiltrer, d’autre part le ruissellement sur les surfaces asphaltées accentue la vitesse de l’eau en période de pluie. Les habitant.e.s de la zone étaient donc soumis au risque que la crue emporte tout, ce qui s’est produit dans un contexte de pluies diluviennes.
Enfin, le changement climatique provoque l’accentuation du régime méditerrannéen. C’est-à-dire que les pluies sont plus rares mais plus fortes, les crues plus puissantes. Les pouvoirs publics ne prennent pas la mesure du problème, en Espagne comme en France. La politique agricole joue aussi un rôle. En arrachant les arbres, l’eau ruisselle sur les surfaces de la ville comme des cultures et lessive les sols que les racines ne stabilisent plus.
A l’heure où l’Etat Espagnol de Pedro Sánchez veut réhabiliter un projet de Franco, le détournement de l’Èbre dans le nord du pays, la mobilisation de la population est nécessaire afin que ce soit à elle de décider l’aménagement de son espace, en accord avec l’écologie, au sens de l’étude du milieu. La classe ouvrière avait fait reculer le projet de Franco dans les années 60.
Les premières grèves du début de la période franquiste en Aragon éclatèrent le 15 mai 1962. Le barrage de Mequinenza menaçait alors de rompre. Les grèves se déclarèrent dans les mines de Mina Petra et Mina Eugenia, rassemblant 1200 mineurs et 700 travailleurs de la compagnie nationale hydroélectrique ENHER. Leur grève ne portait pas seulement sur l’augmentation des salaires, mais aussi sur leur environnement. Dans un manifeste, ils listent les revendications immédiates, dont la première est “1° contre le détournement de l’Èbre”. Ces grèves ont eu raison du projet de Franco, et le cours de l’Èbre n’a pas été modifié. Pour plus d’éléments à ce sujet, et sur la question de la rupture métabolique, nous vous invitons à écouter le topo des RER de 2023 du NPA-R, La classe ouvrière et le combat pour l’écologie.
Peut-être que ces mobilisations des années 60-70 contre le détournement de l’Èbre ont permis de sauver des vies en Catalogne.
Le profit prime sur la vie des travailleur.euses
Une des explications du bilan dramatique des inondations est aussi que la région de Valence est gouvernée par une coalition droite-extrême droite climatosceptique qui a démantelé “l’Unité de réponse aux urgences de Valence”. En 2023, le Parti populaire (parti de droite) et Vox (parti néofasciste) se sont associés à Valence (voir article Contre-Attaque). Ces occultes apprentis sorciers n’ont pas pris au sérieux les alertes météo qui annonçaient la tempête 5 jours avant et ont déclenché un message d’alerte quand il n’était déjà plus possible de s’enfuir. Pourtant, l’agence météorologique nationale (Aemet) avait alerté le président de la région de Valence, Carlos Mazón, le 20 octobre, de risque de violentes coulées de boue. Le 29 octobre à 7h30, encore suffisamment tôt pour entreprendre l’évacuation des zones, le risque est passé à « danger extrême ».
Les travailleur.euse.s des transports, livraison etc. ont été sommé de se rendre au travail malgré les prévisions. Dénoncée par les médias de gauche radicale, la société Glovo de Barcelone est allée jusqu’à lancer une campagne de promotion sur les livraisons de repas, en argumentant sur le fait de ne pas sortir pendant les pluies torrentielles. Que vaut la vie d’un.e livreur.euse pour ces entreprises ?
Les personnes frappées en première ligne par les conséquences de la tempête sont aussi des travailleur.euse.s originaires de Colombie et d’Honduras, dont la vie a certainement peu d’importance pour une Généralité d’extrême droite.
Pour achever de se convaincre de l’obsession capitaliste de l’administration espagnole, des cars de bénévoles affrétés par le gouvernement ont conduit les volontaires au centre commercial ! Les bénévoles solidaires ont refusé de nettoyer gratuitement des locaux commerciaux de multinationales, et ont finalement été amenés dans un village après 4h de négociations (voir article de Médiapart) !
De la pollution de la planète par le capitalisme au mépris le plus cynique de la vie des travailleur.euse.s, l’affaire de Valence illustre à toutes les échelles la violence du capitalisme et de ses défenseurs.
Le changement climatique, une question internationaliste
Partout dans le monde, le changement climatique associé à une urbanisation qui ne prend pas en compte le milieu naturel provoque et va provoquer le déplacement de millions de personnes.
En France en 2010, la tempête Xynthia avait fait 53 morts. Des habitations avaient été construites dans des zones inondables, comme à La Faute-sur-Mer et L’Aiguillon-sur-Mer en Vendée.
En 2022, les pays concernés par les moussons ont fait face à des inondations historiques. Au Pakistan, en trois mois, les inondations ont causé la mort de 1 700 personnes, le déplacement de 8 millions d’habitant.e.s et la dévastation de 1,8 million d’hectares de terres agricoles. Au Nigeria la même année, les inondations ont causé la mort de plus de 500 personnes et le déplacement de 1,4 million d’habitant.e.s.
Le rapport Children Displaced in a Changing Climate en 2023 cité par l’UNICEF indique : “ En six ans, les catastrophes liées au climat ont entraîné 43,1 millions de déplacements internes d’enfants dans 44 pays – soit environ 20 000 déplacements d’enfants chaque jour.”
Cette étude estime aussi que les inondations fluviales pourraient entraîner le déplacement de près de 96 millions d’enfants au cours des 30 prochaines années.
Ces chiffres sont insupportables. Bien entendu, ce sont les pays du sud global qui payent le tribut le plus lourd, bien que nous soyons toustes concerné.e.s. A cet enjeu international, la réponse doit être internationaliste. Unissons-nous contre les climato-sceptiques meurtriers pour prendre les décisions nécessaires.
Seul le peuple sauve le peuple : la population s’organise
La solidarité des habitant.e.s et des milliers de personnes qui affluent chaque jours à Valence pour faire face à la crise est salvatrice par rapport à l’attitude des gouvernants, embourbés dans leur incompétence. La Généralité de Valence a d’abord refusé l’aide extérieure de l’Etat en raison des divergences politiques. Quel sens de l’honneur ! Pendant ce temps, les voisin.e.s se sont entraidé.e.s pour écoper la boue, extraire les blessé.e.s, etc.
Mais désormais, l’Etat veut aussi entraver la solidarité ! Il argumente que les voitures des particuliers perturbent le déploiement des secours pour tenter de reprendre la main sur la situation alors qu’il a laissé les sinistré.e.s à leur sort.
Les images d’un pays, 16ème puissance mondiale, qui n’est toujours pas capable d’envoyer l’aide nécessaire après la série d’erreurs commises est sans appel. Les gouvernants et patrons espagnols devront rendre des comptes !
Cette catastrophe démontre bien que notre classe ne peut compter que sur elle-même pour s’extirper de la boue dans laquelle les politiciens bourgeois et le capitalisme nous plongent.
Les habitant.e.s sinistré.e.s ne s’y trompent pas, iels ont accueilli Pedro Sánchez, Carlos Mazón, le roi d’Espagne Felipe VI et la reine Letizia avec des jets de boue à Paiporta, au sud de Valence, et aux cris de « Mazón démission !« , « Combien de morts ? », « Dehors !« , “Assassins, assassins !”, « Partez d’ici, clowns », « Nous n’avons plus rien », « Les gens sont en train de mourir ». Ils ont aussi chanté “Où est Pedro Sánchez ?”.
Ledit Pedro Sánchez a reçu un jet de pelle, et est reparti illico dans sa voiture, s’en est fini des déplacements pour sa délégation d’incapables criminels. C’est bien tout ce que méritent ces parasites qui vivent au crochet des contribuables. Cette expression de colère contre la monarchie est un fait exceptionnel en Espagne, et la tragédie de Valence pourrait laisser place à une mobilisation d’ampleur contre les différentes autorités.
Submergeons le capitalisme par nos luttes !
Les capitalistes responsables du changement climatique ne comptent pas s’atteler au problème des millions de déplacé.e.s et des morts qu’ils provoquent. Nous devons les dégager pour décider par nous même comment gérer la production et l’aménagement de nos espaces, afin d’enrayer les catastrophes en chaîne que le changement climatique va produire. Comme lors de la grève des mineurs dans l’Espagne de Franco, nous pouvons construire des résistances, puis aller au-delà, à la prise du pouvoir.
Les capitalistes et leurs suppôts politiciens bourgeois d’extrême droite ou d’ailleurs n’en ont rien à faire de nos vies, nous n’avons rien à faire de leurs profits ! Organisons la riposte anticapitaliste parce qu’un autre autre monde est possible, où les rives n’enserrent pas les fleuves.
Exigeons des mesures immédiates !
Dans un premier temps, aux côtés des travailleur.euse.s sinistré.e.s, nous soutenons les revendications de mesures d’urgence immédiates conséquentes formulées par notre classe et de la démission de tous les responsables de cette absence de gestion de la catastrophe !
Sources
En Afrique, des inondations « inédites » aggravées par le changement climatique Le Monde avec AFP, le 28 octobre 2024
https://izquierdawebcr.com/2024/11/01/ya-son-202-los-muertos-por-el-fenomeno-dana-en-valencia/